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Billet de blog 28 septembre 2022

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Réflexions intempestives sur l'immigration

La question de l'immigration se pose avec force aujourd'hui. Il faut l'aborder lucidement face à la montée des intégrismes religieux qui la polluent. Il faut voir que le "multiculturalisme" est un piège si les minorités immigrées restent dans leur identité religieuse sectaire, antirépublicaine La seule solution rationnelle et raisonnable se trouve dans le "codéveloppement".

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           Réflexions intempestives sur l’immigration 

Texte légèrement corrigé

La question de l’immigration n’est pas une question anodine et simple à résoudre comme on le prétend souvent à gauche, sur la base d’une espèce de populisme facile qui se trouve alors, sans justification, des adversaires commodes dans ce même camp de gauche – c’est ce qui risque de m’arriver faute d’une réflexion suffisante de la part de mes critiques éventuels.

1 La question refait surface ces temps-ci sur la base d’une haine des immigrés passionnelle,  et elle fait le jeu d’une extrême-droite quasi fascisante un peu partout et, tout, récemment en Italie. Cette haine de type raciste (mais pas seulement) est à rejeter absolument sur un plan éthique ou moral. Mais on l’a vu se manifester en Angleterre, pays de forte immigration, à Leicester très précisément, avec des affrontements violents entre immigrés musulmans et immigrés hindous… et sans que ce soit la reproduction de ce qui se passe en Inde. Or c’est bien à un fanatisme religieux de part et d’autre à quoi nous avons eu affaire et il tend à susciter un rejet des immigrés.

2 Du coup, on peut comprendre, à un premier niveau, le danger que comporte le phénomène de l’immigration : ici, il oppose deux communautés fanatiques ayant trouvé un refuge économique en Angleterre pour mieux vivre, mais en s’enfermant dans leurs croyances et leurs coutumes de vie, opposées entre elles. C’est le risque du communautarisme que comporte une immigration incontrôlée.

3  On peut alors comprendre, à un second niveau, ce qui se passe sur un plan plus général dans un pays qui accepte et valorise le multiculturalisme. Celui-ci entend faire coexister au sein de la même nation des groupes se réclamant d’une identité culturelle spécifique et forte (spécialement religieuse et irrationnelle, voire déraisonnable) et qui, dès lors, s’oppose à la culture dominante dans leur pays d’accueil. Or il faut avoir le courage de la lucidité : cela ne peut que susciter des antagonismes avec la société nationale qui accueille,  même si elle se veut républicaine, sur la base d’une causalité psychologique simple, à savoir le sentiment d’être menacé dans son identité socio-historique et dans ses valeurs ou encore de n’être pas respecté à ce point de vue. Il y a donc une peur de l’altérité dans les rapports interhumains et cet affect ne saurait être méprisé car il me paraît sinon essentiel, en tout cas important humainement  et, surtout, digne d’être respecté. On le retrouve d’ailleurs à l’œuvre dans bien des relations humaines (voir les relations entre régions… ou même, à un niveau banal, dans la relation de couple !), sauf qu’il ne faut pas qu’il se traduise par le rejet de l’autre, ce à quoi il peut mener sans un effort d’éducation ou d’auto-éducation. C’est ce que propose une société républicaine et laïque, mais il se trouve que cette « tolérance » n’est pas toujours réciproque (c’est le moins que l’on puisse dire) et que, du coup, l’Etat, dans ce cas, a le droit d’intervenir pour en interdire les manifestations, surtout si elles sont sectaires. J’ajoute que le  « multiculturalisme » est rarement paisible ou pacifique de la part des minorités culturelles religieuses, comme je l’ai souligné.

4 Comment alors réagir face au phénomène massif de l’immigration que les condition, diverses, du malheur social actuel suscitent dans le monde et ce dans le sens, bien entendu, d’une fuite des habitants des pays sous-développés vers les pays relativement riches, et dans des conditions souvent abominables et meurtrières ? Première réflexion ici : on ne peut envisager une immigration massive vers l’Occident développé tout simplement parce qu’elle est économiquement infaisable, sauf à y voir une solution au vieillissement de nos populations ou, plus cyniquement, une solution capitaliste pour embaucher des travailleurs à faible coût, ce qui est déjà le cas. Les immigrés y gagneront aussi un peu, mais pas beaucoup ! Plus largement et comme Rocard l’avait dit en son temps, « nous ne pouvons accueillir toute la misère du monde »…. sauf à aggraver celle de nos travailleurs et susciter leur peur ! C’est ainsi que l’on favorise l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir, avec tous ses préjugés humainement détestables. Deuxième réflexion : envisager un pareil dessein, il faut le savoir ou accepter de le concevoir, c’est projeter une révolution dans l’état du monde assez hallucinante, surtout à l’époque de la crise écologique, et qui pourrait aller jusqu’à la disparition, même lointaine, des nations, de leur équilibre interne (social et idéologique) et de leur souveraineté politique, sinon même progressiste (quand les immigrés transportent leurs modèles culturels rétrogrades), sans compter sa difficulté, sinon même son impossibilité technique qu’on ne saurai nier. C’est ici que la qualité éthique ou morale de ce dessein (qu’on peut admettre) se heurte au réel lui-même.

5 Reste un solution, la seule à mes yeux, à la fois réaliste et vraiment généreuse : le codéveloppement – solution qui avait été suggérée par un dirigeant communiste il y a déjà longtemps et à laquelle je m’étais associé. Il s’agit pour les pays développés, relativement riches, d’aider les pays sous-développés à se développer par des aides financières et techniques, et, surtout,  par une aide éducative à la formation de leurs travailleurs et de leurs cadres. Y compris en faisant venir dans nos pays leurs futures élites comme les médecins ou les ingénieurs pour les y former, quitte à exiger d’eux qu’ils reviennent dans leurs pays d’origine  pour contribuer à leur développement, justement, ce qui n’arrive pas toujours ! Cela supposera de notre part des efforts financiers, mais parfaitement réalisables si les capitalistes acceptent d’y aller de leur poche. Par où l’on retrouve ce qui est de plus en plus indispensable dans tous les domaines de la vie sociale : le dépassement du capitalisme. Qu’on se le dise et qu’on en soit convaincu, cela est impératif ! 

                                                                       Yvon Quiniou

NB: J'indique simplement que la Chine, contrairement aux préjugés ambiants,a une politique de codéveloppement à l'égard des pays sous-développés, dans l'optique du "gagnant- gagnant". Voir "La Chine sans œillères" (Delga), avec l'article remarquable de Tony Andréani.

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