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Billet de blog 24 novembre 2023

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HB+50a

L'homme blanc de plus de 50 ans. Qui est-il ? Quels sont ses réseaux ? Une enquête de Pinard de la Bernardière en exclu sur le blog Mediapart.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Tout d'abord, pour celleux qui seraient tenté.e.s de poster un commentaire concernant quelques erreurs d'orthographes, j'ai répondu déjà ici :

> Bonnet d'âne


Aujourd'hui, je vais vous parler du fameux concept de l'homme blanc de plus de 50 ans. L'autre jour je me suis prise sur X (ex-Twitter) une mini-shitstorm pour avoir osé utiliser ce terme et je trouve intéressant de plonger dans le concept afin de savoir qui est ce fameux homme dont on parle. Il y a toujours un tas d'hommes qui viennent pleurer en disant que c'est misandre, faire ouin-ouin sur les RS avec les hashtags #notallmen et autres syndromes les mettant au rang de victimes intergalactiques. En tout cas, nulle remise en question et nulle interrogation. Je vous invite donc à partir à la découverte de cet homme blanc de plus de 50 ans que je vais raccourcir ici en HB+50a. Qui est-il et pourquoi ça ne concerne bien entendu pas tous les hommes ?

Illustration 1

Quand on parle du HB+50a à qui fait-on référence ? Généralement on y inclut une tranche d'âge qui va de 50 à 60 ans mais dans les faits, il peut être plus jeune ou plus vieux. La particularité de l'HB+50a c'est qu'il a vu le jour dans les années 70 (ou fin des années 60) et qu'il a grandi dans les années 80. C'est donc le fils de ce qu'on appelle les boomers, les enfants de l'après-guerre. Pour mieux cerner ce profil, nous allons faire un petit tour en arrière et décoder toute une époque. Commençons par le début, c'est-à-dire le moment de la naissance de l'HB+50a. C'est, comme dit plus haut, le fils de baby-boomers qui vivaient leur meilleure vie ou presque. Dans les faits, peu de ces boomers ont profité de la libération sexuelle de 1968 et beaucoup ont calqué leur vie sur le modèle de l'époque : monsieur au travail et madame au foyer ou monsieur au travail et madame dans un job subalterne. Le boom était celui de la natalité pas celui de la mentalité. C'était aussi l'époque des Trente Glorieuses. La consommation battait son plein et on confondait achat et progrès social. Les jupes se sont faites mini mais pas pour toutes les femmes. La série symbolique, datant de 1966, c'est Les Saintes Chéries. Nicole de Buron y dépeint parfaitement les travers de la société avec finesse et humour. Micheline Presle incarne à la perfection son rôle d'épouse modèle de l'époque quant à Daniel Gélin, il est totalement odieux dans son rôle de mari. Je vous invite à regarder le premier épisode de cette perle télévisuelle qui résume à elle seul une époque entière.

Les Saintes Chéries, le 1er épisode de la série culte ! Gélin et Presle à retrouver sur madelen-INA © INA madelen /

Comme on a pu le voir, le modèle traditionnel malgré tous ces changements de société battait son plein. Au-delà de l'humour des Saintes Chéries, réalité de la majorité des femmes, la société et la législation bougent. Un peu. Dans les écrits. En effet, les mamans de l'HB+50a ont enfin pu ouvrir un compte indépendamment de leur mari en 1965. Les grands-mères de l'HB+50a quant à elles sont devenues légalement "majeure" en 1938 car avant elles étaient des éternelles mineures sous la tutelle du mari. Vous retrouverez dans ce lien un petit récapitulatif extrêmement utile :

« La femme mariée avait le statut de mineure au même titre que les enfants » 

