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Billet de blog 22 avril 2025

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En contrepoint à la mort du pape François

La mort du pape François a déclenché un flot d'éloges que je ne partage pas. Malgré quelques qualités humaines, il reste le partisan de valeurs sexuelles inaccepatbles et son amour des pauvres sera resté enfermé dans une vision charitable qui ne les aide pas à mieux vivre, se contentant de les consoler. Et c'est aussi le cas de son approche poltique du monde!

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                                       En contrepoint à la mort du pape François 

Je ne comptais pas vraiment réagir à la mort du pape, mais deux éléments conjoncturels m’y poussent, quitte à choquer par mon propos irréligieux. La réaction immédiate et, disons, conformiste d’une émission de télévision que j’estime (je ne la cite pas) ; mais, surtout, la lecture d’un livre passionnant de Danièle Sallenave, L’églantine et le muguet - passionnant en particulier et ici, par son approche radicalement critique de la religion, spécialement la catholique qu’elle a côtoyée dans son enfance mais tout autant rejetée du fait de son milieu familial laïque, religion  qu’elle aborde avec une intelligence et un courage critiques rares.

Le pape François d’abord, donc - dont la mort peut, voire doit nous affecter en tant que c’est celle d’un être humain, tout, simplement - a été un homme d’Eglise à la tête d’un « empire » mondial de croyants et d’agents de un milliard et quatre cent mille fidèles, au sein d’une organisation hiérarchique qui lui aura permis de les entretenir à la fois au sein d’un pouvoir international contestable et un système (car c’est bien un système) de croyances irrationnelles et déraisonnables qu’il faut savoir dénoncer et démythifier intellectuellement,mais en raison, aussi, de ses méfaits humains.

Le pouvoir d’abord, c’est-à-dire son impact sur l’humanité actuelle. Qu’on le compare ou pas au règne de son prédécesseur Jean-Paul II pour en signaler les avancées progressistes partielles, l’Eglise catholique continue de professer dans le domaine des moeurs sexuelles des valeurs insupportables et d’abord, y compris de sa part, concernant l’homosexualité : si elle n’est pas un « crime », elle demeure officiellement un « pêché ». Et il est ajouté, plus largement, que « tout acte sexuel en dehors du mariage est un pêché ». Plus encore il y a un « pêché de la chair » inhérente  à la doctrine chrétienne qui n’a aucune justification intrinsèque, voire est inhumaine, sadique ou masochiste, comme on voudra, et dont l’énoncé impératif a pour conséquence, pour les membres de l’Eglise condamnés au célibat, de satisfaire leur sexualité en interne, soit sous  une forme homosexuelle, paradoxalement, soit même sous une forme pédophile - tout cela n’étant guère puni, voire étant toléré sous le sceau du secret. Quel scandale moral que l’Eglise officielle dénie hypocritement, redoublant le scandale par son silence hypocrite à son égard (voir le cas ahurissant de l’abbé Pierre). Mais tout autant, il y a le scandale de l’hommage médiatique général au pape mort qui occulte tout cela pour des raisons politiciennes de pouvoir.

La politique, donc. L’Eglise catholique (comme d’autres au demeurant, qui peuvent être pires) n’est pas seulement un pouvoir spirituel sur les consciences, c’est aussi et tout autant ou en même temps un pouvoir temporel, en l’occurrence politique sur les être humains à travers son idéologie propre, et ce depuis tout le temps, donc encore aujourd’hui. Sans entrer dans les détails et en s’appuyant, théoriquement et en priorité sur Marx (mais aussi Freud), on se réfèrera d’abord ici à ce qu’en dit exemplairement Sallenave dans  l’ouvrage que j’ai cité et ce à partir de son expérience locale en Anjou où elle est née, qu’elle réfléchit très bien. Elle montre avec une grande exactitude à quel point cette région a été depuis longtemps dominée à la fois par des nobles, riches propriétaires terriens exploitant la paysannerie, et une Eglise liée à ceux-ci, leur fournissant une justification à leur comportement grâce à Dieu. A quoi s’est ajouté un appui rare à la colonisation de l’Algérie dès le 19ème  siècle, en termes religieux visant à combattre l’Islam sur une base justifiée par la foi et frisant le racisme !

Mais il faut aller au-delà de ce témoignage littéraire exemplaire et envisager le pouvoir de l’Eglise à l’échelle du monde depuis toujours. Elle aura été du côté des pires régimes politiques,  s’inscrivant dans le capitalisme depuis son apparition, s’opposant à la République, soutenant les dictatures du 20ème siècle (elle fut même complaisante à l’égard de Hitler), récusant la « théologie de la libération » en Amérique latine (après avoir soutenu Pinochet) et, dans la dernière période on n’a pas vu notre pape actuel critiquer un tant soit peu Trump… chrétien, lui aussi, il est vrai ! En ce sens et il faut le dire avec courage et audace, il n’est pas « le pape des pauvres » comme je viens de le lire ce jour (dans Ouest-France) et au sens où il se battrait contre leur pauvreté, donc contre le système qui l’engendre ; non, il se contente de leur apporter une consolation imaginaire  qui les rend heureux dans leur malheur tout en les enfermant dans celui-ci.  Le diagnostic de Marx, à nouveau, est toujours valable (ce Marx que son prédécesseur détestait) : la religion, y compris la sienne, aura été « l’opium du peuple » qui, tout en le consolant, l’y enferme.

Ce propos d’ensemble n’est pas neuf et l’on a beaucoup écrit et dénoncé cela, et c’est aussi mon cas, je m’en excuse : je n’ajoute rien ! Mais si j’y reviens c’est parce que, à la lumière de ma lecture de Sallenave, je fais mien son sentiment d’un monde qui revient en arrière, régresse donc dans sa compréhension de la réalité et des valeurs, y compris morales, qui résistaient jusqu’à présent (voir une partie de la philosophie contemporaine) et nous ouvraient la porte d’une vie sereine Elle appelle cela « Un monde sans Dieu(x ) » (ch. 35) au sein duquel les fantasmes religieux qui nous empêchent d’exister tous pleinement ont disparu. Il nous faut y revenir !

                                                                    Yvon Quiniou

PS : Qu’on se rassure un peu. Il y a en France des courants de pensée qui échappent à ce « retour du religieux » comme La libre pensée ou L’Union rationaliste, soutenus plus ou moins par certains partis de gauche.

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