Retailleau et l’immigration
J’interviens ici à propos de notre nouveau ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, homme politique incontestablement d’extrême-droite au même titre que son catholicisme désuet et fanatique. En précisant que je le connais un peu, vu son domicile en Vendée et que, par hasard, j’ai eu l’occasion de discuter avec lui courtoisement. Mais son amabilité ne doit pas nous faire oublier le contenu détestable de ses positions politiques: l’habit ne fait pas le moine !
Cependant il faut bien distinguer deux Retailleau. Le premier a des positions dans le domaine des mœurs sexuelles totalement indéfendables : homophobie, anti-féminisme, refus de la contraception, de l’IVG et de l’avortement. C’est du Le Pen craché Je n’en parlerai donc pas! Qu’il se débrouille un jour avec sa conscience morale s’il le peut et s’il en a une, authentique.
C’est le second qui m’importe, celui qui se prononce sur, en l’occurrence massivement contre l’immigration. Or ici il faut être prudent.et réfléchir un peu, avec honnêteté, sans sombrer dans un éloge irresponsable et aveugle de celle-ci contre ce qu’il en dit. Je m’explique en récusant tout de suite sa position sur le statut des immigrés, qui sont des « français de papier » selon lui alors qu’ils sont légalement présents en France : suppression de l’aide médicale d’Etat, du droit du sol, des subventions aux associations venant en aide aux migrants, instauration de la double, peine, limitation du regroupement familial. Tout cela est inadmissible, inhumain et contraire aux valeurs de la République, dont la liberté et l’égalité, qui prévalent désormais en France et sont impératives
Ceci étant dit résolument et définitivement, il y a une autre question de fond qu’il aborde avec ses convictions, celles du « multiculturalisme » qui le fait penser qu’une société multiculturelle serait nécessairement « multiconflictuelle » (je le cite) et cela au nom d’une apologie un peu naïve de l’identité au sein d’une nation ou d’un pays, marquée chez lui par l’obsession positive des « racines » qu’il a empruntée à De Villiers, avec qui il a autrefois collaboré pour promouvoir l’entité « Vendée », terroir de la réaction de puis 1789. Or c’est ici qu’il faut faire preuve de maturité intellectuelle et admettre que l’immigration peut- je dis bien : peut - constituer un problème quand on distingue l’idée de différence et celle d’altérité et en laissant de côté absolument la position du patronat capitaliste qui voit dans les immigrés, quels qu’il soient, une main d’œuvre à bon marché leur permettant de faire du profit sur des emplois pénibles dont les français nationaux ne veulent pas.
La démocratie et, plus largement, le « vivre-ensemble » supposent que l’on admette qu’il y a des différences entre les humains, y compris quand il s’agit de la couleur de la peau, lesquelles n’annulent en rien le respect qu’on leur doit à tous sur la base de la reconnaissance de leur égalité fondamentale : on peut parfaitement s’entendre sans être du tout identiques et même s’enrichir des différences. L’altérité c’est tout autre chose et elle concerne essentiellement la culture au sens des moeurs, des croyances et des idées, y compris politiques avec leurs traductions institutionnelles, qui font la singularité d’un peuple. Or là, sauf à être d’une naïveté et d’une irresponsabilité rares, on ne peut mettre les cultures sur le même plan de valeur, comme une certaine mode ethnologique tend d’ailleurs à le faire, et donc les admettre de la même manière. D’abord l’altérité implique une grande différence qui peut faire peur comme celle d’un étranger : dans étranger il y a « étrange » et l’étrange peut inquiéter très normalement. Mais surtout c’est le contenu de cette altérité qui peut parfaitement faire problème sur le plan de sa valeur culturelle, précisément, et même doit le faire dans bien des cas et cela sans adopter pour autant un point de vue ethnocentré, nécessairement partial et qui peut valoir aussi pour l’autre, débouchant alors sur l’hostilité des cultures entre elles, voire leur guerre. Non, c’est à un tout autre niveau qu’il faut avoir le courage de se situer en osant affirmer que toutes les cultures ne se valent pas et que l’histoire a fait émerger l’idée ou l’idéal d’une culture portée par la norme humaniste de l’Universel à la fois intellectuel et moral au sein d’un progrès anthropologique global.