On constate donc que la femme émancipée du mari, c'est quand même très récent et ça n'a pas encore un siècle. C'est donc avec une grand-mère née pour être sous tutelle et une mère fraichement libre de son argent que grandit l'HB+50a. On pourrait se dire que c'est un bon contexte car il a été sensibilisé tôt au sexisme et à la discrimination faite aux femmes. Pour certains oui, mais ceux-là, ils ne sont pas dans la catégorie HB+50a. L'HB+50a, le vrai et l'inimitable, a plutôt grandi dans un contexte où l'homme a mal vécu la perte de son pouvoir, pouvoir mal acquis depuis des siècles. Je reviens sur Les Saintes Chéries dont j'espère vraiment que vous allez regarder l'épisode premier. La scène du petit déjeuner est très symbolique. L'homme est loin de vouloir perdre ses privilèges et n'en semble même pas conscient. C'est de l'ordre du normal. On y constate la répercussion sur la femme qui à son tour reproduit le schéma sur la femme de ménage. On retrouve en ces terme, le speech de M. Grosrichard démarrant l'émission Tribune JT du 03 février 1966 ; intitulée « La femme est-elle vraiment l'égale de l'homme ? » :

« Chers téléspectateurs, l'homme qui vous parle tant qu'il en a encore le droit, était jusqu'à lundi soir un seigneur, un féodal, un potentat bref un homme marié comme un certain nombre de millions dans ce cas. Depuis mardi matin notre règne est fini. Une nouvelle loi est entrée en application. C'est la loi qui réforme les régimes matrimoniaux, qui donne aux femmes un certain nombre de droits nouveaux. Cette loi a été votée l'été dernier. Elle a été publiée, je crois bien, au journal officiel le 14 juillet dernier, date symbolique ; et il s'agit de savoir si grâce à l'application de cette loi si la femme est désormais l'égale de l'homme. Pour étudier ce problème et pour voir s'il suffit d'avoir voté et publié cette loi pour que la femme devienne l'égale de l'homme, nous avons réuni ici ce soir quatre dames ; déjà elles ne sont pas l'égale de l'homme car elles sont quatre et moi je suis seul, quatre dames qui sont : Mademoiselle Marie-Madeleine Dienesch, députée des côtes du Nord, Madame Odette Launay, députée de Paris, Christaine Collange, rédactrice en chef de l'express et Mme Paillet (ndla : qui semble au bord du gouffre à l'image) qui est professeur de psychologie à l'École Normale supérieure d'éducation physique de Chatenay Malabry. » 

Je vous laisse écouter le débat animé par M. Grosrichard et vous faire une idée propre du contexte dans lequel l'HB+50a voit le jour.

Illustration 3

« La femme est-elle vraiment l'égale de l'homme ? » - INA

C'est à la même époque que le concept de ménagère de - de 50 ans se met en place. Aujourd'hui la fameuse ménagère a été rebaptisée pudiquement en personne responsable des achats de - de 50 ans (FRDA-50). C'est un concept publicitaire qui s'adresse à une certaine catégorie de la population, catégorie décrite de la manière suivante : « Pour le publicitaire elle sera perçue comme une femme austère, ni très aimable ni très subtile qu'il faut néanmoins savoir séduire parce que c'est elle qui dicte sa loi. ». C'est ici qu'on se rend compte que la formulation de l'homme blanc de + de 50 ans n'est qu'une référence à la ménagère de - de 50 ans. Il est donc plus facile de coller toutes les femmes dans une catégorie de misère pendant des décennies sans que cela n'affecte personne alors même que si tu mets un seul et unique homme dans une catégorie, tu vas avoir tous les malheurs du monde qui s'abattent sur ta tête. Tu es misandre de facto.

Malgré les lois qui font évoluer la société, on constate qu'en pratique c'est loin d'être vraiment le cas. Comme dit plus haut, les Trente glorieuses, c'est la surconsommation et on évoque le progrès pour faire croire que la femme s'émancipe grâce à la technologie. Quoi de mieux que d'avoir un balai aspirateur plutôt qu'un balai ? Je vous mets ici un lien qui vante les mérites de ladite technologie pseudo émancipatrice. Vous verrez vite que nous n'avons pas vraiment la même définition du terme émancipation. Madame peut ainsi être plus coquette pour atteindre monsieur le soir. Régalez-vous de ces pépites :

Illustration 4

« Qui fait la Vaisselle ? » - JT 20h, 1969 - INA

Mais les femmes ne se laissent pas faire. Bon gré, mal gré, les féministes sont toujours là et ne lâchent rien. Et fort heureusement. Une des dimensions les plus importantes du féminisme, c'est la politisation de la sphère privée. C'est le fameux slogan « le privé c'est politique ».

