L’espoir Mélenchon
On aurait pu hésiter et préférer un autre situation électorale unissant, dès le premier tour de la présidentielle et sur la base d’un contrat de gouvernement impliquant des concessions réciproque, les diverses composantes de la « gauche de la gauche » : Hamon, Mélenchon, le PCF ou le Front de gauche. Le problème n’est plus là aujourd’hui. Mélenchon, grâce à une campagne remarquable en direction du « peuple », clairement anti-capitaliste (même s’il ne s’exprime pas ainsi) et remettant en cause, au minimum, l’Europe telle qu’elle est, est en train de bouleverser le jeu politique habituel et d’ouvrir une perspective d’accès au pouvoir d’une vraie gauche, hostile au pouvoir de la finance qui domine notre monde comme notre pays.. Ce ne sera qu’une étape, mais elle est indispensable, d’autant plus que les élections législatives qui suivront après, décideront du pouvoir réel, dans la lignée de l’élection précédente, des partis qui pèseront en ce sens, y compris le PCF.
C’est pourquoi il faut faire la lumière implacable sur les autres prétendants. On laissera de côté Marine. Le Pen, qui n’est qu’une version relookée de l’extrême-droite fascisante. Sauf qu’elle a emprunté à la gauche des revendications ou des thèmes qui peuvent faire illusion auprès des clases populaires, vu les abandons successifs de cette même « gauche » à leur égard : la nation, le rôle de l’Etat protecteur, l’identité, etc., dont la gauche aurait dû, depuis longtemps, s’emparer pour en donner une traduction de gauche, à savoir progressiste. Défendre l’idée de nation, par exemple, ce n’est pas verser dans le nationalisme ethnique, c’est simplement défendre la souveraineté politique des nations historiquement constituées contre un capitalisme transnational qui entend la détruire à son profit. De même, valoriser la notion d’identité, ce n’est pas nécessairement être de droite face au même capitalisme financier qui nie l’identité des peuples pour leur imposer ses normes mercantiles de vie. Etc.
Fillon, lui, pose un autre problème : c’est celui d’un homme de droite qui n’en a rien à faire du peuple. On laissera de côté ses problèmes juridiques liés à ses emplois fictifs. Le scandale profond est ailleurs : son goût de l’argent et son niveau scandaleux de richesse, alors que son projet politique a pour conséquence directe un appauvrissement de la masse des français et une réduction de leurs droits sociaux dans de multiples domaines, dont la santé ou la fonction publique. A quoi on ajoutera une régression revendiquée dans le domaine des mœurs, comme celui du mariage pour tous ou un art du mensonge moralement inacceptable. Tout cela avec un Christ sur le cœur, dont celui-ci, s’il existe, ne doit pas s’en remettre !
Enfin, il y a Macron : la plus belle imposture que la gauche ait pu engendrer depuis longtemps : venant de la Finance, il n’aura cesser de soutenir ses intérêts dans le gouvernement Hollande, dont il a inspiré l’orientation économique et sociale et dont le bilan aura été catastrophique dans ces deux domaines. En fait, c’est un fanfaron, séduisant (si l’on veut) mais vide – j’entends vide d’un projet véritablement progressiste et surtout, socialiste – qui poursuit le programme d’un abandon de l’idée socialiste elle-même tel que Hollande et Valls le préconisaient, sans le dire clairement – sauf pour ce dernier. Adieu la social-démocratie (qui était socialiste, quoi qu’on en dise mensongèrement) et vive le social-libéralisme, sinon le libéralisme lui-même, avec tout le malheur social dont il est porteur et dont ces gens privilégiés – Macron en premier – n’ont cure. Adieu donc, aussi, la morale et ses exigences sociales égalitaires en politique.
Reste la gauche, seul choix moralement exigible face à la catastrophe humaine que constitue le capitalisme. L’idéal aurait été que les deux candidats qui la représentent, Hamon et Mélenchon, avec l’appui des communistes, s’unissent sur la base d’un contrat de gouvernement, quitte à faire des concessions réciproques, ce qui assurait d’emblée à cette même gauche la présence au 2ème tour et donc son succès probable face à Le Pen (voir le total de leurs intentions de vote séparées). Quelle perspective enthousiasmante cela offrait pour ceux qui souffrent et ceux qui rêvent d’une autre société que celle dominée par la loi de l’argent ! Ce n’est plus le cas aujourd’hui, étant donné les ambitions politiques de l’un et de l’autre – mais une autre donne s’avère réellement possible, au vu des sondages de ces jours et qui risque – je dis seulement : qui risque – de se vérifier dans les urnes : un succès de Mélenchon avec sa volonté d’une politique populaire, au sens strict de l’expression, à savoir une politique au service du peuple dans son ensemble etcontre ses clivages de classe qui font souffrir le monde du travail dans toutes ses composantes. Voilà la nouvelle perspective enthousiasmante qui s’offre à nous depuis longtemps – j’entends à ceux qui entendent changer le monde réellement, dans un sens humainement meilleur. D’autant plus que des élections législatives suivront, qui peuvent confirmer cette espérance en confortant le pouvoir des partis qui sont au service de cette espérance. Ne laissons pas passer cette chance !
Yvon Quiniou, philosophe, soutien du Front de gauche.