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Billet de blog 23 juillet 2025

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Gaza : les mécanismes du camp de concentration réinventés

Des dizaines de milliers de vies anéanties, une population affamée, prise pour cible dans sa quête de nourriture, des familles broyées sous les bombes et la famine transformée en stratégie militaire.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Ce qui se passe à Gaza n’est pas une simple tragédie, mais un crime de masse, un effondrement absolu de l’éthique politique et humaine.

Selon des données abondamment étayées, 111 personnes sont mortes de faim depuis le mois de mai 2025 dont 80 enfants.

Plus insupportable encore : le silence assourdissant, l’inaction cynique, voire la complicité active, des États qui prétendent incarner le droit et la justice.

L'Occident : collusion et hypocrisie

Les États-Unis continuent de fournir à Israël un soutien militaire et diplomatique massif, obstacles systématiques à toute sanction sérieuse ou pression effective pour un cessez-le-feu. L’Union européenne, quant à elle, se contente d'exprimer ses « préoccupations », fomente une diplomatie du double standard, ferme les yeux sur les crimes alors qu’elle brandit l’état de droit ailleurs.

Leurs mises en garde, leur rhétorique humanitaire masquent difficilement une participation économique, technique et politique à l’anéantissement de Gaza.

Aucune sanction, aucun embargo sur les armes, aucun gel des accords de coopération :  l'Occident est complice par passivité et par intérêt.

Le monde arabe : lâcheté et calculs sordides

L'immobilisme des États arabes, Jordanie, Égypte et en particulier les monarchies du golfe, crève les yeux. Ces États, riches à milliards, laissent Israël poursuivre son génocide, pour préserver leurs intérêts stratégiques.

Les appels à la « désescalade » sonnent comme une farce tandis que, dans les faits, ils ferment leurs frontières, paralysent politiquement toute action de la Ligue arabe, et pour certains, (comme les Émirats arabes unis ou Bahreïn), continuent de normaliser ou d’approfondir leurs relations avec Israël

Certains analystes notent que ces monarchies « se réjouissent discrètement » du fait que l’armée israélienne affaiblisse le Hamas à leur place.

Leur silence pèse d’autant plus qu’il fait contraste avec l’émotion populaire dans leurs sociétés

Le parallèle glaçant avec les camps de concentration nazis

À Gaza, il ne s’agit plus d’« effets collatéraux » de la guerre, mais de mécanismes systématiques de destruction : blocus total, bombardements de camps de réfugiés, destruction des infrastructures vitales, tirs ciblés sur des foules cherchant à survivre, famine imposée comme arme. L’armée israélienne a chassé plus d’un million de civils du nord vers une enclave surpeuplée dans le sud, où ils périssent à petit feu.

Faut-il recourir à la mémoire des camps de concentration pour dire l’horreur de ce qui se déroule sous nos yeux à Gaza ?

Il ne s’agit pas ici de chercher une équivalence totale, l’extermination industrielle des juifs par les nazis avait sa spécificité radicale, mais de nommer, avec clarté, ce qui réunit hier et aujourd’hui : le choix délibéré d’enfermer une population, de la priver de moyens de survie, de l’anéantir physiquement et moralement sous la pression de la faim, de la maladie, du surpeuplement, des tirs et de la peur.

Comme dans les camps, la population de Gaza est privée de tout recours à ses droits fondamentaux. Elle est entassée, affamée, exposée en permanence à la mort, sans protection, sans issue, tandis que la communauté internationale détourne les yeux ou rechigne à agir, comme les démocraties occidentales l’avaient jadis fait devant la montée du nazisme.

La transformation de quartiers entiers en ruines où des familles sont massacrées, la faim instrumentalisée, les distributions alimentaires devenues des traquenards mortels. Selon le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, 1054 personnes ont été tuées par l'armée israélienne entre les mois de mai et juillet 2025 en tentant d'accéder à de l'aide humanitaire.

Tout cela convoque, dans l’imaginaire collectif, la représentation des ghettos, des camps fermés, des sites d’extermination par déni des besoins vitaux.

Le mécanisme est celui de l’anéantissement d’un peuple par une politique de siège et d’écrasement méthodique, que seule la volonté internationale pourrait faire cesser, mais qu’aucun des États puissants ne tente sérieusement d’arrêter, préférant les gesticulations, la realpolitik, ou la neutralité prétendument stratégique.

Le verdict sera historique

Qui jugera ce crime devant l’Histoire ? Qui répondra de la complicité, de la passivité, de la lâcheté qui ont permis qu’une enclave, aux portes du XXIᵉ siècle, se transforme en fosse commune à ciel ouvert ?

Les puissants regarderont-ils demain dans les yeux les survivants de Gaza sans honte ni effroi ?

Les leçons du passé n’ont-elles rien appris au monde ? Si la mémoire des camps doit servir à quelque chose, c’est à empêcher la répétition, sous quelque forme que ce soit, de la logique d’anéantissement.

Aujourd’hui, à Gaza, c'est l'humanité entière qui est mise en jugement.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.