Antenne 2 face à Mélenchon : une interview malhonnête et symptomatique
Je n’ai pas souvent l’envie de protester sur des événements qu’on peut considérer comme « minuscules », au moins dans le temps. Sauf qu’ici il s’agit de l’interview sur Antenne 2 de Mélenchon sur cette chaîne mercredi soir, à quatre jours de l'ouverture d’élections législatives cruciales pour notre société menacée par un score possible du Rassemblement National qui fait peur à tout citoyen progressiste, que je suis aussi, au minimum. Or on a vu à l’œuvre non une journaliste honnête et impartiale - ce qui constitue le devoir de tout journaliste sur une chaîne publique - mais une journaliste mue par son idéologie macroniste et que sa joliesse n’excuse pas (si je puis me permettre ce trait). Je m’explique.
Elle a tenté de le mettre en difficulté publiquement, malhonnêtement et politiquement donc, au moment même où la gauche s’est unie sur un programme incontestablement progressiste et alors qu’il s’agit non seulement de faire barrage à la menace d’extrême du RN et de ses alliés, mais d’offrir une perspective de progrès social et écologique battant en brèche le libéralisme réactionnaire de Macron que celui-ci met en œuvre depuis plusieurs années et qui nourrit frauduleusement la tentation électorale d’extrême-droite. Et elle l’a fait dans un contexte d’alliances au sein d’une gauche qui s’est enfin unie par delà le projet social-démocrate mou de Glucksmann (voir mon précédent billet), et ce, donc, dans ou malgré sa diversité. Et face à cette situation inédite et séduisante pour les électeurs, elle l’a poussé à évoquer sa tentation de la dominer. Or, quelles que soient ses convictions de fond, ce n’est pas apparemment le cas : Mélenchon est un esprit honnête et malgré les ambitions auxquelles il peut prétendre (comme d’autres), son souci est celui d’un homme fondamentalement de gauche dont l’objectif prioritaire est non seulement de faire échapper le peuple à la séduction mensongères du RN, mais de contribuer à réaliser une transformation progressiste de notre société, écologie inclue, d’inspiration socialiste, par-delà l’échec prévisible de l’extrême-droite sur ce plan mais aussi celui de l’immobilisme centriste de Macron.
Or cette journaliste n’a cessé de l’interroger sur des projets qui ne sont pas les siens dans cette conjoncture, transformant donc leur sens immédiat pour faire peur aux auditeurs-électeurs du fait de leur radicalité supposée. Et quand il protestait pour rétablir la vérité, sa vérité sur ce qu’il voulait au sein de ce nouveau « Front populaire », elle ne l’entendait pas et le relançait agressivement, sans l’écouter, sur ses phantasmes politiciens à elle. Au point de lui couper la parole et au risque de le mettre dans un état de colère désagréable, y compris pour l’audience de son propos car il a un fort tempérament… quelle entendait bien provoquer ! Au point qu’il aurait pu légitimement quitter la plateau.
Je m’arrête là, mais j’en tire une conclusion générale. Cet incident dans une situation exceptionnelle qui exige spécialement la démocratie et la probité dans les émissions des chaînes de radio et de télévision publiques, est révélateur d’un problème plus bien plus large… comme un lapsus, minuscule lui aussi, révèle des réalités psychologiques ou autres plus larges. Il s’agit de la situation de la démocratie intellectuelle sous le règne de Macron, qui se prétend « républicain » et ce dans les médias. Or sans insister sur mon propre cas, pourtant révélateur d’intellectuel marxiste qui était régulièrement invité à la radio et même plusieurs fois à la télévision sous la gauche (y compris par Adèle van Reeth à France-culture), et qui ne l’est plus depuis 2017, il faut constater l’état de la liberté du débat médiatique aujourd’hui : elle est constamment réduite et Adèle van Reeth en fait les frais à sa manière sur France-Inter, qu’elle dirige pourtant, par les menaces qui pèsent sur elle si elle n’obéit pas. Et l’exclusion de son humoriste Guillaume Meurice en est un triste exemple : pour avoir, sous une forme verbale que l’humour autorise, critiqué le dirigeant israélien Netanyahu du fait de ses exactions guerrières lamentables et condamnables, elles, il a été licencié de la radio France Inter pour cause de « déloyauté » et d’ « antisémitisme » ! Une fois de plus la confusion insupportable est faite entre l’antisionisme, parfaitement justifié et moralement impératif, et l’antisémitisme, qui est à rejeter ! Pourquoi cette confusion qui rejoint à sa manière le refus de Macron d’appeler à l’existence d’un Etat palestinien ? C’est son rôle qui est ici en cause : l’homme politique politicien qu’il est ne veut pas froisser et perdre son électorat juif, important en France… bien plus nombreux que son électorat musulman! Eh oui ! Voilà où mène l’ambition en politique quand elle n’est pas portée par un projet moral universaliste. L’expression publique médiatique en fait les frais.
Yvon Quiniou