On retrouve cette idée dans cette vidéo d'une manifestation du MLF (Mouvement de Libérations des Femmes en 1971) :

« Manifestation de femmes à Paris » - JT 20h, 1971 - INA

Si vous voulez en lire plus : Féminismes : “Le MLF a été une rupture politique radicale” - Les Inrocks

Je fais une petite parenthèse pour dire que je ne rentre pas ici dans des débats sur les courants féministes et leur idéologie. Ce qui m'intéresse tout particulièrement c'est leur importance dans la société et leur impact, en l'occurrence les années 70. 

Tout ce mouvement MLF devait faire jaser pendant les repas d'enfant du l'HB+50a. On s'imagine bien le dialogue dans la cuisine. L'enfant face à sa soupe, la mère debout s'activant au fourneau ou à la vaisselle et le père avec son canon de pinard devant lui en train de dire :

« Tu as vu au JT ? Ces hystériques à Paris, elles veulent abolir le mariage. Toutes des folles. L'université ça nuit aux neurones des femmes. De toute façon, votre rôle ce sont les enfants et les tâches ménagères. »

Le petit HB+50a grandit dans la grande majorité dans ce contexte pas très favorable aux femmes. Et puis, pour s'échapper de ce quotidien morose, il regarde la télé. En 1970, 70,4 % des ménages français sont équipés en télévision. En 1975, on voit cette émission à la télévision où Anne Sinclair interviewe trois hommes :

  • Illustration 5
    Anne Sinclair et Pierre Bellemare
    Pierre Bellemare : « Lorsque l'on voit les entrées de cinéma, c'est la vedette masculine qui fait les entrées d'avantage que la vedette féminine. [...] La carrière masculine est plus longue. [...] Il y a quelques animatrices de télévision mais ça ne me semble pas être un métier féminin. »
  • Illustration 6
    Jacques Martin
    Jacques Martin : « Je pense que notre métier est un métier d'homme. On prend tellement de risques pour faire nos sujets que j'aurais peur qu'il arrive un accident à une femme. »
  • Illustration 7
    Marcel Jullian : « Je veux pas être méchant mais une femme, c'est quand même plus agréable à regarder qu'à écouter. »

L'image de la femme est donc restée le même cliché. Elle doit être agréable à regarder, on ne lui demande pas grand-chose de plus. Il y a la notion de métier d'homme donc chaque genre a sa place dans la société et il n'est pas vraiment question de la changer. L'homme rapporte le fric, c'est lui qui fait vendre donc les honneurs sont forcément les siens. La femme est un perpétuel second rôle. Voilà l'image de la femme que reçoit le jeune HB+50a. Que doit-il en conclure vu que la société au grand complet ou presque semble d'accord avec cela ? Et puis c'est bien commode pour lui car il a la meilleure place dans l'histoire. Pourquoi remettrait-il cela en question ? Il est rare que quelqu'un qui a un privilège l'abandonne de lui-même et encore moins de bonne grâce, d'où toute la difficulté de déboulonner cela. Pourtant il le faut. Et on le fait.

