Ce qui vient de se passer en Corse est terriblement inquiétant. Sans entrer dans la chronologie exacte des incidents, on a assisté à une manifestation de racisme anti-arabe - "les arabes dehors" - et d'hostilité à l'encontre des musulmans - le saccage d'une mosquée, la destruction d'exemplaires du Coran - qui ne se justifie en rien, qui doit être absolument condamnée, y compris quand , comme dans mon cas, on critique violemment l'islam: la critique des croyances ne saurai être assimilée, sans une mauvaise foi inadmissible, à un rejet des croyants et au refus de leur droit à croire et à pratiquer leur religion, dès lors qu'ils acceptent les lois républicaines du vivre ensemble et leurs valeurs proclamées.
Ces incident scandaleux s'inscrivent dans une montée du racisme xénophobe en France, dont le FN est le vecteur, sinon l'instigateur. En Corse cela est tout aussi clair: même si les partis nationalistes condamnent ce qui s'est passé, leur mouvement a alimenté un nationalisme ethniciste qui peut amener à justifier idéologiquement de pareilles violences. Et le gouvernement, qui prétend appliquer, dans le cadre de l'état d'urgence, une politique sécuritaire intransigeante lui permettant d'interdire telle ou telle manifestation, n'aura guère été pressé de le faire dans ce cas: on vient d'apprendre qu'aucun des responsables des exactions vis-à-vis des musulmans n'a été ni recherché ni interpellé, le préfet n'ayant guère exercé ses prérogatives!
Je ne crois pas que la causalité de ce dramatique évènement soit à trouver seulement dans la pauvreté du quartier où il a eu lieu. La pauvreté est incontestablement une cause de ces dérives indissolublement délinquantes, idéologiques et politiques. mais elle ne saurait tout expliquer. Elle s'alimente aussi à un climat général dont le gouvernement actuel, en pleine régression droitière, est responsable. Par sa décision de proposer la déchéance de nationalité visant des terroristes islamiques bi-nationaux, il entretient une conception difficilement justifiable, y compris juridiquement, de la nationalité rompant avec le droit du sol qui veut qu'un habitant français, né en France et acquérant ainsi la nationalité française, demeure français, quoi qu'il ait fait. Un acte terroriste n'est pas rien, bien entendu, il est même horrible, rien ne peut le justifier et il doit être condamné et puni par la loi. Mais pourquoi la déchéancede nationalité pour son auteur? Le raisonnement censé la légitimer pourrait valoir pout tout auteur d'un acte criminel qui rompt avec les valeurs républicaines et leurs obligations, qui impliquent le respect inconditionnel de la personne humaine.Pourquoi alors ne pas l'appliquer à tout criminel, au nom de ces mêmes valeurs?
Ce qui s'est passé en Corse est donc à mettre au compte de la progression d'une mentalité réactionnaire dans les milieux populaires victimes, hélas, d'un crise sociale et économique dont le gouvernement dit "socialiste" est largement responsable par ses choix politiques, inspirés par l'Europe libérale d'aujourd'hui - mais à conditon d'ajouter que cette mentalité se retrouve dans d'autres catégories sociales qui sont à l'abri de cette crise et qui se "droitisent" de plus en plus avec l'aide des partis de droite partant à la recherche de l'électorat d'extrême-droite (voir ce qui se passe dans d'autres pays européens). Il est à mettre aussi au compte de la situation que nous impose l'islamisme radical qui sucite un sentiment anti-arabe irrationnel et inexcusable dans sa forme. Le problème est que Hollande s'en sert d'une manière strictement politicienne: par-delà ses déclarations ostentatoires et moralisantes, il joue de la menace que constitue ce sentiment et de l'aide qu'il apporte au FN, pour apparaître comme le rempart"national" contre ce danger et tenter de gagner ainsi en 2017, malgré toutes ses trahisons à l'égard de ses engagements électoraux initiaux. Oui, pauvre France, qui n'est pas seulement la France des pauvres!
Yvon Quiniou