L’actuelle barbarie mondiale
Beaucoup le pensent mais n’osent le dire, de peur d’en indiquer la ou les causes, qu’ils soupçonnent pourtant : notre situation mondiale, relève d’une barbarie que je n’avais jamais songer connaître depuis que je suis engagé à gauche, auprès des communiste, dès ma jeunesse étudiante, et qui me désespère. Faute de place sur un blog, je vais en dessiner le traits et les causes, de mon point de vue qu’on peut ne pas partager.
1 En premier et sauf à se voiler la face, il y a la déferlante libérale qui a en envahi l’Europe depuis la chute de l’URSS et que beaucoup n’osent pas admettre. Ils s’en sont réjouis au nom de la disparition du communisme et de son idée dans les consciences. Or ils se sont trompés à trois points de vue, qu’ils maintiennent par intérêt politique, sinon politicien : l’expérience soviétique était en contradiction avec les conditions objective matérielles et les formes politiques démocratiques que Marx assignait au communisme, c’était un « contresens en acte (s) », et je l’ai abondamment démontré ailleurs ; et du coup, ils prétendent et diffusent l’idée que le communisme en tant que tel est mort, ce qui est faux, et ils oublient lamentablement de signaler que le régime social qui a suivi dans les pays faisant partie de l’ex-URSS (Hongrie, Pologne, Ukraine) est moins bon pour le peuple dans son immense majorité : j’ai même entendu des journalistes de qualité, moins à gauche que moi, l’admettre ! Enfin, il faut aussi admettre que le monde lui-même, dans le cadre de la « guerre froide » (et non « chaude ») allait mieux !
2 Du coup, on en arrive à notre situation d’aujourd’hui, quitte à ce que je vais en dire déplaise. La déferlante libérale qui a submergé l’Europe après la chute du Mur, a renforcé ce qu’il faut bien appeler l’emprise d’un « transnationalisme capitaliste » sur les nations européennes, qui s’est traduit par une détérioration des conditions sociales de vie pour la majorité des populations : appauvrissement des pauvres et des classes moyennes, détérioration des acquis sociaux dans l’ordre des services publics comme la santé, l’école, les banques, etc., tout cela avec ou à cause d’un enrichissement des riches inacceptable. Cela a même atteint des nations qui actualisaient une forme de progressisme social-démocrate (eh oui !) comme l’Angleterre, la Suède, la Finlande, la France aussi, et a abîmé d’une manière grave les régimes de Pologne (gangrenée par une Eglise ultra-conservatrice), de Hongrie et d’une Italie quasi-fascisante - sans compter la montée de l’extrême-droite en France même, voire en Allemagne : voilà déjà une forme de barbarie humaine !
3 Mais il y a plus grave, ou plus profond, si l’on veut et l’on verra pourquoi j’émets cette restriction. Le « transcapitalisme américain » qui dominait la planète (avec ses guerres meurtrières au Proche-Orient) est en train d’être contré par la montée en puissance de la Chine au plan économique, laquelle, surtout, pratique une politique d’unilatéralisme » au plan mondial, au point d’être à l’origine d’un rapport des forces davantage équilibré avec les Etats-Unis, qui empêche ceux-ci de faire n’importe quoi dans l’exploitation des pays sous-développés. Or quoi qu’on pense de son régime interne, vilipendé d’une manière malhonnête par les élites et médias dominants (il faut lire en sens inverse le livre intelligent de Bruno Guigue, Communisme, qui en montre les aspects positifs humainement), ce pays est en train de modifier, voire d’équilibrer les rapports de force mondiaux sur la base non seulement d’échanges économiques relativement égalitaires ou justes avec des nations en difficulté, mais en contribuant à créer un pole de la « zone Sud » avec l’autre partie du monde et auquel s’associent des pays incontestablement progressistes comme le Brésil de Lula, le Vietnam, Cuba, etc., et qui n’ont pas pour la Russie cette haine qui envahit les esprits.
