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Billet de blog 18 juillet 2024

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Abbé Pierre: l'Eglise catholique et la sexualité

La révélation des agressions sexuelles de l'Abbé Pierre, pourtant acteur estimable visant à soulager la souffrance des pauvres, est désolante. Il faut l'expliquer par le rapport méprisant et répressif de l'Eglise catholique à l'égard de la sexualité, sans raison, qui entraîne ses membres officiels à la satisfaire, paradoxalement, d'une manière indigne. Explication.

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                               Abbé Pierre : l’Eglise catholique et la sexualité: l'Eglise 

Je viens d’apprendre les débordements sexuels sur des femmes qu’aurait commis l’Abbé Pierre dans le passé, cet homme dont la figure demeure une incarnation d’une forme d’humanisme, en l’occurrence de dévouement aux pauvres. Quelle tristesse, quelle  déception ! Mais au-delà de cette réaction affective, il faut comprendre le scandale que constitue l’Eglise catholique et que de nombreux cas analogues ou pires - le viol d’enfants - ont révélé. Car c’est elle, en un sens, qui est paradoxalement responsable de ces actes moralement indignes, en raison de son dogme insupportable concernant la sexualité constituant un « pêché de chair » : à la fois elle prétend réprimer la sexualité humaine qu’elle dévalorise intrinsèquement et  elle exprime celle-ci, son poids, en la réprimant sans raison de fond s’agissant de ses formes normales… alors qu’elle est une  grande source de plaisir pour les êtres humains.

La répression d’abord. Le « pêché de chair » donc, c’est-à-dire la condamnation, issue de la Bible, du corps, tout simplement, et de nombre de ses satisfactions dans leur forme la plus gratifiante pourtant, et qui exprime sa vision spiritualiste de l’homme, sans fondement scientifique (le Pape, malgré sa reconnaissance du darwinisme, maintient l’esprit humain hors de la matière). Je dis bien  dans « nombre de ses satisfactions » comme au niveau le plus superficiel : la gourmandise - eh oui, j’ai entendu une femme la condamner dans un débat - et, bien plus grave, la condamnation de la masturbation, la réduction, autrefois en tous cas, de l’acte sexuel à sa fonction d’enfantement, de reproduction de la vie, l’invitation faite à la femme mariée de ne pas le solliciter excessivement et de sa propre initiative, l’interdiction enfin de sa jouissance avant le mariage et même la réprobation (ou plus ?) du divorce. Enfin, il y a aussi la condamnation sévère des autres formes de rapports sexuels comme l’homosexualité alors que celle-ci, sans être partagée, est néanmoins naturelle. Tout cela renvoie à une dévalorisation de la corporéité qui nous détournerait de la vie spirituelle tournée vers Dieu - valeur supérieure à toute autre valeur et que les prêtres, soi-disant,  prendraient en charge pour nous sauver. Nous sommes alors en présence non d’une morale mais d’un éthique (je distingue les deux) ni universelle ni obligatoire (contrairement à la morale), hostile à la nature concrète de l’homme et qui est de type sadique pour les autres et masochiste pour soi, quand on la pratique. Il suffit d’avoir lu Freud pour être définitivement convaincu  qu’il y a là une hostilité forte à la nature (humaine) qui peut perturber gravement l’équilibre humain. - je ne développe pas.

Les prêtres, justement. Beaucoup de ceux-ci (pas tous j’imagine) sont portés à faire le contraire de ce qu’ils enseignent aux autres à partir de leur rigorisme de façade : rapports avec des femmes hors-Eglise (voir le cas célèbre de Mr  Daniélou trouvé mort dans les bras d’une prostituée), rapports homosexuels en interne (que leur dite « morale » réprouve) et, plus grave, agressions d’adolescents contraires à la loi civile. Pourquoi alors ? L’explication se trouve dans ce qui a été suggéré plus haut : la répression de la sexualité dans ce qu’elle a de pulsionnel et de naturel (la « libido ») ne la supprime pas (pourquoi le faudrait-il d’ailleurs), mais la renforce dans un premier temps et pousse alors à l’exprimer d’un façon cachée, brutale ou sauvage : c’est ce qu’il se passe dans l’Eglise du fait même de ses codes sexuels. Répression arbitraire égale expression, éventuellement pathologique, donc.

Or ce qui est également grave dans cette histoire c’est un autre contraste : celui qui existe entre la condamnation officielle et « moralisante » de la sexualité humaine et l’indifférence politique vis-à-vis des maux sociaux, de l’injustice économique et sociale. On sait tous que la religion, ici chrétienne et catholique, n’est pas majoritairement engagée à gauche, hélas, que bien de ses fidèles sont des soutiens du Rassemblement national et que les fascismes ont eu et ont encore une base religieuse… alors même que l’Evangile promeut « l’amour du prochain ». Ce message, qu’on doit saluer et approuver en lui-même, n’a guère été traduit en politique, sauf en de rares moments (je ne développe pas) ou dans certains aspects de cette religion comme la charité officielle, qui ne fait qu’amoindrir les « plaies » sans les supprimer. Pour l’essentiel, en dehors du goût du pouvoir institutionnel (d’Eglise) depuis des siècles et de l’orgueil qui l’accompagne, c’est quasiment une « haine du prochain » qui se pratique objectivement de sa part, par-delà les professions de foi subjectives et certains progrès récents. Oui, il faut absolument préférer l’homme à Dieu !

                                                                    Yvon Quiniou

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