Donc le petit HB+50a ne baigne pas vraiment dans un climat très égalitaire. Il est éduqué dans ce climat misogyne où on lui explique gentiment qu'il faut laisser un peu de liberté aux femmes mais que quand même l'homme reste l'homme. Il admet pour prouver de son évolution qu'il peut de tant en tant acheter la baguette de pain en rentrant ou de faire la vaisselle. D'ailleurs, une fois vieux, notre HB+50a aime le répéter devant les caméras, oui il a déjà fait la vaisselle une fois dans sa vie ou passer l'aspirateur, donc il est féministe. CQFD. Voilà la preuve avec Thierry Ardisson (qui joue plutôt dans la catégorie Boomer) :

« Oui, mais je suis féministe comme le sont les gens bien élevés. Très jeune, je débarrassais la table, je passais l’éponge, affirme-t-il. Quand je me suis mariée, avant d’avoir de l’argent pour engager des femmes de ménage, je passais l’aspirateur le samedi matin. »

Illustration 8

« Je passais l’aspirateur avant d’avoir des femmes de ménage » : le féminisme de Thierry Ardisson agace

Thierry Ardisson c'est un peu le papa et le grand frère de tous les HB+50a. Un exemple suivi qui s'est longtemps voulu cool. Cool pour qui ? Ça c'est une autre question. En tout cas sa vision du féminisme est une question de bonne éducation comme tenir la portière. Ni plus ni moins. Ce genre de boomer a certainement dit à son ou ses fils : « débarrasse la table pour aider ta mère. » La femme a besoin d'aide selon eux mais pas de vraie liberté ni d'égalité. Surtout pas. On débarrasse pour aider la mère. On passe l'aspirateur pour aider la femme.
En tout cas entre couilles, il faut se soutenir. Alors, on va regarder parmi les modèles qui ont forgé le mental de notre jeune HB+50a. On va regarder plus précisément dans les potes de Titi Ardisson, notre boomer en chef. Devinez de qui je parle ! De Stéphane Collaro bien entendu qu'on retrouve ici dans une émission d'Ardisson. « Tonton mayonnaise » avec sa jeune compagne s'expose gentiment sous la caméra complaisante ici :

Tonton mayonnaise c'est une chanson bien ringarde sortie en 1978 dont Collaro est l'interprète. On s'imagine bien le jeune HB+50a recevoir par son tonton en cadeau de Noël le vinyle en question et ensuite de chanter gaillardement ces paroles :

« Qui c’est le plus balèze ?
C’est Tonton Mayonnaise
Qui c’est le plus costaud ?
C’est Tonton Collaro
Quand il y a un malaise
C’est Tonton Mayonnaise
Qui défend aussitôt
Tous les affreux jojos »

Un an après, en 1979, Collaro balance la mayonnaise avec le Collaro Show diffusé sur Antenne 2. Devinez qui est l'un des fondateurs d'Antenne 2 en 1975 ? Marcel Jullian, celui-là même qui disait à Anne Sinclair : « Je veux pas être méchant mais une femme, c'est quand même plus agréable à regarder qu'à écouter. »  Le ton de la chaine était donné.

Dans le Collaro Show on retrouve sous couvert d'humour des sketches comme « une minute pour les femmes » dont je vous laisse apprécier le contenu ici :

Illustration 10

« Une minute pour les femmes » - Collaro Show - INA

L'humour a toujours eu bon dos en France. Sous couvert de liberté d'expression, on entend encore résonner le rire gras dans les chaumières. Mais le pire reste à venir durant les années 80. En 1984, Tonton balance la mayo pour de bon avec son émission Cocoricocoboy diffusée cette fois-ci sur TF1. Rien que le nom de l'émission en dit beaucoup, le symbole du coq français (chantant les pieds dans le fumier en l'occurrence) et le « boy », c'est-à-dire le mec. De facto, on sent qu'il ne fait pas bon être une femme dans cette émission. Notre HB+50a est maintenant adolescent. Il est assis devant la télé pendant que sa mère rabiboche ses fringues et que le père est toujours avec le canon de pinard. Et là, il sent ses premières érections venir en voyant à l'heure de grande écoute la fameuse playmate faisant son strip-tease pendant que le paternel envoie des propos grivois sur les Coco-girls. La mère continue quant à elle de rester le nez dans son rapiéçage. Cela devient difficile de retrouver des extraits de cette horreur mais en voici un posté sur TikTok où l'on voit que malheureusement personne (ici Coluche) n'avait rien à redire face à ce programme diffusé à l'heure de grande écoute : 

