Le Jeu Politique Français : Entre Radicalité et Modération, le Défi du NFP
Lorsqu'un peuple manifeste et utilise tous les moyens d'expression démocratique sans obtenir de résultats tangibles, il finit par se radicaliser, se repliant sur lui-même. C’est le constat que l’on peut faire aujourd’hui en France, où la colère sociale prend de plus en plus d’ampleur, notamment parmi les classes populaires, souvent laissées pour compte par les élites au pouvoir.
Il est indéniable que sans la stratégie menée par La France Insoumise (LFI), le Rassemblement National (RN) aurait déjà pu s'imposer dans bien des localités. Ce parti, sous la houlette de Marine Le Pen, incarne pour une partie de la population la réponse aux frustrations grandissantes. Pourtant, l'ascension du RN est également entretenue, dans l’ombre, par un autre acteur : Emmanuel Macron.
Le Président de la République a un intérêt certain à maintenir un RN fort. Pourquoi ? Parce que cela lui permet de continuer à malmener un électorat populaire qui, de toute façon, ne lui accorde pas son soutien. En affaiblissant ces classes sociales et en les poussant dans les bras du RN, Macron tente de conserver une forme de monopole politique, où la seule alternative à son pouvoir serait une extrême droite largement rejetée par les centristes et le front républicain.
Cependant, dans cet échiquier politique, la droite française, poussée par des figures comme Nicolas Sarkozy, semble de plus en plus prête à s'allier avec l'extrême droite pour prendre Macron à son propre piège.
C’est pourquoi d’ailleurs cette même droite refuse souvent de participer à ce front républicain et qu’Eric Ciotti a déjà amorcé le processus.
Une telle alliance pourrait bouleverser l'équilibre fragile que Macron tente de maintenir, en favorisant une dynamique où le RN deviendrait un allié stratégique pour la droite traditionnelle.
Dans ce jeu politique complexe, La France Insoumise joue un rôle clé. LFI prive en effet le RN de voix essentielles, en captant la colère populaire tout en la canalisant dans une opposition de gauche radicale.
Macron le sait bien : si ce phénomène s’étendait, cela pourrait ébranler son plan. Car sans un RN fort, Macron est politiquement vulnérable.
Face à cette situation, la gauche se trouve à un carrefour stratégique. Pour capter les électeurs qui, sans alternative, pourraient se tourner vers le RN, elle doit entretenir une certaine radicalité. Mais cette radicalité ne doit pas être excessive, au risque de faire fuir les électeurs modérés. La question qui se pose à la gauche est donc cruciale : dans ce contexte, quelle stratégie adopter ?
Au sein de la gauche et des écologistes, deux visions s’affrontent :
La première, défendue par les nouveaux « frondeurs » du PS, consiste à laisser la colère populaire s’exprimer à travers LFI et le RN, en les mettant sur le même plan comme le font les macronistes et la droite. Ils souhaitent ainsi rompre avec LFI et capitaliser sur ce qu’ils présentent comme une « sociale-démocratie populaire ».
Or, les déçus de la sociale-démocratie depuis Hollande sont trop nombreux pour permettre à cette stratégie de renaître de ses cendres. De plus, ceux qui proposent cette approche sont souvent les mêmes qui ont contribué à porter Emmanuel Macron au pouvoir.
La seconde stratégie consiste, quant à elle, à maintenir un courant radical au sein du Nouveau Front Populaire (NFP), incluant LFI, pour capter les voix du RN tout en conservant une aile modérée pour rassurer les électeurs plus centristes. La difficulté réside dans le dosage entre la radicalité et la modération. C’est justement ce que le NFP tente de faire actuellement. En jonglant entre ces deux pôles, il espère devenir la force principale d’opposition et finalement se retrouver face à Macron, ou à défaut, affaiblir suffisamment le RN pour changer la donne.
En revisitant l'histoire politique française, on se souvient que le général de Gaulle aspirait à une "troisième voie", un chemin indépendant entre le capitalisme sauvage et le collectivisme rigide.
Le Nouveau Front Populaire (NFP), avec son équilibre délicat entre radicalité et modération, pourrait bien incarner cette troisième voie aujourd'hui. Alors que les forces traditionnelles s'affrontent et que le paysage politique semble de plus en plus polarisé, le NFP tente de tracer une route nouvelle, capable de rassembler au-delà des clivages habituels.
Avec le NFP, ce n’est pas seulement le paysage politique qui s’en trouverait modifié, mais aussi l’emprise des ultra-riches, qui n’auraient plus à la tête du pays des marionnettes à leur service.
Ce sont en réalité les forces de l’argent, du capital, et de la finance qui œuvrent autant pour la montée du RN que pour le recul des forces politiques capables de transformer le destin de millions de personnes.
Leurs intérêts sont directement liés à la conservation du statu quo, un statu quo où l’alternance politique se limite à choisir entre une droite libérale et une extrême droite nationaliste, toutes deux garantes de la perpétuation des privilèges des plus fortunés. Ainsi, le véritable enjeu n’est pas seulement électoral, mais aussi et surtout, social et économique.
Comme le disait de Gaulle : « Toute ma vie, je me suis fait une certaine idée de la France. » Cette idée était celle d'une France forte, souveraine, et indépendante, guidée par des principes qui transcendent les intérêts partisans et les puissances d'argent.
Le NFP pourrait-il incarner cette vision d'une France unie et juste, refusant de se laisser capturer par les extrêmes ? C'est l'enjeu majeur des années à venir.
Zerrin BATARAY
Avocate
Conseillère Régionale Auvergne-Rhône-Alpes