Celafait maintenant plusieurs décennies que l’étiquette « antilibérale » colle aux mouvements sociaux.
Cettevulgate s’est particulièrement développée en France, et elle s’emploie à dénoncerdans le stade néolibéral du capitalisme un déchaînement du laisser-faire, dutout économique, un impérialisme des marchés submergeant des Etats impuissants. Sur la base d’une distinction binaire entre Etat et marché, elle prône ainsi naturellement le retour d’un Etat apte à réguler les appétits privés.
Pour Pierre Dardot et Christian Laval, une telle vulgate, en identifiant libéralisme et néolibéralisme, opère une confusion qui nous égare et nous fait perdre du temps.
Le paradigme néolibéral n’a en effet rien à voir avec le libéralisme classique du laisser-faire.
Il ne prescrit pas le retrait de l’Etat, mais au contraire son redéploiement comme contrôle social généralisé, mode de gouvernement et surtout d’autogouvernement des hommes, pédagogie qui veut faire de chacun de nous une sorte de micro-entreprise dont il faut maximiser la performance.
Les deux auteurs s’emploient ainsi à expliciter la généalogie de cette rationalité et de son hégémonie, ainsi que ses effets sur la subjectivité présente. Leur livre a le mérite d’introduire en France une perspective qui s’est déjà développée outre-Atlantique, notamment dans les écrits de Wendy Brown, et sur laquelle laFrance a encore bien du retard.
Il nous invite à d’autres rationalités, d’autres constellations subjectives, à une réappropriation des récits qui nous traversent.
C’est donc en pleine cohérence avec l’intérêt et la solidarité que nous portons à ceux qui aujourd’hui s’aventurent sur les chemins des contre-conduites, de la désobéissance, d’un autrement possible, que nous les recevons aujourd’hui.