Illustration 11


Séquence Coco-girls

Donc même Coluche trouvait ça cool alors pourquoi le jeune HB+50a aurait trouvé ça mal ? D'ailleurs tout était traité avec humour et « légèreté » dans les années 80. Ils n'étaient point question d'harcèlement sexuel. On parlait alors de « promotion canapé ». Il était convenu que pour réussir, il fallait coucher. La preuve en est avec cette « comédie » nommée justement Promotion canapé. Voici le résumé qui en est fait sur Allociné :

« Catherine et Françoise arrivent à Paris pour travailler dans l'administration des Postes. Au fur et à mesure de leur formation, elles découvrent que leur patrons utilisent le harcèlement sexuel pour accorder des faveurs et des postes plus intéressants à leurs salariées. Loin de s'en formaliser, Catherine et Françoise décident de se plier au jeu et ainsi profiter de tous les avantages. »

Ce film est censé dénoncer le sujet dont il parle mais finalement c'est un gros navet plein d'humour gras qui laisse un goût amer comme beaucoup de comédies qui aujourd'hui sont horrifiantes telles Gazon Maudit ou La Cage aux Folles. Je vous invite à voir ou revoir ses vieux films pour vous rendre compte à quel point on s'est battu pour que cette société évolue dans le bon sens. 

Cet humour de façade a également servi à renforcer le racisme. Ce n'est donc pas pour rien qu'on retrouve cette composante dans le profil de l'HB+50a. Nous pouvons citer parmi les grands sketches ceux de Michel Lebb dont voici un extrait de l'Africain :

Quelques années après, dans la continuité, on peut signaler Lagaf et sa « Zoubida » :

Donc le petit HB+50a est éduqué avec la playmate du samedi soir et les sketches de Michel Lebb à la télé.

C'est aussi dans les années 80 que le jeune HB+50a vit sa meilleure vie d'adolescent. En 1986, il se trémousse en boum sur une Samantha Fox qui lui susurre à l'oreille Touch me !. Un an après, c'est au tour de Sabrina de chanter Boys et de montrer fièrement ses attributs à notre adolescent dont les draps s'en souviennent encore. Là bizarrement, il ne se plaint pas encore de la libération de la femme. Il essaie mais sans succès de jouer au docteur avec sa copine de collège ou de lycée Mathilde qui ne semble pas aussi chaude qu'à la télé. Les premières frustrations naissent en lui. La vraie femme de la vraie vie ne ressemble pas à Sabrina. Pas grave, pour se détendre, il se fout de nouveau de la télé et regarde les animes venus du Japon. Là aussi nous trouvons des grands modèles de la masculinité toxique, pour ne citer que lui : Cobra dont je vous laisse admirer le générique.

COBRA - GENERIQUE DESSIN ANIMÉE 80 © X-OR

Mais Cobra n'était pas seul. Il y avait Capitaine Flam qui avait sa « douce amie », Joanne. Pour les petites filles, c'était Candy. Les garçons d'un côté et les filles de l'autre. Chacun avec ses modèles. C'est clair que les animes de l'époque ne risquaient pas vraiment de chambouler l'ordre établi. Au contraire, cela renforçait gravement la différenciation des genres. Comme les jouets. Si je vous dis que je n'ai jamais joué à la dinette et que je préférais de loin Lady Oscar aux autres animes, ça ne devrait pas trop vous étonner je présume. 

Mais comme tout adolescent notre HB+50a s'intéresse aussi au monde et à la politique.

