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Billet de blog 29 mars 2024

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Contre Christine Angot

L'écrivaine Christine Angot vient de réaliser un film-documentaire sur l'inceste qu'elle a subi. Sa cause est totalement juste, mais le film met mal à l'aise par son narcissisme, même douloureux. Il invite à rappeler comment elle n'a cessé d'exploiter sa douleur dans ses livres et de multiplier ses interventions dans les médias, quitte à choquer sur la forme et le fond.

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                                                Contre Christine Angot 

Quitte à susciter des réactions hostiles, je voudrais dire ma déception et mon malaise face au film-documentaire de Christine Angot, Une famille, que je viens de voir. Trois choses échappent à ma critique : la dénonciation de l’inceste, bien entendu, à travers celui qu’elle a subi, la subtilité de l’analyse psychologique et l’aisance du scénario. Mais au-delà, la manière dont elle se complaît dans son drame personnel en y impliquant sa fille, la vivacité et même la violence de ses réactions, y compris vis-à-vis de sa belle-mère, nous montrent une femme dure, quoique souffrante, qui exploite cinématographiquement sa souffrance, au point que l’on sort du film avec le sentiment infiniment désagréable d’être en présence d’un narcissisme outrancier.

Du coup, je suis allé me renseigner sur elle, dont j’avais lu Une semaine de vacances sans avoir été marqué par ce livre, voire en ayant été déçu par la platitude de son écriture. Or ce que j’ai appris d’elle, via Wikipédia, est proprement ahurissant. J’irai à l’essentiel pour ne pas ennuyer et assommer le lecteur.

1 Sur son rapport à la littérature, elle est capable d’affirmer que « être artiste est toujours le résultat d’un échec, c’est un plan B », et un livre est donc seulement un échappatoire à une souffrance personnelle. Or si cela peut valoir pour un livre où la subjectivité s’exprime explicitement (la littérature en fournit des exemples), cela ne peut valoir pour l’ensemble d’une œuvre, ce qui est son cas, qui en devient répétitive et auto-centrée. La littérature a une bien plus grande et plus noble ambition : elle vise l’Universel humain, fut-ce à travers des situations singulières ou historiques… comme Balzac avec son ambition d’explorer « La comédie humaine », y compris quand il parle magnifiquement de l’amour dans Béatrix et de l’impossible sentiment dans lequel il peut nous enfermer, au-delà du seul cas de son héros, Calyste. Je pourrais multiplier les exemples d’auteurs que j’ai admirés pour leur style et leur ambition psychologique générale retentissant en chacun de nous… jusqu’à Modiano.

2 Mais il y a pire chez Christine Angot, à lire sa biographie. C’est sa volonté d’exploiter commercialement et médiatiquement son aura partielle. Elle est intervenue dans un nombre incroyable de médias écrits (Libération, Le Nouvel Observateur, Le Monde, Télérama) ou audio-visuels, déclenchant des scandales par ses propos comme lorsqu’elle a injurié publiquement la féministe militante Sandrine Rousseau, au point de la faire pleurer en public, à la télévision. Ou encore en dénigrant tel personnage journalistique, pourtant impeccable dans sa ligne politique comme Natacha Polony de Marianne ou tel homme politique connu, Chirac, au point de susciter l’indignation d’Alain Finkielkraut (quoi qu’on pense de celui-ci et de Chirac par ailleurs). Ou enfin, et c’est le comble, alors qu’elle déclare « n’avoir pas de convictions » (je la cite), elle a été capable de « valoriser » l’esclavage des noirs, prétendant que leur statut, quand ils étaient transporté aux Etats-Unis sur des navires négriers, était tout à fait  digne, contre la démonstration faite par une historienne spécialiste de la chose et de gauche, Mathilde Larrère. A quoi on ajoutera sa capacité à injurier ceux qu’elle n’aime pas comme Houellebecq, qualifiant son livre Soumission  de « roman qui salit celui qui le lit », ajoutant : « Merde à celui qui le lira » ! Franchement : quelle indélicatesse, au minimum ! Il est vrai que son écrivain favori est Céline, dont on connaît les accointances politiques nauséabondes et même si elles ne sont pas les siennes.

3 Enfin, elle a été et est toujours en quête d’une publicité médiatique lui permettant de gagner de l’argent et ce en offrant l’image d’une femme d’une incroyable assurance, orgueil ou dureté, qui la rendent peu sympathique.

 Brève conclusion, qui mériterait tout un livre : la littérature contemporaine, en l’occurrence actuelle, se porte mal et subit l’emprise de la mercantilisation généralisée qui caractérise notre époque. Et l’on pourrait transposer ce diagnostic sur la philosophie « à la mode » !

                                                         Yvon Quiniou

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