Je ne peux développer ici, mais rappeler seulement notre histoire occidentale avec ses phases successives de l’esclavage à la démocratie, la théorisation corrélative du progrès par des philosophes comme Kant et Rousseau et la concrétisation de celui-ci dans bien des domaines où les hommes et les femmes sont concernés. Concrétisation à laquelle l’œuvre de Marx a contribué : égalité des citoyens comme de la femme et de l’homme, humanisation du travail et des conditions de vie, pacification des rapports interhumains et, tout autant, apparition et valorisation de la rationalité contre les dérives religieuses de la conscience avec ses fanatismes et ses conflits irrationnels sans nom ! Toute la philosophie des Lumières, suivie par les penseurs matérialiste qui lui ont succédé, a été portée par cette cet idéal émancipateur !
Or si l’on admet cela, et il le faut car c’est incontestable, on voit bien que les cultures telles qu’elle existent encore aujourd’hui dans leurs multiplicité n’ont pas la même valeur humaine et que l’altérité ne saurait être acceptée sans condition. Pour ne prendre que deux exemples : comment valoriser un judaïsme du style de celui qui attribue à Israël un doit de propriété sur sa terre au nom d’un hypothétique Dieu et justifie ainsi son impérialisme guerrier actuel en Palestine ? Et encore : comment accepter les manifestations multiples et atroces da la religion musulmane qui dérivent de son fond de croyances ? Or ce constat normatif a une conséquence importante : il nous oblige à porter un regard critique sur l’immigration dès lors que celle-ci transporte dans un pays « avancé » comme le nôtre des normes de vie réactionnaires ou régressives, tout en militant pour elles de diverses manières. Comment accepter l’infériorisation de la femme par le Coran dont se réclament les musulmans, infériorisation multiple (vie de couple, rapports sexuels, etc.) dont même l’habillage public témoigne, lequel me fait pitié quand je le remarque ? A quoi s’ajoutent des interdits alimentaires absurdes… mais là nous sommes dans une altérité de la différence qui est, en un sens, neutre normativement car elle ne porte pas atteinte aux « droits de l’homme ». Par contre le spectacle des régimes musulmans au Moyen-Orient est abominable : ce sont des fascismes qui, pour nombre d’entre eux, humilient les femmes et, tout autant, portent atteinte à la liberté de pensée et d’expression, voire même récusent les avancées de la science quand elles touchent à l’homme. Un seul exemple dans lequel je suis concerné : enseignant en Mathématiques supérieures devant un auditoire où il y avait de nombreux musulmans venus du Maroc et traitant de « l’homme et la nature », je les ai vus récuser vivement dans un premier temps le darwinisme au nom du Coran ! Il y a bien là une altérité que l’Ecole républicaine ne peut accepter sous peine de régression fondamentale et de processus de « décivilisation ». Retailleau a beau utiliser ce terme, je l’utilise aussi mais dans une toute autre perspective… qui s’appliquerait aussi à la « civilisation catholique « dont il se réclame à sa manière, si elle devait triompher !
Pour conclure ce propos qui mériterait tout un livre, il est clair que la question de l’immigration et des immigrés doit être traitée avec humanisme et rigueur, sans souci électoraliste envers ces immigrés. Il faut songer ici à un thème qui avait été mis en avant il y a déjà longtemps par un dirigeant communiste dans une pétition à laquelle je m’étais associé, celui du « co-développpement » : il s’agit d’aider les pays sous-développés, d’où viennent massivement les immigrés, à se développer en accueillant leurs futures élites en France pour les former intellectuellement et techniquement de façon à ce que, rentrés chez eux, ils aident leur pays à se développer au bénéfice de leur population, en espérant en plus qu’ils hériteront de notre héritage démocratique et de nos acquis culturels progressites ! Des régimes aussi désolants humainement que ceux du Maroc et, surtout de l’Algérie et de la Tunisie en auraient bien besoin ! En dehors de toutes les mesures dont les immigrés français bénéficient et doivent bénéficier, il y a là une voie progressiste d’avenir.
Yvon Quiniou, philosophe, auteur entre autres de Pour une approche critique de l’Islam, H§O.