Le flirt lamentable entre l’Eglise catholique et le FN
Quel scandale que ce flirt entre l’Eglise catholique du sud de la France et le FN : elle vient d’inviter celui-ci, ainsi qu’un élu de droite et un vague ex-socialiste, à un colloque officiel et public pour dialoguer avec elle. Ce n’est qu’un flirt mais le mariage n’est pas loin quand on voit les raisons annoncées pour justifier une pareille situation (voir Le Monde du 27 août).
Au-delà d’une raison pragmatique qui pourrait tout légitimer quand on foule la morale aux pieds, à savoir la force électorale du FN dans cette région qui ouvre un champ de recrutement pour l’Eglise, il y a surtout ( ?), il ne faut pas se le cacher et qui est déjà lamentable, des convergences idéologiques pour la première fois à ce point reconnues : la défense de la nation, de la famille, de la vie, l’opposition au mariage pour tous, arrivent en tête des affinités affirmées. Et quand on interroge sur France Inter, qui s’est complaisamment et longuement fait l’écho de cette manifestation, un de ses participants sur la question de la charité dont le FN n’est guère le héraut, le catholique interrogé répond que celle-ci ne concerne que le rapport avec les individus et ne saurait engager aucune option politique ou sociale – ce qui permet de dédouaner le FN de ses positions rétrogrades à ce niveau : préférence nationale, rejet des immigrés, critique des aides publiques aux plus pauvres, refus de s’en prendre au règne de l’argent, etc.
On peut en tirer des conséquences essentielles, non par rapport au FN dont on connaît la malfaisance démagogique, mais par rapport à l’Eglise catholique et, donc, par rapport aux religions en général dont je ne cesse de dénoncer l’imposture morale (entre autres) qu’elles constituent et qui se trouve ici, hélas, confirmée. D’abord, il y a ce réalisme d’appareil, oubliant les principes moraux, voire les bafouant, sous prétexte qu’il faudrait tenir compte du (nouveau) rapport des forces. Je cite : « On n’est plus à l’heure où on pouvait s’arrêter aux principes. Tous les milieux sont touchés, y compris les cathos (par le FN- Y. Q.). Raison de plus d’entrer dans le débat. » A ce compte, il fallait donc débattre avec Hitler (ce que l’Eglise catholique a fait à sa manière) ? Insupportable machiavélisme (au sens courant de ce terme) ! Que Jésus, pour ceux qui y croient, est loin! Ensuite, il y a l’aveu officiel des positions politiques rétrogrades de l’Eglise catholique en matière sociale , favorables par principe au capitalisme et qu’elle module ou nuance en fonction des circonstances. Enfin, il y a cette idée, que je dénonce aussi, que la religion devrait désormais oser se mêler des problèmes de société et entrer publiquement en politique – ce qu’elle a toujours fait, mais qu’elle avait pris l’habitude de masquer depuis quelque temps, « rendant à César ce qui est à César ». Je cite à nouveau : « L’Eglise est moins complexée qu’avant par la chose politique (quand il s’agit d’afficher sa proximité avec le FN – Y. Q.). Elle ose plus entrer dans le débat. Cela rejoint le débat sur la laïcité, sur la place de l’Eglise dans la société. Il n’y a pas de raison que l’Eglise se taise sur le terrain politique si elle a quelque chose à dire. »
Eh bien si, l’Eglise, les Eglises,n’ont pas à faire de politique en tant que telles, la politique étant l’affaire des citoyens dans un Etat démocratique et donc laïque – ce qui ne leur interdit pas, bien entendu de formuler leur exigences ou valeurs. Mais accepter leur demande d’une traduction directement politique de celles-ci, c’est risquer de revenir aux dangers d’un régime théocratique dont le monde actuel nous offre de terribles exemples en terre d’Islam et dont Spinoza, en son temps, avait déjà opéré une formidable et courageuse critique dans son Traité théologico-politique, ancêtre de notre indépassable modèle républicain, qui sépare l’Etat et la religion.
Tout cela pour rappeler deux choses : 1 Les religions ont un potentiel totalitaire qui n’a pas disparu – malgré les efforts du pape actuel François pour faire évoluer son Eglise. 2 Elles son toujours tentées d’envahir l’espace public, alors qu’elles devraient rester, pour l’essentiel, une question privée. Une laïcité rigoureuse et intransigeante, sans fard démagogique, est le meilleur rempart contre ce double danger.
Yvon Quiniou