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Billet de blog 15 juillet 2025

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La folie anti-russe de Macron

La manière dont Macron a pu estimer que la Russie, dans le cadre du conflit avec l'Ukraine, nous menaçait d'une guerre nucléaire et qu'il fallait s'y préparer,est proprement délirante. Elle relève d'un anti-communisme rétroactf et elle oublie la complexité de la situation. Et elle montre à quel point Macron est soucieux de sa notoriété mondiale, hors de tout souci moral!

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                                                              La folie anti-russe de Macron

La façon dont Emmanuel Macron s’est positionné face à la Russie par rapport à l’Europe tout récemment augmente une fois de plus, mais à un niveau exceptionnel cette fois-ci, à la fois ma colère personnelle de citoyen et mon indignation morale de philosophe engagé très à gauche depuis longtemps et qui a beaucoup écrit sur le rapport de la politique à la morale. Mais l’entendre dire, en tant que chef d’Etat, que « pour être libre dans ce monde il faut être craint » et que « pour être craint il faut être puissant », sort de la norme ordinaire et me fait penser (eh oui) à Kant critiquant le « moraliste politique », qui s’habille d’un langage normatif hypocrite et à  son service, et lui opposant le « politique moral » régi authentiquement par les impératifs moraux, ceux en particulier de la paix : Macron incarne le premier et ce dans bien des domaines, dont celui d’une politique économiquement libérale sans rapport avec la gauche dont il prétend venir… et il n’est pas spécialement pacifiste actuellement !

Ce qui est premier, sur le fond, dans la position qu’il vient de prendre et à propos d’une situation qui est, certes, complexe, consiste à affirmer que la Russie constitue une « menace pour l’Europe », ce qui justifierait à ses yeux un effort considérable d’armements en tous genres pour s’en protéger et ce alors même que, parallèlement, son gouvernement s’est engagé dans une politique de récession sociale que l’on n’a pas vue depuis trente ans, avec une aggravation de la pauvreté absolue (alors que les très riches s’enrichissent), une attaque contre les services publics et le rôle de l’Etat… au point de fragiliser notre Etat-Providence et de vouloir se tourner vers des régimes socio-économiques rétrogrades comme l’Europe en dehors de nous en connaît ! Or sa décision de renforcer l’armement de la France à un niveau inouï ne va faire qu’aggraver cette situation sociale catastrophique et inédite en France, susceptible de faire parvenir l’extrême-droite au pouvoir, avec sa démagogie !

Mais il faut en venir à la situation elle-même de la guerre en Ukraine, dont l’analyse critique suppose des nuances de part et d’autre et qu’on évite de verser dans ce qu’un article du « Monde diplomatique » a justement nommé « un anticommunisme, une russophobie et un néolibéralisme intransigeants » qui caractérisent les pays qui se sont libérés de la tutelle soviétique (Pierre Rimbert, numéro d’Avril). L’Ukraine, d’abord. On laissera de côté le président Zelensky avec sa politique libérale de droite et son entourage gouvernemental corrompu, ce qui  n’est pas exceptionnel, il faut l’avouer. Non, l’important c’est la façon dont l’Ukraine actuelle a été créée après la chute de l’Union soviétique (qui n’avait pas que des défauts), à savoir à travers une volonté de démanteler en partie cette nation, avec l’appui de l’Occident, Etats-Unis compris, qui entendait bien la côtoyer directement à travers l’Otan. Or ce qui n’a guère été aperçu ou compris ce fut le réflexe russe qu’on peut admettre, même avec prudence : celui de maintenir une vieille nation dont l’Ukraine a toujours fait partie et qui contribuait à son identité historique… contrairement aux pays satellites de l’URSS. Cela ne justifie pas automatiquement la guerre de Poutine, mais permet de la comprendre « en interne », si je puis dire.

Parallèlement, il faut bien reconnaître que, derrière l’opposition massive à la Russie dans les pays occidentaux, avec une présentation déformée de son système politique qui comporte des élections (même manipulées), il y a une projection rétroactive d’un vieil « anticommunisme » (même si ce n’était pas du vrai communisme) qui empêche toute lucidité présente pour en faire un pays « totalitaire », terme impropre selon moi et d’après ce que j’en sais. Dans cette perspective disons « ouverte » (qui est un peu celle des dirigeants de la Chine, pays progressiste selon moi), soupçonner Poutine, par-delà ses défauts, de vouloir attaquer la France sur un plan directement nucléaire et décider de préparer la riposte potentielle qu’il faudrait mettre en place, relève du délire. Non pas d’un simple délire mental personnel, quoique présent en politique, mais d’un délire qui révèle le fond de la personnalité de Macron, déjà visible outrageusement depuis longtemps : venu de la gauche (mais aussi de la finance auparavant), il a rompu avec elle (alors qu’elle avait obtenu une majorité relative au parlement) et actuellement il lui arrive de flirter avec l’extrême-droite. Mais surtout, il est clair qu’il est guidé par une ambition personnelle qui se manifeste avec « éclat » dans son statut de président qui se voue à une activité internationale démente, aujourd’hui encore plus. Il entend côtoyer les « grands de ce monde » un peu partout, croyant ainsi monter au « ciel de la politique » et, tout autant, alors qu’il pourrait utiliser cette position de renommée acquise, par-delà sa faible audience auprès du peuple français, pour assumer des positions courageuses dans le champ politique international, on le voit très timide à l’égard de la politique meurtrière d’Israël, ne pas la condamner franchement et ne pas réclamer vraiment, pour l’instant, la reconnaissance d’un Etat palestinien.

Pour finir en revenant à l’Europe, il s’agit bien pour lui, et dans un contexte mondial de régression de l’audience de Trump, de se hisser comme chef de l’Europe (avec le soutien de l’Angleterre, il est vrai) sur la base de sa puissance atomique. Bref et pour reprendre en le distordant le titre de l’article du Monde diplomatique, il veut faire la guerre (quasiment) pour se faire l’Europe !

Yvon Quiniou, auteur de L’ambition  morale de la politique - politique abandonnée par la morale ces temps-ci un peu partout !  

NB : On peut ne pas partager cette analyse rapide, mais on ne peut pas ne pas en tenir compte pour contrer la vague médiatique qui obscurcit tout.

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