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Billet de blog 13 février 2021

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Finkielkraut face à Duhamel : des propos inacceptables

On connait les propos malheureux de Finkielkraut, à l'occasion de l'affaire Duhamel, concernant l'âge à partir duquel un être humain peut être dit victime d'une agression sexuelle. Or il vient d'aggraver son cas dans une interview où il argumente d'une manière sophistique, dénonçant la morale et utilisant la psychanalyse quasiment à contre-sens. Quelle "défaite de la pensée"!

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                                   Finfielkraut face à Duhamel : des propos inacceptables 

Décidément notre époque va mal, j'entends par "époque" une partie de ce qu'on appelle l'intelligentsia et qui porte mal son nom tant l'intelligence et la morale y reculent de plus en plus? En l'occurrence, il d'agit d'un cénacle d'intellectuels de droite auxquels les revues en place ouvrent leurs colonnes et qui sont soouvent unis par les divers honneurs qu'ils reçoivent.

C'est justement le cas d'Alain Finkielkraut intervenant dans une revue dont je tairai le nom pour ne pas lui faire de publicité (elle ne le mérite pas) à propos de ce qu'il a pu déclarer publiquement sur l'affaire Duhamel et qui, comme on dit, en "rajoute une couche" proprement inacceptable sur sa position. Au départ, il y a l'incident, provoqué sur une chaîne de télévision, par ce qu'il a pu dire concernant l'âge à partir duquel on peut parler d'agression sexuelle sur un être huamai et, donc, l'âge qui amène à le considérer comme un enfant ou non, susceptible de consentement. Finkielkraut, on le sait, a discutaillé sur cet âge en question: 13 ans ou plus? Or il y revient dans cet interview en alignant des affirmations extrêmement gênantes. dans l'ordre donc. Il s'en prend à la montée d'une morale intolérante selon lui, présente dans la conscience commune et les réseaux sociaux, qui se prend pour la justice officielle, condamne sans procès les agressions sexuelles et dévalorise non              seulement le coupable, mais celui qui en est solidaire parce que c'est un ami. On instaure alors un "délit d'amitié", dit-il sans vergogne                  concernant son rapport à Duhamel! Question toute simple: l'amitié serait-elle au-dessus des lois morales? Peut-on avoir pour ami un individu      qui sen fiche royalement? Autant justifier, sur un autre plan, l'affection amicale pour un fasciste quand on est républicain... et je n'en dirai pas  plus en matière d'exemple. D'autant que, s'agissant de Duhamel, il y a bien d'autres cas de violences homosexuelles qui lui ont été reprochés,      après avoir été découverts! Qu'il relise donc ce que les grands moralistes (au sens non moralisant du terme) ont pu dire sur le lien intime entre    l'amitié (qui n'est pas de l'ordre du désir ou de l'utilité) et le goût du"bien", le respect des valeurs interhumaines: ce fut le cas de certains            philosophes de l'Antiquité comme Aristote et c'est encore le cas de Marcel Conche - un grand, lui, de notre époque et d'une humanité admirable  à qui j'en ai parlé! Finkielkraut confond l'amour fondé sur le désir sexuel, dont Nietzsche a pu dire qu'il est "par-delà le bien et le   mal", et          l'amitié qui, selon moi, ne saurait l'être et doit contribuer à nous élever, sauf à virer dans la complicité parfois malsaine.                                        2 Il critique la psychanalyse d'une manière à la fois imbécile intellectuellement et désagréable moralement. Celle-ci n'aurait pas à sortir de son  cadre thérapeutique et n'aurait rien à nous dire fondamentalement sur le poids qu'une agression sexuelle (de l'ordre de l'inceste ou pas) fait peser sur la vie psychique; spécialement inconsciente, de la victime. Au point qu'il en vient à parler injustement de la résilience en comparant, d'une   manière à la fois sophistique et scandaleuse, la résilience qui se serait produite chez les victimes du nazisme (Juifs, Tziganes) et celle des   victimes d'un viol dont il ne voit pas pourquoi elle ne serait moins possible ou facile! Je le cite, tant cela mérite d'être lu: " Il y aurait donc une    résilience possible pour un rescapé d'Auschwitz, mais pas pour un homme ou une femme qui, dans son adolescence (il ne parle pas d'enfance,  bien entendu - Y. Q.) a subi ce genre d'attouchements ou d'agressions." Il ne se rend pas compte ou ne veut pas comprendre que, précisément, la  psychanalyse nous a révélé des choses importantes sur la sexualité infantile et le complexe d'Oedipe (y compris inversé, celui du rapport du   parent à l'enfant), lesquelles n'ont rien à voir avec ce qu'il paraît en suggérer : elle ne légitime en rien le passage à l'acte de la sexualité    oeidipienne  en tant que désir ou inclination "naturelle" et tend, au contraire, à faciliter son indispensable sublimation. Mais elle signale, en  même temps, les échos profonds, en l'occurrence le traumatisme que ce genre d'évènement produit généralement chez l'individu, en raison  justement de la sexualité de la sexualité inconsciente qui date de l'enfance et s'agit de refouler consciemment! C'est à ce prix que le "devenir- adulte" ou "équilibré" peut advenir, ce dont notre écrivain fait totalement abstraction. Il y a là une ignorance ou une incompréhension qu'on ne   saurait pardonner à un intellectuel de notre époque. Elle est carrément coupable.   

