Macron et l’économie de guerre
On savait déjà que l’économie, spécialement capitaliste, était guerrière, engendrant des conflits entre nations sur la base de leurs intérêts concurrents ou carrément une domination impérialiste sur les pays sous-développés. Or voici que Macron, sous une forme directe et absolument scandaleuse, vient, à propos de l’Ukraine, de défendre l’idée d’une économie de guerre. Il a fait cette annonce à Bergerac où une usine de production d’armes étant en difficulté par temps de paix jusqu'alors, il veut la soutenir par la création d’emplois en direction de ses ouvriers. Avec cette incidente importante : 80 % de cette production sous l’égide de l’Etat sera destinée à la guerre en Ukraine, le reste seulement à l’armée française régulière (voir Le Monde du 13 avril). Et il a même précisé que nous entrons dans un « changement géopolitique » tel que les industries de défense devront jouer un rôle de plus en plus important.
Mais il y a pire, au niveau des principes : Macron, appuyé par le maire de la ville, a valorisé une « économie de guerre » sous le prétexte qu’elle « produit de la richesse » (sic) et de l’emploi industriel dans « l’industrie de défense » qui est ici, par rapport à l’Ukraine et la Russie, une industrie d’attaque (et l’on connaît son appel à une offensive directe anti-russe). Or et très simplement, et sans verser sans la moindre outrance, c’est là un oubli que la guerre est meurtrière, qu’elle tue des êtres humains qui « n’en peuvent mais », donc totalement innocents de quoi que ce soit, et qu’elle est donc le scandale moral absolu. Toute la tradition progressiste en politique, socialiste et communiste d’abord (voir Jaurès après Marx), mais aussi celle issue des Lumières avec Rousseau et surtout Kant avec son Projet de paix perpétuelle, l’a déclaré fortement : le meurtre, y compris guerrier, est condamné par la morale - je dis « la » car il n’y en a pas trente-six -, le respect de la personne humaine et donc de sa vie étant inconditionnellement premier.
Il est vrai que cette attitude est partagée par bien des pays aujourd’hui, dans un monde qui est, selon moi, en folie - en folie immorale en l’occurrence - et du coup au bord de l’implosion. Mais c’est de Macron qu’il s’agit ici, avec des paroles d’une audace cynique et meurtrière rare, étonnante en plus quand on sait qu’il vient de la gauche. Son adhésion de principe au libéralisme prouve aussi à quel point la morale en politique est son dernier souci - et il n’est pas le seul à être ainsi : l’argent et la carrière plutôt que l’humain !
Yvon Quiniou