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Billet de blog 16 janvier 2025

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Daoudix et Sansalix au service de sa majesté

Boualem Sansal, écrivain algérien devenu français depuis quelques mois, c’est un peu le Gaulois moderne avec une queue de cheval à la place des tresses. Il a même le côté comique... involontaire

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Illustration 1

Qui est Boualem Sansal ?
Si on se fie à ce que nous sert la presse française – vous savez, ceux qui confondent liberté d’expression et abonnement à Gallimard – eh ben c’est pas juste un écrivain : c’est carrément une affaire d’État ! On dirait que l’Algérie a kidnappé Obélix. Sérieux. Manquait plus que la potion magique et le menhir. Et encore... niveau potion, lui c’est plutôt un cocktail bizarre : un peu de langue française, beaucoup de langue de bois, et un zeste d’accents de préfecture.

Boualem Sansal, écrivain algérien devenu français depuis quelques mois, c’est un peu le Gaulois moderne avec une queue de cheval à la place des tresses. Il a même le côté comique... involontaire. Toutes ses déclarations sont farfelues, et son français, bon, comment dire... c’est pas exactement du Molière. On dirait un mec qui aurait appris la langue de Voltaire dans un club Med. Et dire qu’il a reçu un prix de l’Académie française ! Un écrivain qui bégaie, qui termine ses phrases par « truc », « patati patata »… Eh ben bravo. À ce rythme-là, on peut filer un prix Goncourt à mon oncle Raymond qui écrit des blagues dans les chiottes.

D’ailleurs, dans le Larousse des noms impropres à l’Algérie indépendante, un petit bijou signé Rachid Boudjedra (un vrai écrivain, lui, même qu’il écrit sans traducteur automatique), on trouve une définition pas piquée des hannetons. Un dictionnaire distribué, paraît-il, aux journalistes français qui ont l’Algérie dans le nez (et parfois dans le fion, si on parle des plateaux télé).

Le nouveau Voltarène du passé colonial français ? C’est Boualem Sansal.

Boudjedra le décrit ainsi :

« Boualem Sansal, haut fonctionnaire algérien, un fidèle des cabinets ministériels pendant trente-sept ans. Un gars super assidu, super zélé. Il a vu passer les répressions, les injustices, la matraque en gros plan, sans broncher. Faut dire qu’il était de l’autre côté du manche. La démocratie ? La vraie hein, pas celle avec des bulletins en carton. Les libertés ? Les droits des femmes ? La liberté de conscience ? Lui, il voyait tout ça comme un PowerPoint chiant à éviter. »

Un homme du système, chouchouté comme un labrador bien dressé, qui a profité des bonnes vieilles combines pour se construire une belle villa à Zemmouri (tiens, tiens ! un nom qui revient souvent celui-là, hihi). Un site protégé ? Bah voyons ! Tellement protégé que lui et ses potes ont pu y construire des villas avec vue sur le piston. Tout ça grâce à ses interventions dans une administration où la corruption, c’est pas une maladie : c’est un patrimoine. Il dénonce la corruption, le vieux Sansal... mais avec la bouche pleine. On peut pas lui en vouloir, c’est difficile de parler avec les poches pleines.

Et comme le dit l’ami Boudjedra :

« Il est donc curieux que Boualem Sansal, qui dénonce à juste titre la corruption et la déliquescence d’un pouvoir qui a trop duré, soit lui-même un corrompu notoire. Un prédateur, même. »
On n’invente rien, on cite ! Et par charité, Boudjedra ne donne pas les noms des “heureux élus” qui ont profité de ses largesses. Mais on devine que c’est pas des clochards.

Mais attention, Boudjedra nuance (parce que lui, il sait faire ça sans se fouler les neurones) :

« L’Algérie, pour moi, c’est pas un État totalitaire, c’est juste un vieux système autoritaire un peu pourri sur les bords. Parce que si c’était vraiment totalitaire, moi j’aurais pas pu publier mes romans – qui sont quand même très mal vus par les curés et les mères de famille. Et Sansal non plus, il pourrait pas venir comme ça faire des tournées. Ni vendre ses livres dans les librairies algériennes. »

Voilà ce que dit clairement Les contrebandiers de l’histoire, le pamphlet de Boudjedra, qui devrait être lu par les Français... même ceux qui croient que l’Algérie commence à Barbès et finit à Montreuil.

Et justement, l’affaire Sansal, elle tombe pile-poil au bon moment. Timing parfait. Juste quand on commençait à parler de l’autre affaire : le Goncourt de la honte. Bah oui ! Le lendemain de l’apparition miraculeuse de Saada Arbane – la femme dont la vie ressemble tellement à un personnage de roman qu’on se demande si elle est pas sortie directement d’un manuscrit Word. En plus, petite coïncidence rigolote : la psy de Saada ? C’était la femme de Kamel Daoud. Comme quoi, la littérature, c’est souvent une affaire de famille.

