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Billet de blog 25 juillet 2022

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Quelques vérités rudes sur le sport

Dans un entretien journalistique, Comte-Sponville vient d'énoncer de rudes vérités à propos du sport: l'oubli du seul plaisir de l’exercice physique ou ludique, la recherche narcissique du succès à tout prix, avec ses effets médiatiques. Il aurait pu ajouter sa dérive mercantile, liée à sa médiatisation dans une société qui marchandise tout, ainsi que ses effets délétères sur les sportifs.

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                                 Quelques vérités rudes sur le sport 

Pour une fois je vais m’inspirer de propos tenus par Comte-Sponville dans un entretien qu’un grand journal local lui a consacré. Son idée essentielle est très juste et à double face. D’une part il avoue aimer les sport – entendons l’exercice sportif en lui-même tel qu’il le pratique – mais il le distingue bien de sa finalité, celle qui domine à savoir la victoire quand il y a une concurrence : ce n’est plus alors le plaisir intime et sain de jouir de son corps dans un effort gratuit (marche, course à pied, plaisir de jouer avec autrui) mais le désir purement narcissique et orgueilleux de gagner, d’être le premier, hors de toute sagesse.

Mais il y aussi un autre aspect, social, qu’il dénonce justement : l’intérêt démesuré que la société, à travers les médias, lui confère en mettant en avant les succès individuels ou collectifs dans les compétitions, où ce qui est d’abord en jeu c’est le succès, individuel, de groupe, ou même nationale dans les affrontements internationaux ! Celle-ci donne alors aux vainqueurs une notoriété, voire un mérite que bien d’autres professions, plus estimables, ne reçoivent pas (recherche scientifique, enseignement, médecine, culture, activité militante aussi, etc.) alors qu’elles le mériteraient davantage. Et cet écho populaire est d'autant plus injuste  qu’il en sort souvent, pas toujours, une rivalité entre sportifs, voire une violence, infiniment désagréable –  et je pourrais multiplier les exemples actuels à propos des matchs de football avec ses heurts entre joueurs ou supporters, par exemple.

Mais il y a pire, que ne signale pas Comte-Sponville : la domination de l’argent sur le sport aujourd’hui. Car il faut le savoir : il y a un métier du sport qui rapporte aux meilleurs « sportifs » professionnels un argent délirant, disproportionné par rapport à ce que gagne une foule de gens ordinaires. Et du coup, on voit la fin initialement poursuivie sur un plan sportif (voir plus haut : « gagner ») devenir elle-même un moyen au service d’une fin purement mercantile, aux multiples retombées comme l’exploitation marchande de l’image des « vainqueurs » un peu partout dans le commerce. Sans compter les usages financiers de cette image à l’intérieur des grandes organisations, y compris officielles, du sport de haut niveau : voir l’exemple récent de Platini, quoique qu’il s’en défende.

Le sport connaît  alors les dérives psychologiques que cela peut entraîner dans la pratique tardive de la vie d’un sportif célèbre : le divertissement tous azimuts, l’alcool, la drogue, etc., comme le tennisman Becker vient d’en offrir le triste et dramatique exemple : oui l’argent peut rendre fou, y compris un sportif !

Tout cela n’a donc rien à voir avec le sport tel qu’il a été à l’origine et tel qu’il est chez beaucoup : il trahit son idéal intrinsèque d’épanouissement corporel ou ludique, et révèle à quel point le néo-libéralisme d' aujourd’hui médiocrise tout par l’argent, perdant toute dimension éthique ou morale digne de ce nom !

                                                                Yvon Quiniou

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