L’appel de Louis Sarkozy à un rassemblement le jour de l’incarcération de son père, Nicolas Sarkozy, prévu le 21 octobre 2025 à la prison de la Santé constitue un acte à la fois chargé symboliquement et politiquement. Il ne peut être réduit à une simple expression privée de soutien. En choisissant ce moment précis, le jour même de l’entrée en détention de son père, pour appeler à une mobilisation publique dans un quartier huppé de Paris (Villa Montmorency), Louis Sarkozy ne pose pas seulement un geste affectif. Il s’inscrit dans une logique de mise en scène publique d’un désaccord avec une décision de justice pourtant légalement rendue.
Je pense que cette initiative cherche délibérément à brouiller les frontières. Entre justice et politique, entre vie privée et action militante. Car, Nicolas Sarkozy n’est pas un citoyen lambda. C'est un ancien président de la République, reconnu coupable d’association de malfaiteurs dans l’affaire du financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007. La justice française, à travers un jugement rigoureux et argumenté, a établi sa responsabilité pénale. Organiser un rassemblement le jour de son incarcération, à la porte de son domicile, constitue un acte hautement symbolique, qui peut être interprété comme une forme de contestation explicite, de cette décision de justice.
Le moment choisi est particulièrement significatif. L’emprisonnement d’un ancien chef de l’État est un moment de gravité pour une démocratie. Il symbolise l’idée que nul n’est au-dessus des lois, pas même ceux qui les ont incarnées. En mobilisant l’opinion, même discrètement autour de cette incarcération, Louis Sarkozy contribue à transformer un acte judiciaire en événement politique. L’appel à "être nombreux" devant la résidence de Nicolas Sarkozy n’est pas neutre .Il cherche à susciter une émotion collective, à réactiver un noyau de fidélité politique, à faire naître un doute sur la légitimité de la peine prononcée.
Cette attitude participe à une stratégie bien connue dans certains milieux politiques : disqualifier les institutions dès lors qu’elles ne vont pas dans le sens souhaité, en entretenant la fiction d’une justice instrumentalisée ou partisane. Or dans cette affaire, les faits sont d’une extrême gravité. Le tribunal a souligné l’ampleur du système mis en place et la compromission profonde de principes démocratiques fondamentaux. Remettre en cause la décision judiciaire à travers un appel émotionnel public ne fait que contribuer à alimenter une forme de défiance généralisée envers la justice. Cela constitue un danger profond pour l’équilibre démocratique.
Par ailleurs, cette initiative soulève des questions de responsabilité. En lançant un tel appel à rassemblement dans un contexte aussi chargé, Louis Sarkozy prend le risque de provoquer un attroupement à forte charge symbolique, pouvant même dégénérer si certains soutiens y voient une légitimation de leur colère contre l’État, les institutions judiciaires ou les médias. Cette tension entre émotion familiale et mobilisation politique n’est pas anodine . Elle a un effet sur la société toute entière, car elle banalise l’idée qu’un ancien président puisse être victime d’un "acharnement", là où il ne s’agit que de l’application ordinaire du droit.
L’absence de distance, de mesure, de retenue dans cette initiative laisse penser que l’image du père importe davantage que le respect de la décision judiciaire. La peine de prison devient alors un outil de mobilisation, un prétexte à entretenir un mythe, celui d’un homme injustement traité, d’un président persécuté, voire d’un martyr politique. Ce récit-là est dangereux, car il instille l’idée que les puissants, lorsqu’ils sont sanctionnés, le sont pour des raisons politiques, et non pour des fautes objectives. Cela mine la crédibilité de l’appareil judiciaire tout entier.
Il faut aussi souligner la communication très maîtrisée qui entoure cet appel : publication d’une vidéo rétrospective de la carrière de Nicolas Sarkozy, musiques émotionnelles, slogan ambigu,"La fin de l’histoire n’est pas écrite". Ce n’est pas un geste spontané, mais une opération de storytelling calibrée. Le fils devient ici l’agent d’une réécriture symbolique, d’une tentative de réhabilitation immédiate. Cette volonté de garder la main sur la narration publique de l’incarcération est révélatrice d’une ambition plus large : refuser toute conséquence durable à l’exercice illégal du pouvoir.
Il est scandaleux de voir un rassemblement en faveur de Sarkozy organisé par ceux, qui hier encore, dénonçaient avec virulence le soi-disant "laxisme" de la justice... mais seulement quand il s'agissait d'un jeune de banlieue, d'un migrant, ou d'un citoyen lambda. Dès qu'un des leurs est concerné, soudain, c'est le complot, l'acharnement, la persécution ! Cette justice à deux vitesses, ces deux poids deux mesures, c'est exactement ce contre quoi ils prétendent lutter. L'hypocrisie et le mépris de classe n'ont pas de limites, visiblement.
En définitive, l’appel à rassemblement de Louis Sarkozy ne peut être considéré comme un simple témoignage de solidarité familiale. Il s’agit d’un acte politique aux effets puissants sur la perception de la justice, sur la mémoire collective du quinquennat de son père, et sur la manière dont la République traite ses anciens dirigeants défaillants.
L'objectif est clair. Détourner l’attention de la gravité des faits pour la recentrer sur la mise en scène de l’émotion, de la loyauté, et de l’injustice supposée.
En conclusion, il est indispensable que les institutions restent fermes et que l’opinion publique ne cède pas à la tentation de l’identification émotionnelle. Ce que révèle ce scandale, au fond, c’est la difficulté persistante en France à faire primer le droit sur le pouvoir, et la vérité judiciaire sur le récit politique. C’est un test pour notre capacité collective à accepter que la justice s’applique également à ceux qui ont incarné l’autorité suprême.