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Billet de blog 14 août 2025

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LE SUPPLICE DE GAZA : L'ÉCHO TRAGIQUE DES GHETTOS NAZIS

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Benyamin Netanyahou, vient d'annoncer un plan d’occupation totale de Gaza dont la mise en œuvre a déjà commencé.

Cet épisode me parait à bien des égards, l’un des plus significatifs et des plus inquiétants de l’histoire politique et militaire récente du Moyen-Orient. Le discours, du Premier ministre israélien ne trompe personne. Même s'il essaie d’enrober cette décision dans un langage sécuritaire, en la présentant comme la réponse nécessaire à l’attaque du Hamas du 7 octobre 2023 et comme la seule option pour garantir la protection d’Israël, la réalité qui se dégage des faits, des déclarations et de la stratégie déployée dépasse largement la logique de riposte militaire.

Elle révèle la mise en œuvre planifiée d’un projet de transformation structurelle du territoire et de sa population, combinant guerre totale, pression humanitaire extrême et ingénierie démographique.

Nous avons tous présent à l'esprit, les propos de ministres clefs, comme Bezalel Smotrich et Itamar Ben Gvir, appelant ouvertement à " encourager l’émigration " des Palestiniens et à réinstaller des colonies juives dans l’enclave qui dissipent toute ambiguïté sur la nature profonde du projet . Il ne s’agit pas d’un plan temporaire de sécurité, mais d’une refonte durable de l’appartenance territoriale et humaine de Gaza.

C’est cette cohérence entre les actes visibles sur le terrain, l’idéologie exprimée publiquement et les solutions « alternatives » discutées, telles que les pseudo-programmes d’" émigration volontaire " imaginés avec Donald Trump, qui permet à de nombreux juristes, historiens et observateurs de qualifier cette politique de nettoyage ethnique progressif, voire de génocide structurel.

L’expulsion directe, prohibée par le droit international, se trouve habilement remplacée par une stratégie moins spectaculaire mais tout aussi redoutable : détruire méthodiquement les conditions minimales d’existence jusqu’à ce que l’exil apparaisse comme la seule issue possible.

Si les implications humanitaires sont déjà catastrophiques, les conséquences politiques et régionales le sont tout autant.

Pendant ce temps, que fait la communauté internationale?

Malgré les preuves accumulées de violations graves des Conventions de Genève et de crimes contre l’humanité potentiels, elle reste globalement inerte.

Ni les résolutions des Nations unies, ni les procédures engagées par la Cour internationale de Justice ne parviennent à infléchir le cours des événements.

Face au déni du droit à l’autodétermination, la colonisation rampante et la fragmentation géographique, le doute n'est plus permis . Ce qui se déroule actuellement s’inscrit aussi dans une continuité historique d’éradication symbolique et politique de la présence palestinienne sur la totalité de la Palestine historique.

L’occupation de Gaza, dans ce contexte, n’est qu’un maillon d’une chaîne plus vaste, liant les événements de 1948, l’occupation de 1967, l’expansion des colonies en Cisjordanie et l’annexion progressive de Jérusalem-Est.

Le caractère implacable de cette trajectoire suggère qu’il ne s’agit pas d’excès ponctuels dus aux circonstances, mais d’un projet politique mûrement réfléchi, porté par une idéologie nationaliste de plus en plus assumée.

Ce qui se joue à Gaza en 2025 s’inscrit dans une trame historique plus large qui dépasse le seul cadre du conflit israélo-palestinien.

L’histoire contemporaine a connu d’autres moments où une puissance politique et militaire a cherché, par la combinaison d’une domination armée et d’une crise humanitaire organisée, à remodeler la composition démographique d’un territoire.

Les transferts forcés de population en Bosnie dans les années 1990, l’installation de ghettos et les déplacements massifs de populations en Europe de l’Est durant la Seconde Guerre mondiale, ou encore la politique d’« ingénierie démographique » pratiquée par certaines puissances coloniales dans des contextes de guerre d’indépendance, illustrent des logiques similaires : retirer à une population les moyens matériels et politiques d’exister sur sa terre afin de réaliser un objectif territorial ou identitaire.

À Gaza, la combinaison d’une campagne militaire de grande ampleur, de restrictions humanitaires draconiennes, de déplacements forcés et de rhétorique politique appelant explicitement à l’" émigration " collective place l’action israélienne dans un cadre comparable du point de vue juridique.

Ces pratiques, dans leur logique, rappellent les fondements du totalitarisme nazi : la volonté d’anéantir un groupe humain dans son existence collective, de supprimer toute autonomie politique, toute dignité, toute mémoire, toute possibilité de futur.

Le ghetto de Varsovie fut une tentative d’étouffer un peuple sous prétexte de guerre .

Gaza, aujourd’hui, est devenu un ghetto moderne, un lieu de punition collective, d’oubli planifié, d'extermination d'un peuple. L’usage politique de la souffrance de masse comme arme de guerre, terroriser, assiéger, affamer, déplacer, est un procédé criminel historiquement documenté, et les comparaisons avec d’autres régimes exterminateurs deviennent, hélas, de moins en moins outrancières.

Cela ne signifie pas que la situation est identique à la Shoah, mais les idéologies et les moyens sont les mêmes. Mais ce qui est en jeu ici, c’est la logique d’inhumanité absolue, normalisée, rationalisée, dans laquelle un État assume que certains groupes n’ont plus droit à la vie, à la sécurité, à l’existence même.

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