Le scandale moral de l’économisme
L’économisme est la pire idéologie qui soit. Elle ne date pas d’aujourd’hui, elle a accompagné le capitalisme depuis toujours et Marx en aura été le premier critique, d’autant plus audacieux et pertinent que son travail a consisté à expliquer en profondeur l’économie capitaliste précisément, non pour la valoriser dans l’absolu, mais pour rendre possible, à partir de son développement, son dépassement au bout d’un certain temps. Or je constate actuellement non seulement la persistance de cette idéologie, mais son renouveau ces temps-ci, spécialement médiatique, alors que se tient précisément le forum annuel de Davos qui regroupe les plus éminentes figures de la politique mondiale et de ses spécialistes en matière d’économie libérale… dont le fondement intellectuel est l’œuvre de Hayek.
La preuve s’en est trouvée dans ce que j’ai entendu dans l’émission, honorable et intéressante par ailleurs, de ce jour, 17 janvier, C’est dans l’air, où il était question de l’économie mondiale et de la concurrence des USA et de la Chine. Or tout s’est joué autour de la puissance économique comparée de ces deux pays, sachant que la Chine, malgré ses graves difficultés présentes liées à la pandémie du Covid (une mortalité en augmentation), est en train de devenir la première puissance mondiale à ce niveau, obligeant les USA (c’est ce que j’ai compris) à restreindre ses échanges commerciaux avec elle pour se refaire une « santé ». Or à aucun moment il n’a été question du prix social ou humain qu’il faut payer pour qu’une nation se développe économiquement, comme si la performance économique était le seul indice de sa réussite ou de sa valeur globale – et même le journaliste de Médiapart présent, à ma grande déception, ne s’est pas opposé à ce point de vue normatif. Et ce alors que la Chine, justement, est entrain de réussir un exploit à la fois économique et social, que rares sont ceux qui le saluent honnêtement
Or cela est proprement scandaleux sur un plan moral, plan qui est évacué cyniquement par les partisans et les agents du capitalisme, fût-il timoré selon les pays, mais dominant tout de même, et ce de plus en plus en concurrence avec le pôle chinois, d'orientation politique opposée. Car le primat donné à l’économie oublie ce que sa réussite implique de malheur humain dans l’inégalité sociale : exploitation des travailleurs, niveau de vie souvent lamentable alors que celui des riches et des ultra riches s’améliore encore plus à leur détriment, espérance de vie inégale, aussi. On pourrait multiplier les actes d’accusation à l’égard de ce capitalisme de plus en plus inégalitaire et qui, au surplus, médiocrise l’existence des êtres humains sous le poids de ses « valeurs » mercantiles et individualistes, ce qui n'est pas le cas de ce qui se passe en Chine. Or tout cela, que l’analyse marxiste révèle et dénonce en toute objectivité mais au nom de valeurs morales universalistes incontestables, l’économisme ne veut pas en tendre parler. Produire et croître toujours plus, au profit des possédants, est son seul mot d’ordre aveugle, sa seule valeur… qui n’en est pas une d’un point de vue humain ou moral, le seul point de vue qui vaille universellement.
C’est pourquoi il y a urgence à procéder à une nouvelle prise de conscience anti-capitaliste (sans compter celle de la crise écologique) dont une gauche unie, la Nupes, doit être à la pointe, avec le PCF, selon moi, comme fer de lance !
Yvon Quiniou