Sur son blog (Alternatives Économiques), Michel Abhervé a publié le 24 avril un billet très juste et très intéressant : Arkea Crédit Mutuel de Bretagne : tout va bien, surtout pour les dirigeants.
Tout est vrai et pertinent. Je dirais même plus : ce qui vaut pour Arkea vaut pour l'ensemble des banques coopératives en France... c'est-à-dire pour les poids-lourds du secteur bancaire du pays.
Les banques coopératives fonctionnent au profit de leurs dirigeants (accroissement exponentiel de la rémunération des plus hauts dirigeants) et dans le constat de la faible implication du sociétariat (euphémisme). Moins de 4 % des sociétaires participent aux assemblées générales. Sauf que le mot « participer » n'est pas celui qui convient. Il faut dire « assistent aux assemblées générales ». Et probablement : « forment le décor des assemblées générales ». C'est spécialement vrai pour le Crédit Agricole Mutuel.
Michel Abhervé occupe une place particulière dans le monde prudent des cautions morales et universitaires de l’Économie Sociale et Solidaire, de la philosophie coopérative.
Chercheurs, enseignants et autres spécialistes, les intervenants des « grands messes » ont une réelle lucidité (il faudrait être idiot) quant au pillage par les dirigeants et aux mascarades permanentes mais il font simplement état de « réserves », de « pistes à étudier », validant globalement.
« Globalement positif ». C'est le prix de l'intervention. Aller plus loin, c'est perdre son job. Et tout le monde est content : « je ne suis pas un béni oui-oui. Je soulève de vraies questions ».
En face : « Vous avez tout à fait raison, ce sont de vraies questions. Nous allons les étudier attentivement, avec la volonté d'évaluer et d'évoluer (« comme nous le faisons depuis trente ans », note de la rédaction). En attendant, passons à table et célébrons nos valeurs ».
Michel Abhervé va au-delà du discret (et consensuel) coup de griffe. Il explique.
Il ne va pas jusqu'à appeler à la révolte des militants abusés, il explique.
Dans ce monde du non-dit, c'est déjà beaucoup. Merci à lui. Il fait une véritable œuvre de pédagogie et de synthèse et va jusqu'où il le peut sur l'objectif de la transparence (avec une capacité de travail et une qualité du texte et des illustrations qui continuent à m'étonner).
Il faut comprendre que si les sociétaires ne s'impliquent pas c'est qu'ils sont piégés. Mais tout va bien pour les dirigeants prêts à tout (et au pire) pour imposer l'omerta.
Soyons juste : Michel Abhervé fait un travail étonnant et remarquable mais j'avais aussi été agréablement surpris par l'article iconoclaste et improbable de Gilles Caire en Mai 2010, paru dans le numéro 316 de la Recma.
Une enquête qui n'était pas sans rapport avec mon propre travail, trente ans plus tôt.
Il faut lire et relire l'article de Gilles Caire**
« De la démocratie locale dans certaines banques coopératives ».
Cet article s'intéresse aux pratiques démocratiques des banques coopératives en prenant appui sur la description du déroulement de deux assemblées générales de caisses locales. Sans prétendre aucunement à la représentativité, l'étude de terrain permet cependant de mettre en exergue certaines difficultés à faire vivre dans les structures de très grande taille les grands principes coopératifs : la libre adhésion, l'égalité de vote, la libre participation à la gestion et l'absence de but lucratif des représentants élus. Elle permet aussi de souligner l'absence de débat sur la construction d'un projet alternatif au fonctionnement financier capitaliste.
Près de 100 caisses régionales, plus de 4500 caisses locales – et donc autant d'assemblées générales (AG) annuelles -, 20 millions de sociétaires prenant des décisions selon le principe « une personne égale une voix », 64000 administrateurs élus : ces données révèlent l'ampleur des potentialités démocratiques et d'ancrage territorial des banques coopératives (Crédit agricole, Crédit Mutuel, Caisse d'épargne, Banque populaire, Crédit coopératif).
...
