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Billet de blog 26 décembre 2024

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La Commission européenne continue d'ignorer les technologies du 21ème siècle

Cela fait 75 ans que l’industrie pharmaceutique, l’industrie chimique et les autorités de réglementation se fient aux données issues de tests sur des animaux pour soi-disant protéger la santé humaine. Les résultats de cette grotesque erreur scientifique se révèlent au quotidien.

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L'Initiative pour la santé innovante (IHI) est un partenariat public-privé entre la Commission européenne et des industries européennes des sciences de la vie, notamment l’industrie pharmaceutique (1).

NHPig est un projet lancé en 2023 pour une durée de 5 ans, financé à hauteur de 17,5 millions d'euros par l'IHI (2). Ce projet rassemble des chercheurs de 27 organisations partenaires dirigées par la Ludwig-Maximilians-Universität München (Allemagne) et le géant pharmaceutique Novo Nordisk A/S (Danemark).

L'objectif est d'élargir et de partager les connaissances biologiques sur les mini-porcs. Cet animal est un porc domestique nain déjà couramment utilisé dans les laboratoires. Concrètement, le projet NHPig étudiera la possibilité d’utiliser des mini-porcs plutôt que des singes pour les essais précliniques de médicaments destinés à l'homme.

Avant d'être testé sur des êtres humains, tout médicament subit des essais sur au moins deux espèces d’animaux : un rongeur (le rat) et un non-rongeur (le chien ou le singe). L’utilisation du chien et du singe pose de plus en plus de problèmes pour l’industrie pharmaceutique : le chien au vu de son statut d’animal de compagnie et le singe parce que le public accepte mal l'utilisation d'animaux aussi intelligents et sensibles, parce qu'il est de plus en plus rare à l'état sauvage. Pourtant, le singe, plutôt que le chien, est l’espèce préférée par l’industrie pharmaceutique pour tester les vaccins et autres produits dits « biologiques » tels les anticorps.

La directive européenne 2010/63/UE relative à l’utilisation d'animaux à des fins scientifiques sert de base aux réglementations nationales qui s'appliquent dans chaque pays de l'Union européenne. L'article 10 de son introduction stipule : "La présente directive représente une étape importante vers la réalisation de l’objectif final que constitue le remplacement total des procédures appliquées à des animaux vivants à des fins scientifiques et éducatives, dès que ce sera possible sur un plan scientifique. À cette fin, elle cherche à faciliter et à promouvoir les progrès dans la mise au point d’approches alternatives."

Cela fait 75 ans que l’industrie pharmaceutique, l’industrie chimique et les autorités de réglementation se fient aux données issues de tests sur des animaux pour soi-disant protéger la santé humaine. Les résultats de cette grotesque erreur scientifique se révèlent au quotidien. Malgré les tests sur des animaux, les effets indésirables des médicaments provoquent des dizaines de milliers de décès par an en France et plusieurs centaines de milliers d'hospitalisations (3).

N'y a-t-il pas mieux à faire que de tester sur des animaux ? La réponse est oui. Prenons l’exemple du « foie-sur-puce » qui a déjà fait ses preuves sur le plan scientifique. Il est capable de révéler des effets indésirables de médicaments de façon beaucoup plus fiable que tous les autres indicateurs utilisés en stade préclinique, c’est-à-dire avant les essais sur les volontaires sains et les patients. En fait, les essais sur des animaux (rongeurs, chiens et singes) pour révéler les effets indésirables des médicaments sur le foie ne sont pas plus fiables que de jouer à pile ou face (4).

Plutôt que de dépenser 17,5 millions d'euros pour envisager de remplacer les essais sur des singes par des essais sur des mini-porcs, il serait plus bénéfique pour notre santé d'investir cet argent pour appliquer en urgence l’utilisation du « foie-sur-puce » et même de « puces » (dispositifs microphysiologiques) contenant plusieurs "organes" (cultures sophistiquées de cellules humaines mimant le fonctionnement de nos organes). On peut se demander si les chercheurs du projet NHPig sont coupés du réel au point d'ignorer l’existence des organes sur puces et technologies du 21ème siècle pour développer et tester les vaccins, telles la vaccination personnalisée (5).

Enfin, si nous sommes séparés des singes par 25 millions d’années d’évolution, et que les tests sur les singes ne s’avèrent pas fiables pour l’homme, à quoi servira de tester des vaccins destinés à l’homme sur une espèce séparée de nous par 80 millions d’années d’évolution (les mini-porcs) ? Cherchez l’erreur !

Références bibliographiques :

  1. Innovative Health Initiative | IHI Innovative Health Initiative
  2. Home - NHPig project
  3. L'industrie pharmaceutique face à un dilemme | Le Club
  4. Performance assessment and economic analysis of a human Liver-Chip for predictive toxicology | Communications Medicine
  5. VaxDesign A clinical trial in a test tube

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