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Billet de blog 16 juillet 2023

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Migrants : le butin de la mer, l’amère vérité que l’on ne veut plus voir

Tandis que notre roitelet montre avec fierté au dictateur maudit de l’Inde comment l’Europe ouvre au pas de l’oie un large boulevard à la marche du fascisme, le ventre de l’Atlantique se dispute toujours avec la grande bleue le butin de notre indifférence.

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Illustration 1
Pêcheurs à Saint-Louis © A.H.G. Randon

La semaine dernière, ce sont 78 candidats à l’esclavage moderne qui ont été repêchés au large des Canaries. Trois autres pirogues parties du Sénégal ont disparu corps et biens, avec leurs quelque 300 « passagers clandestins ». Cette semaine, une pirogue partie de Casamance et contrainte de se rabattre plus au nord sur la côte en raison d’une avarie a chaviré à Saint-Louis et fait 19 victimes (bilan toujours provisoire). Le président sénégalais, face à ces cadavres que la mer n’a pas pu camoufler à temps, promet plus de moyens pour punir les passeurs tout en allant jusqu’à nier l’existence des trois pirogues disparues, malgré les témoignages de proches des victimes et même du maire de Kafountine (en Casamance), qui confirme le départ d’au moins 200 personnes le 27 juin. Mais pour Macky Sall, « pas vu, pas pris », (voir aussi ce billet).

Des deux côtés de la catastrophe, la principale préoccupation des autorités est de faire valider leur politique répressive et vanter leurs succès par des statistiques aussi douteuses que tronquées. Ce mois-ci, par exemple, le ministère espagnol de l’Intérieur annonce fièrement une baisse des entrées clandestines aux Canaries de presque 20 %, mais personne ne parle de l’évolution du nombre des noyés. L’an dernier, le premier ministre Pedro Sánchez était également fier de montrer les résultats positifs de l’accord passé avec Rabat sur la surveillance accrue du détroit de Gibraltar et du mur de barbelés de Melilla (une des deux enclaves espagnoles au Maroc, l’autre étant Ceuta), mais sans parler non plus des victimes, disparues en mer ou tuées en escaladant les barbelés (comme ces 23 victimes en juin 2022).

Le jour où l’occident, et en particulier la France, aura enfin compris que sa survie passe aussi par la survie de l’autre, se décidera à rembourser sous forme d’aide réelle au développement la dette gigantesque contractée avec les pays du « tiers monde » en pillant sans état d’âme toutes leurs ressources naturelles et humaines et cessera de corrompre les dictateurs serviles installés par ses soins à la tête de ses colonies affamées, les journaux pourront peut-être enfin parler des poissons que les pirogues débarquent dans les ports d’Afrique au lieu des passagers qu’elles envoient au quotidien nourrir les fonds marins.

Amitiés fraternelles.

En guise de rappel : Harmattan | Le Club (mediapart.fr)

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