Race, racisme, immigration
Parmi les aspects détestables de notre situation politique, spécialement internationale, il y a le retour en force de l’identité raciale mise en avant positivement par Trump aux Etats-Unis pour valoriser son peuple au détriment des autres peuples ou populations dotés, sans nuances selon lui, d’une « identité » spécifique qui lui permet de les dévaloriser, sinon de les rejeter. C’est l’occasion, impérative, de réagir sur le fond et sur des effets curieux de cette dérive sémantique.
1 D’abord je rappellerai que, contrairement à ce que le « trumpisme idéologique » affirme, la notion de race n’a plus de statut scientifique depuis la fin du 20ème siècle (en France c’est un député communiste qui l’avait proclamé officiellement à l’époque de Mitterrand). Or ce qu’il faut bien voir c’est que cette notion s’autorise de la couleur de la peau pour en inférer un capital génétique différent selon les dites « races », en l’occurrence inférieur à celui de ladite « race blanche ». D’où politiquement un mépris et une domination pratique qui ont donné l’esclavage (aux USA précisément), les différences de droits et la domination coloniale un peu partout - tout cela produisant donc le racisme comme option idéologique aux conséquences politiques inhumaines et niant les droits universels de l’Homme. On rappellera comme exemple extrême, l’antisémitisme de Hitler et de son régime.
2 Avant de revenir sur ce point, il y a un détail scandaleux qu’il faut indiquer, en France même. La référence à la race refait surface à travers le rôle attribué aux gênes, non seulement politiquement par l’extrême-droite, mais dans la sphère pédagogique. C’est ainsi que le Conseil scientifique de l’éducation nationale (qui existe depuis 2018 et où ne siège aucun généticien) a demandé aux enseignants de se mettre au courant de la diversité des qualités ou compétences de leurs élèves pour mieux les apprécier, ce qui n’est pas négligeable, et de prendre en compte, pour cela et avant les facteurs relationnels largement décisifs (milieu social, éducation etc.) le « facteur génétique » pourtant minoritaire dans cet ensemble, au dire même des biologistes et dont on voit mal ce que les enseignants pourraient en faire dans leur tâche éducative, l’affirmation contraire échappant aux scientifiques et contredisant leur éthique (voir un article récent et courageux du Monde à ce propos)! Et l’on a même vu un sociologue connu, soumis à l’idéologie dominante et la répercutant, prétendre le contraire.
3 Mais il y a une question plus grave qui concerne notre vie sociale, nationale comme internationale, et qui pose un problème de fond : c’est celui de savoir dans quelle mesure l’immigration alimente le racisme - en l’occurrence le racisme anti-immigrés sur la base de ce « racialisme » sans fondement scientifique. La chose est incontestable et en progression partout, mais elle doit être prise en compte rationnellement et non seulement rejetée ou condamnée généralement : n’y a-t-il pas là un problème réel, à préciser et que la gauche ne veut pas voir ni comprendre ? Sur ce point il nous faut être d’un grand courage intellectuel comme d’une grande humanité et ne pas verser dans un aveuglement électoraliste politicien. Je m’explique.
1 D’abord il faut savoir et admettre que l’immigration ne répond pas à un dessein généreux de venir en aide à des êtres humains cherchant une vie meilleure que celle qu’ils connaissent chez eux : c’est tout simplement, pour le pays d’accueil, le besoin d’une main d’œuvre à bon marché et sur des emplois médiocres dont les « autochtones » ne veulent pas, et cela au profit de l’économie capitaliste et donc des capitalistes. La véritable solution « humaine » consisterait dans l’aide au développement des pays d’origine par une aide financière et la formation d’élites techniciennes revenant chez eux pour aider leur pays à se développer sur tous les plans !
2 Ensuite on saurait nier sans naïveté démagogique ou par peur d’être traité de « réactionnaire » que l’immigration pose une véritable problème de co-existence entre la population d’accueil et les immigrés… ou même entre les différentes ethnies immigrées elles-mêmes. A ce niveau il faut bien distinguer la question de la différence et celle de l’altérité (qu’il m’est déjà arrivé d’évoquer sur ce blog) entre les diverses communautés. Pour être clair et exprimer la chose telle que je la comprends : la différence de langue, d’origine, de peau et même de culture nationale n’est pas en soi un problème. Au contraire les différences nourrissent les échanges, enrichissent les êtres humains dès lors que des valeurs « morales » communes sont partagées, garantissant le vivre-ensemble paisible : l’homme est un être relationnel qui gagne à ne pas se replier sur son moi ou à s’y enfermer. A l’opposé l’altérité, si elle est bien aussi une différence, est d’une tout autre nature dans ses effets relationnels : elle est de l’ordre de la culture au sens anthropologique qui l’assimile à une civilisation, avec ses croyances, ses convictions, ses mœurs, y compris dans la relation homme-femme et, bien entendu, les valeurs morales (ou éthiques) qui doivent régir les rapports inter-humains. Or à ce niveau-là ou dans ce registre-là un abîme peut nous séparer de l’autre, voire nous opposer à lui. Il suffit de penser aux conflits inter-culturels qui opposent les traditions religieuses entre elles, avec leurs effets désastreux sur la vie humaine, qui explosent aujourd’hui, loin de se réduire : songeons tout banalement, si l’on peut dire, à l’opposition irréductible entre une société juive comme Israël et une société où l’Islam est dominant, qui va jusqu’à la guerre. Mais surtout, ou tout autant, il y a les modes de vie des immigrés qui, transportés par l’immigration, continuent de les opposer au sein de leur pays d’accueil et de s’opposer aux nôtres sur bien des plans, comme les rapports homme-femme, l’habillement des femmes au grand jour qui signale leur statut d’infériorité, les habitudes alimentaires, les rites religieux ostentatoires et arbitraires, leur rapport culturel dégradé à la science comme le refus du darwinisme (j’en ai fait l’expérience en tant qu’enseignant), etc. C’est donc bien l’altérité qui est ici en jeu et en cause et non la simple différence, laquelle altérité empêche l’empathie ou la sympathie au sein de la même communauté d’ensemble mais, tout autant, se traduit par une violence inter-ethnique de type raciste effrayante… qu’on retrouve même dans des pays pourtant multiraciaux comme les Etats-Unis et ce sur une base religieuse plutôt délirante et inadmissible (voir les Evangélistes). D’autant plus que le racialisme, devenu racisme réciproque, s’accompagne de jugements de valeur négatifs à l’égard des autres, instaurant une hiérarchie « culturelle » qui n’est pas toujours infondée comme on l’a vu, mais qui ne doit en rien légitimer pour autant des mesures de justice ou des traitements contraires à l’humanisme fondé sur les principes d’une morale universelle et donc universaliste !
On aura compris à quel point l’idée de race, consubstantielle à la « raciation » actuelle et présente parfois dans le milieu intellectuel, doit faire l’objet d’un examen critique dans plusieurs directions.
Yvon Quiniou
PS: Bien entendu, les immigrés légaux, où qu'ils soient, doivent être aidés matériellement et bénéficier des mêmes droits sociaux que les "indigènes"!