La sortie récente du film de Martin Scorcese est l’occasion de reparler de l’adaptation en bande dessinée du roman de Dennis Lehane par Christian De Metter, parue en septembre 2008 aux éditions Casterman dans la collection Rivages / Casterman / Noir.

Lancée conjointement par Payot/Rivages et Casterman, cette collection a pour vocation de rassembler des oneshots de grands romans policiers ou thrillers publiés sous la prestigieuse jaquette des éditions Rivages Noir. A raison d’une demi-douzaine de titres par an, la collection compte déjà à son catalogue des auteurs tels Jean-Hugues Oppel (Brouillard au pont de tolbiac), Marc Villard (La Guitare de Bo Didley), Pierre Pelot (Pauvres Zhéros), Budd Schulberg (Sur les quais), Donald Wellake (Pierre qui roule), et Dennis Lehane (par deux fois, avec Coronado et Shutter Island). Au dessin, des auteurs confirmés se succèdent pour mettre en image ces bijoux de noirceur et d’atmosphère : Lax, Baru (grand prix de la ville d’Angoulême 2010), Jean-Christophe Chauzy, Jacques de Loustal… et Christian De Metter (Marilyn, Figurec, Emma...)
Shutter Island, au large de Boston, à la fin des années 50. Un ferry traverse la baie pour rejoindre cette île fantomatique sortant de la brume sous les yeux interrogatifs d’au moins deux de ses passagers. Les Marshalls Teddy Daniels et Chuck Aule.
Qu’est ce que vous savez de cet endroit ?
- Pas grand-chose, à part que c’est un hôpital psychiatrique.
Les deux policiers viennent mener une enquête sur la disparition d’une des pensionnaires de cet établissement mystérieux, gardé comme Alcatraz et à la réputation entourée de souffre. Le temps est maussade, la tempête menace. L’état d’esprit du Marshall Daniels se fond avec les éléments. Il semble porter en lui un secret qui le ronger, du moins être un moteur, une raison d’être, un but. En arrivant à Shutter Island.

Entièrement dessiné au pinceau, en aquarelle aux teintes d’un vert sombre, sépia et noir, Shutter Island marque d’emblée les sens avec cette incursion dans un monde sans lumière, où la quête de la vérité sera pour chacun des protagonistes un voyage intérieur, introspectif et déstabilisant. L’univers graphique de Christian De Metter sert magnifiquement le polar tendu, âpre et prenant de Dennis Lehane, tout en conservant l’ironie et l’humour glacé dont est emprunt le roman.
Shutter Island en BD est une adaptation fidèle, presque mécanique. En ce sens que le récit suit la course lente, grave, des événements auxquels sont confrontés Teddy et Chuck. Les éléments de l’intrigue somme toute classique (la difficile communication avec les médecins, les zones d’ombre sur leurs agissements, le questionnement induit sur les expériences menées dans cet endroit crépusculaire… et les souvenirs terrifiants du Marshall Daniels qui viennent perturber une enquête difficile) portent vers le lecteur vers une issue en forme de twist – ce procédé de retournement final que l’on retrouve chez Agatha Christie (Le meurtre de Roger Ackroyd, dès 1926) ou dans ces films des années 90 (célèbres pour en avoir usé et abusé) : Usual Suspects, Se7en, Memento, Shawshank Redemption…
Christian De Metter nous plonge au cœur de l’enquête des policiers investiguant sur Shutter Island. A la recherche des réponses, le lecteur avance avec Teddy Daniels, dans le noir, perdu sur cette île, au milieu des eaux (la mer, la pluie incessante), des eaux métaphore de l’esprit humain. Cherchant dans les méandres de l’hôpital psychiatrique une vérité qui, à l’instar de celle nichée dans le cerveau d’un de ses patients subissent mille tortures, Teddy Daniels veut aller jusqu’au bout. Jusqu’au bout de lui-même.
DB

Shutter Island, par Christian De Metter d’après le livre de Dennis Lehane, Rivages / Casterman / Noir, septembre 2008, 128 pages, 18€

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