Illustration 15
La Cicciolina

C'est donc tout naturellement qu'il est passionné par la politique italienne et sa digne représentante la Cicciolina. Là aussi on à l'exemple d'un modèle féminin surmédiatisé pour des mauvaises raisons. Je ne sais pas vraiment ce qu'on a retenu de son propos, car elle avait un propos malgré tout, mais ce qui est certain c'est que ce n'est pas ce dernier qui a marqué l'histoire politique de l'Italie. Devinez qui l'interview, le père spirituel de Hanouna, c'est à dire Thierry Ardisson. C'est simple on le retrouve dans tous les coups foireux de l'époque :

La Cicciolina interrogée par Thierry Ardisson - Bains de Minuit - 1987 - INA

Notons qu'il demande quand même à la Cicciolina si elle aurait couché avec Hitler et Mussolini. Ça c'est du journalisme de haute volée. L'époque actuelle avec Hanouna n'est la conséquence que d'un passé pourri. Il faut impérativement déconstruire tout cela pour essayer d'assainir les bases de notre société. 

Donc on résume un peu l'histoire, notre HB+50a matait un strip-tease en famille à 19h30 le samedi soir, puis il voyait un clip avec une femme qui montrait ses seins comme argument musical, il matait un dessin animé avec un gros relou bodybuildé fumant le cigare et entouré de filles à poils et quand il suivait la politique, il voyait la Cicciolina, il rigolait sur le sketch de l'Africain et il fredonnait en 1991 la Zoubida. Vous comprenez mieux pourquoi l'HB+50a est nostalgique du monde d'avant, un monde fait de femmes aux gros nénés, de blagues racistes, un monde de suprémacistes mascus blancs. Les années 80, c'est le paradis Perdu de l'HB+50a. 

Tant bien que mal, notre HB+50a rentre pour un temps dans le rang. Il se marie, ferme sa gueule, se mate de temps en temps en lousdé un porno sur Canal et puis arrive le drame, le divorce vers la quarantaine. Il ne comprend pas une once de ce qu'on lui reproche car il a fait la vaisselle et il a passé l'aspirateur comme tout bon mari qui se respecte. Il se retrouve donc sur le marché du célibat et là c'est le drame. Notre HB+50a coincé dans le passé se rend compte que les femmes ne sont plus les mêmes et qu'il n'arrive à rien pécho car maintenant il faut demander le consentement. Foutues féministes qui ont détruits ses rêves. Heureusement, l'HB+50a a des porte-paroles prestigieux. Si les femmes ne veulent pas d'eux, c'est pas grave, ils vont se battre pour leur liberté, celle d'aller aux putes. En 2013, nous voilà donc avec le Manifeste des 343 salauds (en référence au manifeste des 343 salopes) qui revendiquent leur droit de pouvoir se payer un corps de femmes. Dans les signataires on retrouve les idoles de l'HB+50a :  Frédéric Beigbeder, Daniel Leconte, Éric Zemmour, Yvan Rioufol, Nicolas Bedos, Richard Malka, Basile de Koch, le mari de Frigide Barjot. Ces glorieux personnages ont tous en commun un slogan qui les unit : "Tous ensemble, nous proclamons : touche pas à ma pute !" 

Illustration 16

Notons que ces sombres crétins d'individus ont emprunté le nom de leur manifeste à celui des femmes, le manifeste des 343 de 1971 appelant à la légalisation de l'avortement. Ils se sont approprié un manifeste féministe pour revendiquer le droit de se les vider en toute légalité. Le cynisme absolu. 
Dans les autres signataires pour l'accès « aux putes » on retrouve aussi Zemmour. Lui, il se situe entre le boomer et le HB+50a. Il y a un peu des deux en lui. Il coche toutes les cases du modèle typique : Sexiste, raciste, réac. De toute façon ça va de pair. Quelqu'un de sexiste est en général aussi raciste c'est aussi la raison pour laquelle on parle d'homme blanc.
Quant à Nicolas Bedos, c'est également le cas aussi. Et oui. Ils sont nombreux. Et ce n'est pas pour rien que commence à éclater un tas de scandales sexuels avec ces fameux HB+50a qui se sont construits en se croyant tout permis. Nicolas Bedos, Morandini, PPDA, Cauet. Ça tombe de partout.