* Michel Abhervé :Professeur associé à l'université de Paris Est Marne la Vallée, il y enseigne l'économie sociale et les politiques publiques dans une licence professionnelle "Management des organisations de l'économie sociale". Il a mis en place la possibilité de suivre cette formation en apprentissage. Il intervient également dans le Master rénové "Management de l'insertion dans l'économie sociale et solidaire" et contribue à l'animation du site de la Chaire d'ESS de l'Université, en tenant en particulier l'agenda.
Michel Abhervé a exercé des responsabilités politiques en étant pendant plus de 20 ans élu à Evry et au conseil régional d'Île-de-France. Il a en particulier suivi des dossiers concernant l'insertion, la formation professionnelle et assuré la présidence de l'Union nationale des missions locales. Il est par ailleurs consultant-formateur sur les questions de l'ESS, de l'insertion et du dialogue social au sein de la Coopérative d'Activités et d'emploi Coopaname, et membre du comité de rédaction de la RECMA
Pour le contacter : mabherve@neuf.fr
** Gilles Caire :Maître de conférences HDR en sciences économiques à la Faculté de Droit de l'Université de Poitiers, chercheur au Centre d’études sur le développement économique et social (Cedes, université de Poitiers) et responsable du master professionnel «Droit et développement de l’économie sociale et solidaire» qui forme des chargés de mission et des cadres appelés à travailler dans des associations, des coopératives ou des mutuelles.
Membre du CRIEF (Centre de recherche sur l'intégration économique et financière) etspécialiste en économie de la protection sociale et en économie du tourisme, je m’intéresse notamment aux inégalités socio-spatiales d’accès aux soins et de santé, aux impacts du tourisme international, aux inégalités de départ en vacances et au développement des associations de tourisme social et solidaire. D'autres travaux portent sur la gouvernance dans les banques coopératives, sur l'iconographie des billets en euros, sur les indicateurs régionaux de bien-être...
Pour le contacter : gilles.caire@univ-poitiers.fr.
Ajout du 25 avril :
Montebourg demande aux banquiers de s'expliquer sur leurs salaires (les Echos du 17/04) : le PDG du Crédit Agricole fait mieux que les autres avec une augmentation de +38 % pour son salaire de base et +137 % sur les bonus !
Le salaire du PDG du Crédit Agricole est effectivement choquant... mais le contrôle devrait venir des sociétaires, pas du gouvernement. Le salaire est surtout choquant au regard de la nature de l'entreprise !
A vrai dire... le précédent gouvernement, qui s'est autorisé à parachuter François Perol à la tête des Banques Populaires et des Caisses d’Épargne, ne croyait pas vraiment à un modèle coopératif alternatif... mais, au vu de son rapport, Marie-Noëlle Lienemann n'y croit pas plus. Quant à Benoît Hamon... sa tentative pour faire des coopératives une roue de secours du capitalisme (en dévitalisant la loi du 10 septembre 1947), alors que l'on attendait (enfin !) un code de la coopération, elle laisse pantois.
Ajout du 26 avril :
A Saintes, tout ira mieux demain
Ajout du 1er mai :
Le site de l'association AREMUT, sous le titre "Bravo à ce journaliste qui a pu entrer dans la salle. D'autres ont du rester à l'extérieur, carte de presse en main...", signale un article de Sud-Ouest "Les opposants se disent prêts à aller en justice".
Voir également "Les parts sociales des banques coopératives sont-elles un (bon) placement ?"
Ajout du 4 mai 2014 :
LaLettreA (N.1636 du 01/05/2014) a publié un article, sous le titre :
Chez Crédit agricole SA (CASA), les 39 caisses régionales ont le pouvoir (financier). Et la période des assemblées générales est propice pour le rappeler. Le processus est rodé : les caisses locales doivent tenir leur AG (...). Mais, la caisse de Saintes a bien failli faire capoter le calendrier de la banque...
Ajout du 7 mai 2014
Le syndicat FO des salariés du Crédit Agricole de l'Anjou et du Maine a repris, sur son blog, plusieurs articles d'édition mediapart :
. le 16 décembre 2013 "Crédit Agricole : des sociétaires généreux sans le savoir"
. le 3 mars 2014 : une nouvelle vidéo...
le Syndicat Sud Cam avait eu la même démarche.
Ajout du 8 mai 2014
La question du sociétariat ?
Sur ce sujet voir : Une longue histoire vraie (4) et une longue histoire vraie (3)