3 Un autre point théorique est abordé et qui me scandalise aussi : l'idée que dans les cas en question on se prononce dans  l'abstrait sur l'homme en général, en oubliant l'homme particulier. Il y aurait donc des situations singulières qu'on ne saurait juger catégoriquement, où les choses seraient plus complexes qu'on ne le croit et qui justifieraient qu'on trouve des excuses à l'agresseur et qu'on lui soit complaisant! C'est là un pur sophisme ou une fuite en avant... sauf que, et cela doit être pris en compte aussi, la psychanalyse aidant à nouveau, on sait désormais que les agresseurs ont souvent été victimes eux-mêmes d'actes de ce genre dans leur vie, qu'ils reproduisent, ou que ces agresseurs, sans aller aussi loin, ont pu avoir une biographie qui les a déstabilisés et fragilisés face à leurs désirs ou pulsions. D'où l'obligation d'en tenir compte, non pour leur pardonner ou les excuser, mais pour leur attribuer des circonstances psychologiques atténuantes qui amoindrissent leur culpabilité et les inciter à se faire soigner.

4 Dernier point, enfin, curieux car assimilable à un mensonge s'agissant de Duhamel: le déni de ses comportements sexuels aberrants ou obscènes, y compris dans sa résidence de Sanary, dont la révélation abondante s'est faite jour. Comment nier ce qu'on sait désormais et que beaucoup soupçonnaient dans son entourage sans le révéler : par amitié ou par complicité?

Je conclus par un constat que je trouve assez terrible : le soutien que lui apportent, dans le même numéro de la revue, des écrivains qu'on ne savait pas aussi peu soucieux de la moralité et de l'honnêteté intellectuelle, vu ce qu'ils ont écrit. On y trouve ainsi Rémi Brague, chrétien devant l'éternel, Marcel Gauchet et Pierre Nora que je croyais plus vigilants dans ce domaine, ou encore Mona Ozouf,  que j'estime, il est vrai académicienne comme lui. Il y a là un jeu de solidarités entre gens atteints par les honneurs ou qui en attendent. C'est ainsi que, dans ce cas aussi (mais il y en a plein d'autres) des intellectuels contemporains se situent "par-delà le bien et le mal". Oui, décidément, quelle triste époque ou, comme dirait notre auteur, quelle "défaite de la pensée"!

                                                                               Yvon Quiniou

NB:  Je signale au lecteur, pour éclairer concrètement la personnalité de Finkielkraut, que j'ai été confronté à lui dans une longue émission de télévision en 2007, où j'ai pu constater son absence de commisération à l'égard des jeunes des banlieues en révolte à l'époque. Amoralisme vous dis-je!

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