Le portrait typique de l'HB+50a se dessine. Un être cynique, misogyne, passéiste, qui a grandi dans un univers lui faisant croire qu'il a tous les droits, un vieil adolescent rance et gâté qui se double d'un raciste, homophobe, transphobe, réactionnaire et conservateur. Mais ça ne leur plait pas qu'on les traite de HB+50a qui finalement est une façon délicate de ne pas dire gros con fasciste.

Illustration 17

Alors, ça fait ouin-ouin dans la presse. On retrouve notre cher Beigbeder en mars 2023 en train de chouiner dans le figaro en considérant que c'est quatre fois raciste que de dire à quelqu'un que c'est un homme blanc hétéro de plus de cinquante ans. Il a surtout écrit un livre pour se victimiser, Confessions d'un hétérosexuel légèrement dépassé qu'il vend à ses frères de malheur. Voilà l'introduction de cette grande œuvre :

« Longtemps j’ai cru que la vie était une fête ; passé la cinquantaine, la vie est un interminable lendemain de cuite. J’ai toujours voulu être transgressif sans savoir que j’étais conformiste. Aujourd’hui, je me sens mieux dans un monastère augustinien qu’au bordel, et les militaires m’amusent plus que les fashionistas.
Mais se confesser dans un livre ne garantit aucune absolution ; passez votre chemin si vous cherchez dans ce livre autre chose qu’un homme qui tente de se comprendre. » 

Donc il a cru que la vie c'est une fête comme pendant son adolescence. Boys, boys, boys. Il est « victime » et il se plait à le dire et le redire, ici au micro de France Inter :

Frédéric Beigbeder : "Moi aussi, je suis une victime" - France Inter

Illustration 18

Le pauvre chou, il arriverait presque à nous faire verser une larme parce que c'est pas de sa faute, hein ! Caliméro une autre référence de l'enfance de l'HB+50a. La vie c'est trop injuste. En tout cas, nous on attend qu'il aille pour de bon dans le monastère augustinien mais à priori c'est juste pour l'effet de style. Dommage.

Mais l’HB+50a n'est pas un modèle typiquement français. C'est un modèle développé à l'échelle mondiale. Le monde a baigné dans son ensemble dans une culture nauséeuse des années 80. La Cicciolina c'est italien, on trouve l'équivalent du Collaro en UK avec Benny Hill et ainsi de suite. Tous ces éléments ont en commun une hypersexualisation de la femme qui la relègue au rang d'objet. Cela n'a pas empêché l'UK d'avoir Margaret Tatcher mais comme ses consœurs, Edith Cresson et aujourd'hui Elisabeth Borne, elle adopte des codes purement issus du patriarcat pour se faire respecter.

Illustration 19
Cécile Duflot

Rappelons-nous la robe de Cécile Duflot dès qu'une femme ose s'habiller en femme. D'ailleurs, les députées LFI ont des critiques en permanence sur leurs habits et leurs goûts vestimentaires ce qui n'est pas le cas des hommes. Tout est fait et cela depuis bien longtemps pour décrédibiliser tout propos féminin. 

Le modèle HB+50a est celui qui aujourd'hui prend le pouvoir. Il est dans ce que l'on appelle le bon âge. C'est le cas de Javier Milei en Argentine. Au-delà du fait que c'est un véritable danger pour l'économie son but est de détruire la Culture, le droit des femmes et le droit des personnes LGBT.

Illustration 20
Javier Milei

Pour l’Argentine, il faut regarder le contexte où ont grandi les fameux HB+50a. De 1976 à 1983, quatre juntes militaires se sont succédé avec comme idéologie la rhétorique nationale-catholique de la « Révolution argentine ». On y trouve pêle-mêle, le retour à l'ordre moral, l'anti-communisme, la négation des droits des femmes. Exactement comme dans le programme de Javier Milei. C'est un cycle générationnel, une madeleine de Proust fasciste. Aujourd'hui, ce modèle se couvre de légitimité via un pseudo-vote démocratique. Plus besoin d'imposer par la force, les nostalgiques des année 70-80 votent. Il est trop tôt pour trouver l'analyse des votants (âge et sexe) en ligne pour l'Argentine mais on va regarder du côté de Trump en 2016. Ho surprise ! Je vous laisse deviner.