Sauf que cette situation, qui aurai pu être avantageuse pour l’ensemble du monde est en train d’exploser ou en tout cas de s’effacer de la conscience et de son ambition, non pas tant à cause de la guerre en Ukraine et des ses ambiguïtés (voir sa politique de domination économique à l’égard de la Pologne aujourd’hui !), mais à cause de ce qui se passe en Israël où une barbarie insoutenable et inattendue est entrain de se manifester et qu’il faut analyser avec une lucidité intransigeante pour ce qu’elle révèle. En réalité deux points de vue s’opposent radicalement, que l’opinion publique, sinon politique, tend à occulter. D’un côté la politique guerrière et meurtrière, à un niveau rare, du Hamas, qui n’est pas la Palestine en tant que telle, mais entend reprendre le territoire palestinien occupé sans raison par l’Etat d’Israël, avec même, chez ses dirigeants, une volonté, assumée d’une manière abominable, de tuer les responsables d’Israël, voir de mettre fin à cet Etat. Avec en plus, s’agissant des moyens engagés dans la zone de Gaza, des procédés de guerre d’une rare atrocité, visant même des civils et des enfants, au mépris du droit international. Mais de l'autre côté, ce qu’on oublie depuis longtemps, il y a la domination coloniale de cette bande de Gaza, territoire palestinien de droit, par l’Etat d’Israël et plus largement, la volonté de ses dirigeants, fût-ce en mesure de représailles, de tuer eux aussi les responsables du Hamas dans des termes exprimés tout récemment et qui sont d’un sadisme hallucinant. Cela est tout autant inacceptable, ce qu’on oublie ou tait.
Or il faut le dire aussi, à un niveau réflexif et indépendamment des attitudes tout aussi contestables de pays voisins (je passe), nous sommes là en présence de la montée de deux nationalismes violents, aussi violents l’un que l’autre, accompagnés au surplus de références religieuses hostiles et même haineuses - l’islamisme, le judaïsme - sans la moindre tolérance - et qui reçoivent un écho partisan dans les peules du monde occidental. Or ce double phénomène, qui est donc, j’y insiste, de la barbarie pure, est en train de nous mettre en face d’une régression de la civilisation totalement inédite, en elle-même et en raison de son risque d’extension, lequel est plus qu’un risque quand on voit la montée des revendication nationalistes identitaires un peu partout, avec leur accompagnement religieux sectaire, sinon fanatique, dont l’islam est la pointe la plus voyante et la plus sanglante.
On aura compris, en guise de conclusion rapide, que tout cela « ne tombe pas du ciel », même si la référence au ciel y est insistante. Au-delà de la double dimension idéologique que j’ai soulignée et sauf à croire à une « nature humaine » aux terribles défauts multiples (violence, égoïsme, goût du pouvoir et de la domination, insociabilité), il y a bien une causalité sous-jacente propre à notre époque depuis déjà deux siècles et que la disparition dramatique de « l’idée communiste » nourrit : la puissance de l’économie capitaliste sur nos comportements et nos motivations, qui est en train de détruire la référence à la morale, issue de la philosophie des lumières avec Rousseau et Kant (eh oui !) dont la politique a absolument besoin pour ne pas sombrer dans la barbarie ou la sauvagerie !
Yvon Quiniou
NB : I Je me permets de signaler la parution de mon (bref) livre Quel socialisme-communisme pour notre monde ? ( Le Temps des Cerises) dont je ne savais pas, en l’écrivant, que l’actualité en montrerait, hélas, la pertinence !
2 En dehors de cette situation criminelle, qui ne met pas en accusation la cause palestinienne, mais le Hamas, il y a les soulèvements de masse dans une grande partie du monde arabe en faveur de la religion musulmane. C’est proprement délirant et abominable et justifie ma critique des religions comme « facteur de mal » (Russell) pour l’humanité. Quelle époque ! Nous avons besoin d’une critique renouvelée du capitalisme, qui s’en accommode, ainsi que des religions au nom d’un rationalisme matérialiste, agnostique et humaniste !
3 Je viens d’apprendre, après avoir rédigé ce billet, l’assassinat d’un professeur à Arras par un musulman fanatique - reproduction de celui de Samuel Paty. Cela prouve, hélas, à quel point ce qui se passe en Israël est dangereux ailleurs : il suffit de voir les manifestations énormes de musulmans dans le monde arabe qui ont suivi ! La lutte impérative et prioritaire pour la paix doit donc bien s’en prendre, par-delà la seule économie capitaliste, à la fois aux nationalismes et aux religions dans leur dimension sectaire et même totalitaire.