Alors qu’Israël annonce une soi-disant "pause tactique" à Gaza, la majorité des médias relaient l’information sans recul, allant jusqu’à saluer ce geste comme humanitaire, occultant sciemment le génocide en cours et légitimant une armée responsable de massacres à grande échelle.
Pourtant, l’expression "pauses tactiques " employée par Israël pour désigner des arrêts temporaires dans ses opérations militaires à Gaza pose d’importants problèmes éthiques, politiques et linguistiques. En effet, derrière cette terminologie apparemment anodine se cache en réalité une stratégie sophistiquée de gestion du conflit, qui instrumentalise la souffrance humaine à des fins de communication et de flexibilité militaire, tout en offrant un vernis de respectabilité diplomatique.
Le langage, première arme de la « gestion » du conflit
On voit bien que l’emploi du mot " tactique " relève d’un vocabulaire technique, froid et déshumanisant. Il réduit la guerre à une succession de choix logistiques, occultant la réalité de la destruction et des pertes humaines.
Dans ce lexique, les habitants de Gaza ne sont plus des personnes, mais des variables, des pions dans un jeu de stratégie où seule compte la maximisation de l’avantage militaire.
Pour tout observateur averti, il ne fait aucun doute,que cette technocratisation du conflit, très éloignée des principes du droit international humanitaire, permet de camoufler la brutalité des opérations derrière un écran de rationalité stratégique.
Il ne s’agit plus de parler de " cessez-le-feu " ou de "trêve ", termes qui impliqueraient une reconnaissance explicite de la souffrance et un engagement moral, mais de "pauses tactiques ", une interruption strictement fonctionnelle, décidée et contrôlée unilatéralement par l’armée israélienne, et sans reconnaissance de la vulnérabilité extrême des civils.
Des pauses minimales : une illusion de répit, un maintien de la terreur
Comment ne pas s'inquiéter de la réalité de ces "pauses tactiques ", pour autant qu'elles soient appliquées avec la plus grande sincérité, (ce qui reste largement débattu par de nombreux observateurs et ONG), alors qu'elles ne représentent qu’un temps extrêmement limité : souvent dix heures par jour (de 10h à 20h), dans quelques secteurs restreints et précisément désignés ?
Sur les vingt-quatre heures d’une journée, cela signifie que l’armée israélienne garde la pleine liberté d’agir et de frapper durant les quatorze autres heures, partout ailleurs à Gaza.
Ce dispositif est loin de constituer une protection efficace des populations civiles pour au moins 3 plusieurs raisons :
D'abord, parce que les violences, les bombardements, les offensives et les incursions terrestres peuvent reprendre à tout moment, dans d’autres secteurs et hors créneaux, plaçant les civils dans une insécurité permanente et une anxiété absolue.
Ensuite, la pause, strictement encadrée, ne permet en aucun cas le rétablissement des infrastructures essentielles ni l’acheminement massif et sécurisé de l’aide humanitaire, alors même que la crise alimentaire et sanitaire atteint des sommets.
Enfin, l’accès à l’aide reste entravée, d’autant que déplacer des centaines de milliers de personnes affaiblies sur de courts laps de temps, le long de corridors contrôlés, expose les civils à de nouveaux dangers et à l’arbitraire militaire.
En fin de compte, cette " parenthèse " ne vient pas soulager véritablement la souffrance, mais sert à desserrer, de façon très temporaire, l’étau humanitaire et la pression internationale, tout en évitant de remettre en cause la stratégie de siège et de bombardements continus.
Stratégie de communication et manipulation internationale :
Le choix de cette terminologie et de ces micro-trêves répond à une volonté politique qui paraît très claire : imposer un récit, celui d’une armée soucieuse " à sa façon " des civils, tout en gardant la maîtrise du tempo militaire.
En refusant systématiquement le terme de "cessez-le-feu " ou de " trêve humanitaire ", Israël cherche à éviter toute reconnaissance des souffrances infligées et à empêcher l’ouverture d’un processus diplomatique sérieux qui la contraindrait à geler sa campagne militaire.
Cette communication joue un rôle clé : elle s’adresse tant à l’opinion internationale, qui attend des gestes de bonne volonté, qu’aux alliés occidentaux, souvent gênés par l’ampleur des destructions, mais cherchant à minimiser publiquement leur inaction. Les " pauses tactiques " deviennent alors un signe de modération affichée, permettant aux chancelleries de repousser les appels à une solution politique ou à une condamnation claire, et donnant à Israël le loisir de continuer ses opérations le reste du temps, " en toute liberté ".
Un simulacre qui renforce la logique de l’impunité :
Plusieurs ONG, experts et responsables des Nations unies ont maintes fois dénoncé la vacuité de ces pseudo-trêves. Non seulement elles ne répondent pas aux principes fondamentaux du droit international humanitaire, lequel impose la protection permanente et effective des non-combattants en temps de guerre, mais elles permettent de perpétuer la confusion, en entretenant l’illusion d’un certain respect des normes alors même que la violence structurelle du blocus et des frappes subsiste la majeure partie du temps.
D’un point de vue moral, ces pauses réduites à quelques heures par jour témoignent moins d’un souci humanitaire que d’une instrumentalisation cynique de la souffrance civile : la " fenêtre " accordée n’est jamais assez large pour garantir la survie, la dignité et la sécurité, et ne fait que masquer le maintien d’un régime de punition collective.
Au terme de cette analyse, il apparaît que l’expression "pauses tactiques" ne sert qu’à légitimer une continuité de la violence. La brève suspension des hostilités minimales ne remet nullement en cause la liberté d’action absolue de l’armée israélienne sur la majeure partie de chaque journée, ni le fond de sa politique militaire à Gaza.
Il ne fait aucun doute, que la protection annoncée est illusoire. A tout moment, la menace des frappes et des opérations peut resurgir, et la population civile, privée de sécurité durable, demeure exposée à la peur, à la mort et à la désolation.
En refusant ce langage trompeur et cette novlangue guerrière, nous exigeons que la réalité soit nommée sans fards, et rappelons que seule l’instauration d’un véritable cessez-le-feu, assorti d’un accès durable à l’aide et à la protection internationale, pourrait apporter un réel soulagement à la population de Gaza.
Tant que prévaut la logique des " pauses tactiques ", la guerre et l’inhumanité continuent de s’imposer sous couvert de rationalité stratégique.