Lieu emblématique de Vichy, l'esplanade entre l'Etablissement thermal et le Hall des sources prend le nom de Napoléon III en juillet 1984, soit cinq mois seulement après la naissance officielle de l'antenne locale de l'association des Amis de Napoléon III. Le maire s'appelait alors Jacques Lacarin (1967-1989) : il deviendra quelque temps plus tard président honoraire de l'association. 

Pourtant issu d'une génération qui n'a pas connu la guerre et l'Occupation, Claude Malhuret s'inscrira dans la continuité de son prédécesseur sur le plan mémoriel (1989-2017). Dès 1991, un buste de Napoléon III fait son apparition dans le parc d'Allier. Sur le socle est gravé : « Bienfaiteur de Vichy ».

Au même moment, le parc d'Allier devient le « parc Napoléon III » sur les plans de la ville, et un portrait de l'empereur vient illustrer le chapitre « Histoire » des guides diffusés par l'Office de tourisme.

En 1995 apparaissent encore d'étranges panneaux (« avenue Napoléon III », « avenue de l'impératrice Eugénie », « boulevard du prince impérial ») sous certains panneaux officiels (« boulevard des Etats-Unis », « avenue Paul-Doumer », « boulevard de Russie »). L'opération a été une nouvelle fois initiée par l'Association des amis de Napoléon III. 

Les années 1980-1990 sont marquées par les procès Barbie, Touvier et Papon, ainsi que par le discours du Vel' d'Hiv' de Jacques Chirac. Au même moment, Claude Malhuret sombre dans le déni : il s'étrangle dès qu'est mentionné le « régime de Vichy » (cf. le reportage dont est tirée l'image ci-dessus) et refuse toute idée de musée. En 2001, il ira jusqu'à prétendre qu'« il n'y a pas de lourd passé à Vichy » (cité par Michel Promérat, p. 43). Le Second Empire a alors offert à l'édile un discours de substitution. 

L'antenne vichyssoise des Amis de Napoléon III a été présidée entre décembre 2004 et mai 2024 par Alain Carteret (cf. la rubrique Napoléon III de son site internet). En 2003, il avait publié une hagiographie du neveu de Bonaparte, dont je me contenterai de citer deux extraits. Page 194 : « La constitution de 1848 avait créé une impasse [...] Chacun savait qu'un coup d'Etat était inévitable. » Page 196 : « Le coup d'Etat du 2 décembre a-t-il été meurtrier ? A Paris, une dramatique fusillade sur les grands boulevards fait, hélas, 300 morts le 4 décembre après-midi. C'est à peu près tout. »

Dans son ouvrage, qui s'inscrit d'une façon caricaturale dans la vieille tradition du « roman national », Alain Carteret a (sciemment ?) omis de signaler l'imposant monument élevé à Lapalisse (à 35 km de Vichy) en mémoire des « défenseurs de la République victimes du coup d'Etat du 2 décembre 1851 ». Ces derniers furent plusieurs centaines dans le seul département de l'Allier. 

Dans les années 2000, c'est le décidément incontournable Alain Carteret qui a suggéré au directeur de l'office de tourisme l'idée d'une fête en l'honneur de Napoléon III, pour ouvrir la saison estivale (lire mon précédent portfolio). Née en 2008, la manifestation s'est désormais installée comme un rendez-vous habituel et banalisé, qui s'organise chaque année autour d'un nouveau thème. L'édition 2025 prévoit ainsi un passage par l'hippodrome.

Frédéric Aguilera (LR) s'inscrit dans la continuité de ses deux prédécesseurs. Depuis 2017, la Ville continue à promouvoir activement « Vichy fête Napoléon III », et le maire prend d'ailleurs lui-même part à la manifestation. Il ne trouve pas non plus incongru de s'exprimer dans une mairie de la République sous le regard d'un empereur – même petit... – qui a assassiné une République.

« Comment Napoléon III a façonné Vichy », titre La Semaine de l'Allier dans son édition du 5 juin 2025. Tous les chemins mènent désormais à « l'empereur bâtisseur » dans la cité thermale. Ces dernières années, la digue sur l'Allier est ainsi devenue dans le langage courant « la digue Napoléon III ». Quel maçon devait-il être pour mériter pareils hommages !

L'interminable mandat de Jacques Lacarin a vu la réalisation d'opérations immobilières à la qualité architecturale discutable. Parmi elles, la résidence Louis Napoléon, située à proximité immédiate de l'Etablissement thermal et de l'esplanade Napoléon III. Ce naming impérial me paraît avoir été pionnier, d'autant que je n'ai pas connaissance d'autre lieu d'habitation faisant explicitement référence à Napoléon III. 

La résidence a connu récemment une rénovation : la copropriété n'a alors pas hésité à afficher fièrement son nom, en ornant même les nouveaux écriteaux d'un portrait de Napoléon III. J'y ai vu une autre illustration de la progression de l'imaginaire impérial à Vichy, qu'ont activement soutenue trois hommes de droite depuis trente ans : MM. Lacarin, Malhuret et Aguilera.