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Billet de blog 30 juin 2013

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Francophonie et dialogue Nord-Sud : un nouvel horizon ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Cinq ans après le discours controversé de Nicolas Sarkozy à Dakar, François Hollande est donc parti  à Kinshasa acter que « L’Afrique va devenir un grand continent émergent » et que « La France serait au rendez-vous ». Auparavant, son ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, prononçait un discours ciselé comme une feuille de route, devant un aéropage d’étudiants étrangers diplômés (1). Lequel discours, par sa précision, rompait avec les incantations habituelles concernant la Francophonie, puisque c’était d’elle qu’il s’agissait. En l’occurrence, le ministre y affirmait vouloir faire de la Francophonie un axe majeur de la politique étrangère française avec instruction générale pour nos diplomates d’en faire « une priorité permanente de notre action ». Ce qu’il appelait avoir « le réflexe francophone ». Cette référence à une francophonie réactivée, c’est-à-dire à une communauté de destins - et surtout d’avenir - se voulant alternative à une mondialisation uniformisante. L’insistance étant mise, certes sur le legs d’une langue d’usage, mais aussi sur le respect d’un multilinguisme au nom de l’affirmation du droit à la diversité culturelle. Le ministre soulignant, et c’était une nouveauté, que la République, tirant les leçons d’un passé durant lequel elle avait quelquefois « rudoyé » (l’euphémisme était volontairement utilisé) des langues qu’elles considérait comme secondaires, avait fait sa mue. Et qu’elle inscrivait désormais son action dans le cadre d’une pluralité linguistique (2). Ce discours qui marque une rupture avec une conception académique de la Francophonie sentant la naphtaline nous agrée. Ne fait-il pas en effet écho au travail que conduit le réseau Zone Franche depuis vingt ans ? Lequel réseau a toujours défendu la notion d’une francophonie ouverte qui prenne en compte l’importance  d’imaginaires pluriculturels, lesquels ont contribué, notamment en musique, à la naissance de la fameuse « French touch » francophone. Cette manière commune d’appréhender le sensible qui a marqué de sa griffe nombre de créations de l’immense champ francophone (3). Car que faut-il entendre par francophonie en matière de musiques ? Celle qui se chante dans la langue de Molière ? Celle qui se mâtine de joual québécois ? Celle qui s’exprime en « camfranglais » ou en « parler moussa » ? Celle encore, qui se raconte en en lingala ou en vietnamien ? Oui, à l’évidence, la francophonie politique n’est pas stricto sensu la francophonie linguistique, qui n’est pas la francophonie musicale, qui n’est pas la francophonie culturelle. De fait, même l’on salua en son temps le fait qu’Angélique Kidjo aux Etats-Unis, Papa Wemba au Japon, Khaled en Inde, ait été vus comme des ambassadeurs de cette Francophonie des notes et du sentiment, il n’en reste pas moins que cette fille légitime d’une histoire troublée, n’a pas été prise en considération à sa juste valeur, au delà de louables initiatives multilatérales et… de l’existence de réseau comme le notre. Et partant, elle n’a pas été soutenue avec assez de volonté et d’objectifs politiques pour que les faiblesses qui l’handicapent (soutien aux productions, à la circulation des œuvres et des artistes, piratage endémique, non respect des législations sur le droit d’auteur, etc) soient résorbées. Quand malgré tout, cette francophonie musicale (mais on pourrait aussi évoquer ses consoeurs littéraire, théâtrale, chorégraphique, cinématographique…) s’est considérablement aguerrie. Se dotant d’outils, de lieux, d’espaces artistiques pérennes, c’est-à-dire de bases économique. Et favorisant l’envol de styles et de genres, hier à vocations autochtones, dans la sono mondiale. Avec, en retour, un formidable écot en terme d’images d’un vivre-ensemble basé sur la pluralité d’héritages croisés. Ainsi, si l’on traduit plus avant notre Ministre des Affaires étrangères tournant la page d’une francophonie de papa (grevée rappelons le par les usages de la fameuse « Françafrique »), une autre Francophonie est à inventer dans le cadre d’une mondialisation âpre et parfois sans principes. Un constat que nous partageons pour autant que l’on mette en avant ce qui doit selon nous justifier une telle référence. A savoir, des valeurs de liberté, d’équité, de transparence, et ce pari de diversité qui sera l’enjeu symbolique fondamental de demain. Sur ce registre nous pensons, pour la vivre à travers les adhérents de notre réseau, que la francophonie musicale dans ses multiples dimensions peut être d’une grande utilité. Tant elle a des choses à dire sur les imaginaires et les attentes des peuples. Tant elle a des valeurs à partager, comme lorsqu’elle dénonce l’échange inégal, les dénis de démocratie, le statut fait aux femmes, le pillage des ressources naturelles et les nouveaux colonialismes, ou, à contrario, exalte les solidarités des communautés humaines, les richesses des legs spirituels, les identités multiples, les promesses de la jeunesse ou la défense de la planète.

Frank Tenaille, président de Zone Franche

Décembre 2012

(1)     Discours prononcé le 10 octobre à la Sorbonne, à la veille du XIVème sommet de la Francophonie de Kinshasa.

(2)     La signature en 1999 de la charte européenne des langues régionales ou minoritaires et l’intégration à la constitution française en 2008 des langues régionales marquant selon lui un changement heureux.

(3)     Il n’est pas anodin que les spécialistes de la World music aient utilisé le terme de « French touch » pour désigner cette aptitude qu’ont les musiciens du monde francophone à réaliser, sur scène ou en studio, des hybridations différentes de celles des fusions anglo-saxonnes.

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