Où va l’humanité ?
La question douloureuse que j’aborde mériterait un livre entier - que j’écrirai peut-être un jour. Mais j’entends tout de même en parler brièvement car elle tracasse tous mes amis quand je leur en parle et chez moi, c’est plus que du tracas : une tristesse, voir un désespoir qui affecte l’intellectuel de gauche que je suis depuis toujours. Mes convictions progressistes hostiles au capitalisme sont intactes, mais l’espoir de les voir se réaliser est largement bloqué !
Il faut commencer par faire état de la situation mondiale catastrophique au Moyen-Orient que nous connaissons et une émission toute récente de C dans l’air en a remarquablement parlé, avec une lucidité critique exemplaire. 1 Ce qui est en cause en premier, c’est la guerre qu’Israël mène contre les Palestiniens : 35 OOO morts au moins, dont beaucoup de femmes et d’enfants récemment, sans compter la colonisation meurtrière de la Cisjordanie. Sachant que ce qui est en jeu ce n’est pas directement la religion juive, encore qu’elle l’alimente par son fanatisme irrationnel s’agissant du statut de cette « Terre » (dont elle prétend que Dieu la lui aurait donnée), qui en masque idéologiquement les horreurs ; non ce qui est en jeu c’est le projet nationaliste et colonisateur qui anime son gouvernement au détriment d’un autre Etat possible et légitime, celui de la Palestine. 2 S’ensuit une situation mondiale qui nous rapproche d’un état de guerre à l’échelle de la planète, que nous n’avons pas connu depuis la fin de la seconde guerre mondiale : les nations ne s’entendent pas pour condamner ce conflit avec, en tête de ce refus, l’attitude belliqueuse en sous-main de Etats-Unis que seuls ses intérêts économiques de puissance impérialiste dans le monde guident depuis longtemps. A quoi s’ajoute un Biden extrêmement décevant, qui ne veut pas perdre son électorat juif aux élections à venir ! 3 Du coup, l’opinion internationale se divise à un point rare. D’une part la Cour internationale de justice de l’ONU condamne désormais cette guerre, exigeant son arrêt, et c’est aussi le cas de hauts dirigeants de cette même ONU, dont son secrétaire général. Et plusieurs pays comme l’Espagne, l’Irlande et la Norvège réclament l’officialisation d’un Etat palestinien ! Mais d’autre part, il y a l’attitude opposée non seulement des Etats-Unis, mais de bien d’autres pays qui leur sont soumis, comme la France et, plus largement, l’Europe qui se tient dans une réserve lamentable : tout cela explique l’hypothèse terrible d’un conflit mondial potentiel que j’ai évoquée comme cela explique les remous populaires dangereux à l’intérieur de nombreux pays.
Mais un autre conflit assombrit lui aussi la situation, celui de l’Ukraine avec ce qu’il implique d’hostilité systématique à l’égard de la Russie (comme si elle reproduisait l’hostilité passée à l’égard de l’ex-URSS) mais aussi d’obédience à l’égard des Etats-Unis (toujours eux) via l’Otan. Et l’on voit une partie de cette Europe soutenir l’Ukraine, au moins implicitement et en la nourrissant d’armes ! Ici Macron aura été d’une médiocrité politique et humaine rare en envisagent qu’on aille faire la guerre dans ce pays pour le soutenir militairement : où est la tradition en partie pacifiste de la France ? Avec en plus l’attitude néo-coloniale de notre pays aujourd’hui en Nouvelle-Calédonie et la violence qu’elle suscite, sans compter la misère du peuple qui y règne !
Enfin, plus largement, on a rarement vu une situation concrète pour l’humanité comparable : 1 Une montée des nationalismes comme des intégrismes et des sectarismes religieux, avec les conflits locaux qui les accompagnent, un peu partout. 2 Et tout autant, s’agissant du monde occidental, un déploiement pernicieux du libre-échange capitaliste mondialisé, faisant fi des souverainetés nationales au profit d’un pouvoir financier transnational, qui débouche sur un appauvrissement des peuples totalement inédit et ce depuis la vague néo-libérale qui a suivi la chute du mur de Berlin, touchant aussi le peuple français. 3 Enfin, il y a bien évidemment la crise écologique sur laquelle je ne reviens pas, sauf à dire qu’elle peut nous menacer, avec la nature dont nous dépendons, de destruction. Or cette question est quasiment absente du débat politique des européennes en France, avec comme chef de file de cette absence (si l’on peut dire), Macron.
Conclusion : A quelque niveau que l’on se situe, l’expérience de notre présent historique tel que je le constate malheureusement, nous met en présence d’un non-progrès possible : plus d‘avenir meilleur envisageable et non seulement une stagnation, mais une régression généralisée, contredisant donc la perspective de ceux de ma génération qui ont vécu l’inverse. La montée de l’extrême-droite un peu partout en Europe (qui attirerait même les jeunes) en est une preuve supplémentaire, proprement catastrophique.
Seul « contre-point » positif à cette musique politique désespérante de notre époque : le « Sud global », avec en particulier la Chine, le Brésil, Cuba, le Vietnam et même la Russie, lequel est entrain de rééquilibrer le rapport des forces mondial en défaveur de la domination des Etats-Unis et pour plus de paix et de justice sociale. On ne me suivra peut-être pas, mais il y a là, pour moi et quelque autres (je reste modeste), la perspective d’un nouvel espoir pour le cheminement de l’humanité, espoir que le réveil de certains partis communistes ici ou là, y compris en Europe, justifie un peu : l’humanité pourrait donc ne pas sombrer inéluctablement dans les conflits, les fanatismes et la marchandisation généralisée de l’existence !
Yvon Quiniou