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Billet de blog 25 mai 2025

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GAZA, MIROIR D'UN EFFONDREMENT MORAL

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Ce qui se déroule à Gaza n’est rien moins qu’une entreprise de destruction délibérée, inscrite dans une logique de nettoyage ethnique méthodique Et pendant ce temps, la France reste figée dans une position moralement indéfendable. Et son inaction aujourd’hui, est une forme de complicité. Quand le mot « génocide » devient tabou, alors même que des spécialistes du droit international, des experts de l’ONU, des ONG parlent sans détour de nettoyage ethnique, que reste-t-il de la voix de la France ? Pourtant, en tant que signataire de la Convention sur le génocide, elle a l'obligation de prévenir, de dénoncer, d’agir. Mais que fait-elle ? Rien. Ou si peu que cela revient au même. Quand la Cour internationale de justice est saisie pour des actes de génocide, que la majorité des États du Sud global s’en inquiètent, la France se tait. Pire, elle s’oppose à toute tentative de sanction. On attendrait d’elle qu’elle se lève pour les droits humains. Mais elle penche, mollement, du côté de ceux qui rasent des écoles et tuent des civils, au nom d’une sécurité que la terreur infligée aux innocents ne garantit jamais. Pendant ce temps, dans les rues de Paris, de Marseille, de Toulouse, des milliers de voix s’élèvent. Des jeunes, des femmes, des hommes des syndicalistes, des enseignants, des étudiants manifestent pour dénoncer l'horreur.

Au nom d’un prétendu « ordre public », on interdit des rassemblements, on intimide les militants, on censure les affiches. Il faut s’interroger : comment expliquer cette rupture si profonde entre la société civile et l’État ? Pourquoi la parole officielle paraît-elle aussi déconnectée de ce que ressent une grande partie du pays ? Pourquoi le gouvernement semble-t-il si inquiet à l’idée de dire ce qui est pourtant évident ? En entretenant, l’ambiguïté, le cynisme politique, et en choisissant en fin de compte le silence des États comme la France ,supposée patrie des droits humains acte sa profonde démission morale. J'écris ces lignes en tant en tant que citoyen, en tant qu’observateur de ce que font les États quand l’histoire les place face à un choix fondamental : justice ou complicité. Ce qui se joue à Gaza n’est pas seulement une crise humanitaire. C’est un test moral. Et la France y échoue avec éclat.

Alors que la réalité sur le terrain est effroyable, le gouvernement français se contente des mêmes formules vidées de toute substance, "droit à la sécurité d'Israël", "appel à la retenue"... Un chef d’œuvre d'évitement qui trahit par ce qu’il tait autant que par ce qu’elle dit.

Cette posture n’est pas neutre. Elle valide, par omission, une logique coloniale de destruction. Elle infantilise les Palestiniens, réduit leur souffrance à une variable diplomatique. Ce n’est pas une erreur de langage, c’est une stratégie politique. Ne pas nommer les crimes, c’est déjà les permettre.

Nous voyons comment la France aime se poser en gardienne du droit international. Mais ce droit devient soudain facultatif lorsqu’il s’agit d’Israël. Elle s’indigne, à juste titre, des crimes de guerre en Ukraine, mais reste muette quand les mêmes actes sont commis à Gaza, parfois avec l’aide matérielle de ses alliés. Ce double discours ne relève pas simplement de l’hypocrisie. Il participe activement à l’effondrement du peu de crédibilité qui reste à l’ordre juridique international. Comment croire encore à l’universalité des droits quand les principes changent selon l’identité du bourreau et de la victime?

Ce décalage entre les faits documentés et le discours officiel français est devenu insoutenable. Et il n’est pas sans conséquences. Il alimente la défiance envers les institutions. Il creuse la fracture entre l’État et sa population. Il délégitime la parole publique. Il nourrit un ressentiment que le pouvoir, aveugle à sa propre incohérence, préfère réprimer plutôt que comprendre. Ce qui se joue à Gaza n’est donc pas qu’une guerre lointaine. C’est un miroir. Un révélateur brutal de nos hiérarchies morales, de nos aveuglements politiques, de nos renoncements collectifs. Nous sommes devenus ces sociétés qui pleurent les morts de Boutcha mais détournent le regard de ceux de Rafah. Des États qui parlent d’humanité, mais pour qui certaines vies valent moins que d’autres. La France aurait pu dans ce drame appeler les choses par leur nom, soutenir les enquêtes internationales, cesser d’armer ceux qui tuent. Elle ne l’a pas fait. Elle a choisi la realpolitik, l’alignement transatlantique, le confort du silence. Je ne veux pas croire que ce cynisme est irréversible. Mais il est là, aujourd’hui, sous nos yeux. Il nous oblige à sortir du mutisme. Le temps des précautions oratoires est révolu. À Gaza, un peuple est détruit. Et la France, si elle ne rompt pas avec cette passivité honteuse, restera dans l’histoire comme celle qui a su, qui a vu, mais qui n’a rien fait. Ce n’est pas simplement une faute politique. C’est une trahison de l’idée même d’humanité.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.