NI LE PEN, NI MACRON, ABSTENTION
Alejandro Teitelbaum
Que Marine Le Pen dispose d'un électorat relativement important et qu'une grande partie de celui-ci soit de composition ouvrière et populaire, sont deux faits que l'on ne peut ignorer. Encore moins un mouvement comme la FI avec un programme de transformation sociale profonde dont la réalisation doit avoir les classes opprimées et exploitées comme principaux protagonistes. C'était une erreur d'exclure de la consultation des adhérents de LFI l'option de voter pour Le Pen le 24 avril, comme si cette alternative n'existait pas. Même si, avec raison, on ne l'aime pas, elle est une partie importante de la réalité que l'on essaye de transformer.
La majorité des personnes consultées (deux tiers) se sont prononcées en faveur de l'abstention, du vote nul ou blanc. Un mouvement comme LFI, qui vise une transformation radicale de la société, doit fonctionner comme une préfiguration de cette société future de démocratie participative, c'est-à-dire dans un échange dialectique constant entre le collectif dirigeant et tous ses adhérents, indispensable pour enrichir et perfectionner son action dans la pratique par une analyse rigoureuse des faits politiques, économiques et sociaux dans toute leur complexité.
Maintenant, LFI a donné son verdict pour le 24 avril et le collectif dirigeant doit le mettre en œuvre sans ambiguïté, en encourageant le vote blanc, nul ou l'abstention.
Les arguments abondent, fondés sur différentes raisons.
Le premier tour des élections présidentielles a vu la quasi-disparition des deux partis de gouvernement, le socialiste (depuis longtemps de socialiste n’a que le nom) et le républicain de centre-droit.
C'est la conséquence logique du fait que le temps est révolu où le système capitaliste pouvait faire parfois quelques concessions à ceux qui vivent de leur travail et où le PS et le centre droit pouvaient se présenter comme des arbitres entre exploiteurs et exploités.
L'approfondissement des contradictions insurmontables du système capitaliste fait qu'aujourd'hui il n'a plus rien à offrir aux classes populaires si ce n'est du sang, de la sueur et des larmes, et par conséquent son expression au niveau des institutions politiques est inévitablement anti-démocratique, autoritaire et liberticide.
Le Pen et Macron sont restés comme options pour jouer ce rôle funeste à la tête de l'Exécutif.
Mais, les milliardaires ont déjà élu Macron qui, venant des entrailles du capital financier, a amplement démontré son efficacité en la matière, sa loyauté absolue au grand capital et son absence de scrupules pour mentir et faire de fausses promesses aux citoyens, qu'il méprise et prend pour des imbéciles.
Marine Le Pen, raciste, fascistoïde et profondément antisociale et pro-capitaliste qu'elle est, n'a pas – au goût des milliardaires-l' expérience et le cursus exemplaire que possède Macron.
Comme suite a été lancée la campagne contre Le Pen et pour un vote en faveur de Macron, à laquelle participe la quasi-totalité de la classe politique, les médias et les bien-pensants qui se disent préoccupés par l'avenir des institutions républicaines, de la démocratie et des libertés publiques. Malgré qu’il devienne de plus en plus évident que le mythe de la démocratie "représentative", ou la démocratie "délégative" comme certains l'appellent, est dans un état de total délabrement.
Les déficits démocratiques et républicains s'aggravent depuis des décennies et Macron, dans son quinquennat, a peaufiné la faillite de la République et de la démocratie.
Même l’Assemblée Nationale ne mérite pas le qualificatif de « représentation populaire ».
LREM. avec le vote en 2017 du 16,55% du total des inscrits et 43,06% du total des votants ont la majorité absolue à l’AN pour voter à yeux fermés des projets de loi concoctés par McKinsey.
Et, en ce qui concerne la composition sociale de l’AN, dans la première Assemblée nationale d'après-guerre, les ouvriers et les employés représentaient 18,8% des députés, le taux le plus élevé depuis la création de l'Assemblée nationale en 1871. Déjà en 1958, ce taux était tombé à 4%, en 1967, il est passé à 9% et en 2012, il était de 2%. Alors que dans la société française, les ouvriers et les employés représentent près de 50% de la population active.
Dans l’Assemblée nationale actuel on compte un député d'origine ouvrier et 21 anciens employés sur 577 députés. Le nombre de cadres dirigeants est passé par rapport à l’antérieur AN de 134 à 180, parmi lesquels les cadres issus du secteur privé sont désormais majoritaires (39% auparavant et 59% aujourd'hui) (industriels, chefs d'entreprises, professions libérales, cadres supérieurs, etc, ) qui représentent entre 13% et 14% de la population.
Le taux de représentation des couches socio-économiques dans l’AN est inversé par rapport à la réalité sociale.
En d'autres termes, les couches sociales les plus riches et les moins nombreuses sont surreprésentées et les plus nombreuses sont sous-représentées.
Si Le Pen arrivait à gouverner, elle n'aurait plus grand-chose à ajouter dans ces domaines.
Si l'on tient compte du véritable résultat des élections : enregistrés 100%, abstention 26% , Macron 20%, Le Pen 14,7%, Mélenchon, 14,20%, le 24 avril les électeurs devront choisir entre deux candidats d'extrême droite qui représentent un tiers des électeurs. L'un, Macron, qui en cinq ans a réussi à détruire les institutions républicaines, à abolir la démocratie et à achever d'éliminer les acquis sociaux obtenus après la Seconde Guerre mondiale, réprimant violemment les protestations. L'autre, Le Pen, qui ne cache pas son idéologie raciste et antidémocratique et qui, avec sa démagogie populiste, parvient à voiler aux yeux de plusieurs citoyens et citoyennes son programme clairement en faveur du grand capital.
Les masques sont tombés et ceux qui se disent républicains et démocrates et même socialistes, écologistes et communistes appellent à voter Macron, ennemi manifeste de ceux qui vivent de leur travail et serviteur inconditionnel des milliardaires qui s'enrichissent de façon exponentielle en les exploitant.
Corresponds s'abstenir et de se prononcer sans ambiguïté pour l'abstention afin de ne pas contribuer à légitimer un état de choses totalement inacceptable.
Et commencer à travailler — en vue des prochaines élections législatives- à la formation d'un bloc pour la restauration de la démocratie, de la république, et des libertés et pour la transformation radicale de la société. Où ce qui reste du PS n'a effectivement pas sa place
Si LFI reste dans l’ambigüité sera ardu qu’il aide à organiser les luttes populaires en essayant en même temps d’expliquer qu’il n’a pas donné la consigne de voter Macron.---------------------------------------------
Voir :
Alexandre ANIZY- Il ne faut pas voter Macron - https://blogs.mediapart.fr/alexandre-anizy/blog/120422/il-ne-faut-pas-voter-macron