Portrait-robot de l'électeur de Donald Trump - La Tribune

L'internationale de l'extrême-droite est aujourd'hui menée majoritairement par les HB+50a. C'est eux qui détiennent les rênes du pouvoir. Certains comme Elon Musk se tapent le luxe de racheter un réseau social entier pour y laisser se déverser leur idéologie mortifère. 

Ce petit monde de mascus biberonnés au sexisme s'organise. Ils ne sont pas prêts du tout de lâcher leurs privilèges et qui sont leurs ennemies privilégiées ? Les féministes. Ils leur ont déclaré une guerre des mots. D'ailleurs, ils aiment rassembler dans le mot fourre-tout « woke » tout ce qui les dérange. Par contre toi, tu ne peux pas parler d'homme blanc de + de 50 ans. L'égalité oui mais plus d'un côté que de l'autre. 

Alors oui, j'avoue, j'ai osé parler sur X d'homme blanc de plus de 50 ans car la dite personne se permettait de faire un post sur la baisse de natalité et la retraite par répartition.

Illustration 21

Encore un énième qui veut faire peser la société sur l'utérus de femmes, comme si d'autres modèles ne pouvaient pas être réfléchis, discutés, mis en place. C'est ce qui m'a donné l'idée d'écrire ce billet pour expliquer qui se cache derrière ce fameux homme blanc de plus de 50 ans. Cette terminologie de HB+50a inclut non seulement un profil typique mais tout un courant de pensée putride contre lequel je me bats. Ce courant c'est de considérer que la femme ne sera jamais légale de l'homme, c'est de la traiter avec un paternaliste nauséeux, c'est être un objet sexuel à disposition de ces personnes, c'est de renvoyer la femme à un prétendu rôle biologique, c'est être aussi raciste, homophobe, transphobe, potentiellement harceleur sexuel, c'est être réactionnaire et vouloir revenir à un schéma arriéré.

Et ces fameux HB+50a sont en train de vouloir faire des émules chez les plus jeunes. Ils ont enfanté des Julien Rochedy et autres misères intellectuelles du genre. Seul un homme qui se sent visé par ce que j'écris va venir invoquer le fameux "not all men". Bien entendu que tous les hommes ne sont pas fort heureusement pas dans cette catégorie qui ne tient pas à l'âge ni à la couleur de la peau. L'âge renvoie vers le contexte dans lequel ils ont grandi et ont forgé leur vision du monde. J'ai moi-même 45 ans et je sais de quoi je cause car moi aussi j'ai dû subir les horreurs de Collaro, j'ai regardé Cobra ou Cat's Eye, j'ai vu les nénés de Sabrina et de la Cicciolina à la télé, j'ai vu Michel Lebb, etc. alors ne me dites pas que cela n'a pas existé. C'est ce qui m'a rendu très tôt féministe. J'ai trouvé que cette image de la femme était révoltante et écœurante. Chez d'autres cela les a juste rendus cons et misogynes. Il est temps de conscientiser tout cela, il est temps de remettre les choses à plat et il est temps de faire le procès d'une époque pourrie, nauséeuse qui a permis à la construction de tels individus. Je suis pour déboulonner les madeleines de Proust périmées et rances.

Le féminisme est plus que jamais nécessaire. Nous n'avons pas obtenu l'égalité ni la liberté d'être ce que nous voulons être. Il n'y a pas un jour où l'Histoire vient nous le rappeler comme c'est le cas aujourd'hui en Argentine. Nos acquis ne sont pas des acquis. Ils restent fragiles et à tout moment, ils peuvent être balayés. Continuons la lutte et réfléchissons sur le passé pour mieux construire l'avenir. Force à vous ! 

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