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Billet de blog 20 décembre 2024

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Indigne complicité de la politique et de la religion

Nous assistons aujourd'hui à une scandaleuse complicité entre la politique et la religion. Elle se rencontre, hélas, chez notre président Macron sous différentes formes, mais aussi dans la manière dont le pape l'a manifestée en Corse. Enfin, même un mathématicien connu et de qualité, a pu délirer à propos de la science, censée magnifier la nature à la lumière de Dieu!

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                                              Indigne complicité de la politique et de la religion 

La complicité de la politique et de la religion (réciproque on l’aura compris) ne date pas d’aujourd’hui, on le sait, et des penseurs importants l’ont dénoncée à partir du 17ème siècle avec Spinoza en premier et les philosophes des Lumières, Rousseau en particulier, puis Marx et ses successeurs dont Jaurès, Gramsci ou des philosophes comme Bertrand Russel ou Richard Dawkins, etc. Or ce qui est dramatique aujourd’hui et alors que monde entier traverse une crise « politique » d’une ampleur inégalée qui frise, à l’échelle de l’histoire, un processus de « décivilisation », de voir à quel point la complicité politique/religion revient au premier plan un peu partout, même s’il semblerait que le phénomène religieux diminue ici ou là. Cette complicité est forte aux Etats-Unis avec le retour d’une religion sectaire sous l’égide de Trump et la vague ahurissante des Evangélistes, ou encore en Amérique latine (voir l’Argentine)  mais aussi en Europe après la chute de l’URSS : récemment en Pologne, mais aussi en Hongrie ou en Italie. Et bien évidemment, il y a le renforcement des conflits nationaux au Moyen-Orient sous couvert de religion et la recrudescence effrayante de l’islamisme dans les pays dominés par l’Islam.

Mais comme j’ai déjà écrit un livre sur ce thème et que mon propos ici est celui d’un billet d’actualité, je vais simplement dénoncer ce qui se passe en France sous le « règne » de Macron, dans un pays pourtant marqué par une laïcité républicaine officielle, unique ou exemplaire depuis 1905. Il faut donc en revenir à notre Président dont je rappellerai qu’au début de son premier mandat il avait rassemblé  les quatre religions présentes et actives en France pour célébrer en elles un  facteur d’« union » nationale, affirmation invraisemblable et mensongère quand on sait que les religions n’ont cessé de se faire la guerre, donc de déchirer la nation : un Président n’a pas le droit de dire cela, énoncé qui avait pour but de s’attirer leur soutien politique.

Mais il y a pire chez lui, d’après ce que je viens d’en lire dans un journal du soir, Le Monde, d’ailleurs plutôt complaisant depuis quelques années dans ce domaine et ne publiant plus ce qui pourrait s’y opposer. C’est ainsi que Macron est clairement séduit par la religion en général au point d’avoir mis sa fonction présidentielle à l’enseigne « de l’esthétisme et de la transcendance » (c’est de lui), mais aussi, et c’est peut-être plus grave, tout en étant un simple exemple, d’être allé chercher l’appui complaisant du chef spirituel des bouddhistes du Tibet lors d’un passage de celui-ci à Paris, sans avoir conscience ( ?) de ce qu’il y a de conservateur en politique dans cette religion. !

On retrouve bien entendu cette complaisance politicienne dans la fête pour la restauration de Notre-Dame à Paris récemment, en compagnie en particulier de Trump, le président « croyant » le plus réactionnaire, depuis longtemps, des Etats-Unis et alors que la France connaît une crise politique sans égale : il s’agissait pour lui de restaurer son image publique grâce à ce domaine  Et tout récemment, il est même allé saluer le pape en tournée  publicitaire en Corse ! A quoi on ajoutera politiquement et tout banalement la nomination de Retailleau à l’Intérieur, chrétien radical de la « droite extrême », avec ses convictions idéologiques de croyant hostile au féminisme, donc à certains droits parfaitement légitimes des femmes… tout cela pour séduire un électorat d’extrême-droite (et l’enlever au RN, il est vrai).

Le pape précisément, en Corse. Dans un département aux tentations autonomistes (et proche de l’Italie, il est vrai), il est allé à la rencontre d’une population croyante à 80/100 et dont les mœurs économique et sociales sont pour le moins contestables, avec un poids de la mafia qui n’est pas négligeable. A quoi il a ajouté la revendication d’une laïcité « saine » et élargie, « à la Corse », avec le droit d’affichages religieux dans les mairies et l’appel à augmenter le nombre d’enfants dans un département où la population connaît une forme de pauvreté importante et donc de graves inégalités sociales, vantant en plus la sagesse des « anciens » qui ne devraient pas aller dans des maisons de repos  mais vieillir « à la maison »: on croit rêver !

Je pourrais m’arrêter là dans le constat critique de cette dérive religieuse dans les esprits, y compris politiques et à leur profit. Sauf que je viens d’être stupéfait cette semaine par le commentaire public d’un scientifique dont la compétence de mathématicien est incontestable, mais intervenant hors de celle-ci et dans la presse sur « Mathématique pour l’âme » : affirmant (in fine) qu’il y a toujours eu une « alliance entre spiritualité et science », il conclut en faisant appel à un pape des années 1930, Pie XI, prétendant que les sciences naturelles « révèlent aux scientifiques les beautés secrètes de l’Univers et (dévoilent) l’empreinte cachée et ineffable de Dieu ». Soyons clair, honnête et intransigeant : cette affirmation est fausse et scandaleuse si l’on se souvient que la foi chrétienne d’Eglise (en particulier) s’est toujours opposée aux découvertes scientifiques depuis Copernic et Galilée, jusqu’à même récuser la théorie de l’évolution de Darwin jusqu’à la fin du siècle dernier, et si elle a été enfin reconnue par le pape Paul VI en 1996, soit plus d’un siècle après, celui-ci l’amputa de son application à l’esprit humain, avec sa conséquence philosophique matérialiste ! On voit donc que la science de la nature n’est pas là pour glorifier Dieu mais pour nous faire comprendre cette nature sur son propre plan et pour aider techniquement l’homme à y vivre pour lui-même et non pour Dieu. Quelle intention politique inavouée a donc guidé Villani ?

Pur conclure cette brève analyse, j’ajouterai qu’une partie importante du monde intellectuel n’est pas dans cette dérive idéologique et politiquement néfaste, mais elle n’est pas assez connue. Je me contenterai de citer les deux revues suivantes : Les Cahiers rationalistes  et La Raison,  revues laïques et de gauche, bien entendu. De quoi ne pas désespérer malgré tout !

                                                  Yvon Quiniou, auteur en particulier de Critique de la religion. Une imposture intellectuelle, morale et politique (La Ville brûle).

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