Et là, Gallimard dégaine son joker : Sansal, le cheval de Troie à la queue de cheval. Pour noyer le poisson. Le problème, c’est que le poisson pue encore un peu le Goncourt frelaté.

Alors certes, la place d’un vrai écrivain n’est pas en prison. On est d’accord. La prison, c’est pour les contrebandiers. Mais bon... quand tu fais le mariole sur des plateaux de télé d’extrême droite, que tu nies l’histoire algérienne, que tu lèches les bottes du Maroc pendant que ça chauffe avec l’Algérie... t’étonne pas si le pouvoir t’accueille pas avec des fleurs. Faut dire qu’aller chanter « Catch me if you can » en traversant la frontière, c’est marrant... mais faut pas oublier que les cheveux, c’est peut-être un symbole chez certains, mais ça donne pas l’immunité diplomatique.

Et puis, Sansal, c’est aussi le BFF (Best Farceur Forever) de Kamel Daoud – alias Astérix. Lui aussi, il est très content de ses prix, de ses interviews, et des « bravos » de Panoramix (alias Gallimardix). Faut juste éviter de le contredire, sinon il fait la moue. Il a un ego qui rentre pas dans un TGV.

Dans le Larousse des noms propres de Gallimard, distribué gracieusement aux médias bien-pensants du clan Bolloré, Sansal est décrit comme un écrivain humaniste, hippie, révolutionnaire, pacifiste, prônant l’amour universel… sauf si t’es islamiste, arabe nationaliste ou un peu trop proche de Gaza. Bref, un amour de mec... mais de loin. Très loin. Genre côté Zemmour.

On le compare même à Voltaire. Sérieux ? Un hippie qui fait ami-ami avec l’extrême droite, c’est comme si John Lennon chantait « Give war a chance » pendant une rave-party en chemise Lacoste.

Mais Kamel Daoud, ce brave garçon, il a oublié de dire un petit détail dans tout ça :

« La France, à l’époque de la décennie noire, accueillait à bras ouverts les pires terroristes. Mitterrand s’amusait à faire baisser le prix du pétrole juste pour faire chier l’Algérie. »
Et là, paf, 9 dollars le baril. Un record. Même pas le prix d’un paquet de clopes.

Si on creuse un peu dans la généalogie des nouveaux Astérix et Obélix version Gallimard, on risque de découvrir que la littérature française va avoir la Gaule de bois pour les cinquante prochaines années.

Un journaliste français a bien tenté de s’attaquer à ce cirque... il s’est fait lyncher par la secte des héritiers de Voltaire. Boualem Sansal devient alors la preuve vivante que Daoud est persécuté. Parce que oui, en France, quand t’es critiqué par un État maghrébin, t’es automatiquement un génie incompris, un Soljenitsyne à la harissa. Toute l’affaire Saada Arbane ? Une machination ! Un coup du « régime d’Alger ». (Cette formule magique qu’on sort dès qu’on n’a plus rien à dire... Un peu comme « pain au chocolat » contre « chocolatine », mais version géopolitique.)

Et comme dans les contes de Grimm, les contes de Gallimard, eux, ils nous présentent Daoud et Sansal comme deux pauvres enfants perdus dans la forêt algérienne. Hansel et Gretel dévorés par la vilaine sorcière algérienne qui aime pas les gentils écrivains pacifistes. Pauvres choux.

Bref, voilà un résumé très très accessible pour tous ceux qui ont lu « Houris », prix Goncourt 2024, et qui ont enfin découvert la « décennie noire » algérienne. Sauf qu’on l’appelle guerre civile maintenant, parce que ça passe mieux dans les dîners en ville.

Je me demande quand même comment ça se fait que les Français, si cultivés, connaissent mieux le Rwanda et la Yougoslavie que l’Algérie des années 90. Mystère.

Non, la décennie noire, c’était pas juste une baston entre islamistes. C’était pas le Hamas contre le Hezbollah. C’était une guerre entre un État et des fanatiques. Et ceux qui réduisent ça à une querelle de barbus, ben... ils sont aussi crédibles que Sansal avec son prix littéraire.

Et dire que ce bon vieux roman de Daoud, O Pharaon, qui en parlait justement, a disparu du catalogue Gallimard. C’est comme par hasard...

Pour creuser vos méninges :

D’écrivain prophétique à prisonnier politique : les vraies raisons de l’embastillement de Boualem Sansal par l’Algérie

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