DSK est avocat et professeur d'université. Ancien ministre, haut responsable international, conseiller de gouvernements étrangers. La recension des audiences du tribunal correctionnel de Lille montre depuis quatre jours que DSK affirme être le Richard Virenque de la prostitution. Il n'avait rien remarqué. Tout s'est fait à "l'insu de son plein gré". DSK ne serait qu'un libertin. Ce que fredonne Mylène Farmer. La chanson est de circonstance si le débat n'aborde pas les mobiles des mécènes ou commanditaires de l'ancien ministre.
Franchement, on s'en fout de la sexualité de DSK et de sa vie privée. L'observateur judiciaire de ce procès public trouverait beaucoup plus intéressant de savoir pourquoi le tribunal n'est pas saisi ou n'aborde pas les questions de la tentative de corruption, les abus de biens sociaux des sociétés qui paient les prostituées, les voyages et les hôtels, d'une part, et la question du recel d'abus de biens sociaux à propos de DSK, le flic, le proxénète et sa compagne, d'autre part ?
Comment se fait-il que le parquet n'ait pas poursuivi ces infractions graves qui créent un doute très sérieux dans l'opinion à propos de ses institutions et ne ne peut que conforter le discours du "tous pourris" et la montée du vote d'extrême-droite ?
Au regard des éléments du dossier soumis au tribunal, il y a une absence d'instruction sur ces faits dont la responsabilité n'incombe pas au juge d'instruction mais au procureur qui n'a pas, semble-t-il, requis d'information sur ces infractions. Pourquoi ?
La question n'est pas abordée mais elle est dans toutes les conversations et soulève de plus en plus de doutes.
Comme s'il n'y avait pas déjà assez d'électeurs du Front national, à Lille, notamment, et dans ses environs. Qui peut croire sérieusement que les questions en suspens ne feront pas débat lors des prochaines élections ?
Il apparaît ainsi que le dossier ne saurait se limiter à la question d'une "distraction" quand ceux qui paient les amusements dépendent de la commande publique et celui qu'on amuse est en situation d'en prendre la direction.
La fonction judiciaire n'est pas extérieure à la société. Elle y participe directement. Elle assure le respect de l'Etat de droit dans le cadre duquel s'affirmer la Démocratie, qui repose sur le principe de séparation stricte des pouvoirs : le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire.
Le procès du Carlton s'inscrit clairement dans cette problématique. Le pouvoir judiciaire doit s'appliquer à étudier tous les aspects du dossier, notamment ceux risquant d'entraver le processus démocratique de décision.
En l'espèce, le pouvoir judiciaire est saisi d'une affaire mettant en cause des pratiques commerciales susceptibles d'affecter gravement le fonctionnement du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif.
Le tribunal peut y remédier en réclamant un supplément d'information et en désignant un de ses assesseurs pour instruire la tentative de corruption, les abus de biens sociaux et les recel d'abus de biens sociaux, de façon indépendante.
Le procès peut-il faire l'économie de ce supplément d'information pour tentative de corruption en considération de la Convention internationale sur la prévention de la corruption dont l'Etat a l'obligation positive d'en garantir l'effectivité ?
Il paraît difficile de répondre par la négative. Les élections partielles du Doubs témoignent du niveau de défiance atteint dans l'opinion.
Si ce procès devait être assurément un piège politique, comme le prétendent les soutiens de DSK, quoiqu'on en dise, il ne menace pas DSK, dont les révélations ne paraissent pas avoir entravé son commerce en conseils. Non, c'est un piège politique que le ministère public a posé à la magistrature du siège, en l'engageant dans un débat judiciaire tronqué qui menace bien plus sûrement la crédibilité des institutions et la confiance de l'opinion.
L'absence de réponse aux questions sérieuses que soulève ce procès et qui sont étonnamment négligées, corruption et abus de biens sociaux, risquent donc de donner l'impression que la corruption au sommet de l'Etat n'intéresse pas la justice.
C'est grave en considération de l'idée qu'il puisse exister dans l'opinion l'idée d'un préjugé de classe. Il dissuadera à l'avenir la dénonciation des scandales d'Etat, comme le déplore la Cour européenne des droits de l'Homme. Les bonnes volontés s'interogeront à deux fois avant de s'enagager dans l'aventure de lancer l'alerte sur un scandale si l'affaire du Carlton se limite à une simple affaire de moeurs. Si tel devait être le cas, l'opinion risquerait de penser que les institutions ne sont pas disposées à accueillir les révélations ou sanctionner les dérives fascistoïdes, parce que la corruption est une négation de la Démocratie. L'absence de réaction judiciaire pertinente aux menaces contre l'Etat de droit, comme l'est bien plus surement la corruption que le terrorisme, ne peut que démobiliser les électeurs et favoriser la montée de l'extrême-droite.
Ce procès aura illustré, dans le mépris de la prostitution par ceux qui en ont pourtant fait la consommation, le mépris des femmes et donc le mépris pour l'humain qui peut exister chez des personnes qui convoitent ou occupent des postes à responsabilités, comme paraît le résumer un témoin du procès dans l'article de Louise Fessard. 70 ans après, en France, le mépris de l'humain dans l'esprit de ses élites, occupe encore l'actualité judiciaire. Dramatique. L'affaire du Carlton, comme Swissleakks, témoignent de la dérive matérialiste aboutissant au mépris de la dignité. Comment s'étonner de la régression sociale ?
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Procès du Carlton : la thèse d'un DSK proxénète s'éloigne Par Louise Fessard
Au troisième jour d'audition de Dominique Strauss-Kahn, le tribunal a expédié l'examen des textos et de la garçonnière de la rue d'Iéna, qui prouvaient selon les juges d'instruction la matérialité du délit de proxénétisme aggravé. Reste « un sentiment de honte globale dans cette salle », comme l'a décrit un militant abolitionniste.
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