Quand l’Ukraine offre un visage déplaisant
Je m’excuse d’intervenir à nouveau sur l’Ukraine avec un point de vue qui va sans doute déplaire à beaucoup, mais tant pis, la sincérité et l’honnêteté avant tout face à un battage médiatique à sens unique. Et sachant, en préalable, que je condamne l’intervention russe comme je l’ai déjà indiqué ici même. Mais voilà : je viens d’apprendre par un article substantiel du Monde, que l’Ukraine est un pays où se pratique un trafic, payant bien entendu, de la GPA qui me parait scandaleux et que la guerre rend en plus très douloureux pour ceux qui y recourent – mais là n’est pas le problème ici.
Je précise que je ne suis pas partisan de la GPA et ce depuis longtemps car il n’y pas de droit à l’enfant à tout prix – j’entends au prix d’interventions techniques artificielles qui permettent à un couple stérile d’obtenir une gestation via une mère porteuse, et cela encore moins, de mon point de vue, quand il s’agit d’un couple d’homosexuels où elle glisse vers la PMA. J’ai avec moi, pour soutenir cette vue éthique, sinon morale, F. Héritier ou le psychanalyste Winnicott (et d’autres) qui indique que l’enfant a besoin de parents et pas seulement d’amour : voir ce qu’il se passe à l’adolescence chez les enfants adoptés quant ils sont tourmentés de ne pas connaître leur origine biologique (ce qui n’est pas tout fait le cas ici). Or le passage par une mère porteuse peut être vécu douloureusement lui aussi, après coup, surtout lorsque des raisons accidentelles amènent l’enfant à vivre avec sa génitrice plus longtemps que prévu.
Un autre motif doit inquiéter, qui ne concerne pas seulement l’Ukraine, c’est le prix, en argent cette fois-ci, que cela coûte – entre 40 000 et 60 000 euros d’après l’article du Monde : énorme, bien entendu, et hors de portée des ménages pauvres, sans compter le déplacement onéreux à l’étranger puisque la GPA, à juste titre, est interdite en France. C’est donc, en réalité, à un terrible « marché de la vente d’enfants » que nous avons affaire, dénoncé comme tel par une Organisation mondiale. A quoi s’ajoute, hélas, le fait que ce marché peut aller jusqu’au choix du sexe de l’enfant, et pourquoi pas un jour celui de la couleur de ses yeux, ce qui nous met directement dans l’orbite du Tanshumanisme qui se développe aux Etats-Unis et qui ouvre des perspectives horribles pour l’humanité : celles, par l’intermédiaire des progrès inouïs de la science et de la technique médicales, de produire l’homme à sa guise, et, dans le cas de la procréation artificielle, de produire, et non de procréer, un enfant comme un objet ou un jouet destiné à nous faire plaisir et soumis à nos désirs. Or comme le disait remarquablement le philosophe marxiste Lucien Sève en humaniste invétéré : « La liberté d’un homme tient au mystère lié à l’aléa de sa naissance » (je cite de mémoire), parce qu’il n’a pas été programmé dans son identité ! Et en plus cette pratique de la GPA est réservée officiellement aux couples mariés, obstacle qui est fréquemment contourné, dans ce pays.
Dernier point qui nous fait revenir à la guerre que subit l’Ukraine (et que je condamne, je le répète, mais en tout lucidité sur les responsabilités respectives de l’Occident et de la Russie) : il est clair que ce choix de ce type d’enfantement est en lui-même douloureux – même si on le désapprouve éthiquement, il faut l’admettre. Or il faut avoir conscience aussi que la guerre entraîne de nombreuse difficultés concrètes que je détaille à peine, comme la séparation de la mère porteuse avec l’enfant de ses parents effectifs (si elle dure trop), la fuite risquée à l’étranger, les difficultés liées à la reconnaissance de la nationalité de l’enfant, etc. Ici c’est à nouveau la guerre qu’il faut condamner et ne pas intensifier comme le fait l’Occident européen et américain par ses livraisons d’armes irresponsables à l’Ukraine.
Voilà de quoi, selon moi, réfléchir à nouveaux frais sur ce qui a lieu dans ce pays et sur ce qu’il faut faire pour que cela cesse : ouvrir des négociations générales dans le silence des armes.
NB : J’indique, par un souci intransigeant d’honnêteté, que la GPA est aussi autorisée en Russie, même si c’est sous des formes plus souples ou socialement plus humaines (d’après ce que j’ai lu). Elle est donc l’objet de la même condamnation de ma part, mais il ne semble pas (toujours d’après mes sources) qu'on y trouve « un marché de la vente d’enfants ». Léger souvenir du passé soviétique ?
Yvon Quiniou