Je mets, à la suite de ces premières lignes d'introduction, ce que m'ont inspiré sur FB les deux évènements mentionnés en titre.
Dans le débat qu'il faut avoir avec ceux et celles qui se reconnaissent, en tout ou partie, dans la France Insoumise, il n'est pas possible, selon moi, d'esquiver ce qui n'apparaît que par intermittence dans les positionnements de Jean-Luc Mélenchon : son rapport à l'Etat, à la République, à la France... Sur ces questions-là, il est de bon ton, chez les insoumis-es qui s'en offusquent (je ne parle pas de ceux/celles qui se refusent à toute prise de distance un minimum critique vis-à-vis des paroles de "l'Insoumis intouchable"), de les relativiser, en fait, de les décrocher de ce qui serait le coeur de la démarche insoumise, à savoir les mesures antiaustérité qui affectent immédiatement la vie quotidienne de chacun-e. Le reste, ces thèmes tournant autour de la question de l'Etat, serait marginal, de l'ordre de maniaqueries de quelqu'un qui n'aurait pas encore muté pleinement vers une orientation à part entière populaire. Par où la République, la France, seraient l'indice résiduel d'une rhétorique désuète ou folklorique, anodine en tout cas en regard du reste... essentiel, le social antiaustéritaire. Or, ma position est qu'en réalité l'Etat est le référent problématique qui oeuvre comme en souterrain derrière les invocations mélenchoniennes de la République et de la France, qui oeuvre en retrait, délibérément posé en latence, derrière le discours social qui porte les campagnes électorales mélenchoniennes. Un Etat dont on voit pourtant comment, dans son décentrage plus marqué que jamais vers le sécuritaire et dont l'état d'urgence est l'emblème, il est devenu l'outil majeur du traitement politique par les élites au pouvoir justement des questions sociales.
L'Etat, que je qualifie très clairement comme capitaliste car défendant la logique du capital de faire payer sa crise à la population, est étroitement imbriqué, impliqué, dans les réponses politiques aux contestations que suscitent la réforme du code du travail et en fait l'ensemble de la politique sociale des gouvernements successifs. L'objection insoumise que la 6e république permettrait de recentrer l'Etat dans sa supposée mission première (un Etat de tous/toutes pour tous/toutes) se trouve précisément très affaiblie par les déclarations en pointillé, resurgissant au coup par coup, de Jean-Luc Mélenchon, hier sur les policiers qu descendent dans la rue, aujourd'hui sur la responsabilité (ou pas) de la France dans la rafle du Vel d'Hiv' ou sur les déclarations du Chef des armées (dont on apprend qu'il vient de démissionner) contre les restrictions budgétaires que Macron veut imposer à celles-ci. Dans ces déclarations s'exprime une conception de l'Etat qui, une fois portée au gouvernement par une victoire de la FI, pourrait devenir une épée de Damoclès suspendue au-dessus de luttes sociales susceptibles à tout moment d'être postulé-es hermétiques à la logique de l'intérêt général, la seule qui vaille pour...la République, pour la France. Intérêt général qu'aucune revendication particulière ne saurait entraver. Magie de concevoir qu'un Etat, seulement investi de l'intérieur par une opération électorale, pourrait s'émanciper du tissu social qui le nourrit depuis des décennies, voire quelques siècles, je veux parler d'un pouvoir patronal qu'aucune mesure programmatique de la France Insoumise n'attaque à la racine, l'extraction de plus-value et le mécanisme d'exploitation induit.
A votre/notre bon débat...
Voici les deux posts annoncés tirés de FB (remaniés par endroit) et qui ont signifié une première approche de ce qui vient d'être écrit ici :
1/ à partir de ce billet, dont le titre me semble au demeurant exagéré et, pour tout dire, faux : Vel d'Hiv : Mélenchon d'accord avec Lepen !!
Mélenchon révise l'histoire (oui, je sais, cela résonne "négationnisme" mais la faute à Mélenchon, non ?). Comme le rappelle fort justement ce billet de Mediapart, il n'y a pas de solution de continuité dans la genèse de l'Etat National entre celui-ci et la République. Contre la volonté de Mélenchon de se focaliser sur 1942 en faisant un blanc sur 1940 et les débuts de l'Etat de Vichy ("la République avait été abolie par la révolution nationale du maréchal Pétain"), il faut souligner la continuité précédant l'abolition de la République : c'est bien le vote de l'Assemblée Nationale, en représentation de la République, qui explicitement a assumé de donner les pleins pouvoirs à Pétain pour faire "son Etat". 1942 ne peut pas, ne doit pas, faire oublier 1940 et la responsabilité de la République dans ce que la seconde date dans l'ordre chronologique doit à la première ! En 1940 la République, en tant qu' Etat (sans que les opposants à sa trahison aient pu rien y changer avant d'avoir difficilement construit le rapport de force politique et militaire nécessaire à ces changements) avait rompu avec elle-même pour passer de l'autre côté du miroir et cela doit rester gravé dans nos mémoires car rien ne dit que cela ne puisse pas se répéter.
Le dérapage (euphémisme) de JLM est à rapporter directement à ce que son fan club ne veut pas voir ou sous-estime, à savoir une conception ahistorique, sous des dehors mystifiants d'historicité, de la République, voire une mystique de la République. Laquelle République est chez lui "hors sol" historique et ce n'est qu'à des fins hagiographiques (la République est une "personne", Marianne) qu'il va piocher dans l'histoire. Autant dire que celle-ci est prise à revers, ce qui vient se rappeler aujourd'hui à ceux et celles qui veulent bien finir par ouvrir les yeux ! Bien d'autres choses de ce rapport mélenchonien essentiellement "aclassiste" (extrait des rapports de classes) à la République posent problème du point de vue de toute stratégie d'émancipation : d'abord le verticalisme qui fait de la République l'au-dessus de tout intérêt de classe car celui-ci est conçu a priori comme égoïstement catégoriel. D'où le concept républicain de citoyenneté par où chacun-e est délesté de son rapport sociologique à l'exploitation qu'il/elle subit. Au mieux le rapport social est médiatisé par la délégation de pouvoir aux élu-es républicain-es promues arbitres en dernière instance pour vérifier que l'intérêt corporatiste (resic) est conciliable avec l'intérêt premier, exclusif, national. Cette dimension d'oblitération du rapport de classe chez JLM est dans l'immédiat masquée par la revendication d'opposition à l'austérité et les mesures sociales avancées à cet effet. Mais les germes pour que, une fois au gouvernement, les droits citoyennistes (avec ce que, par exemple, le rapport à la police de JLM induit d'une conception pseudo-neutre de l'Etat) reprennent le dessus, sont là ! Enfin ce verticalisme attaché au culte de la république par JLM a aussi à voir avec le verticalisme personnel où, lui, JLM, porteur, là aussi a priori, de la mystique républicaniste, se pose en médiateur au-dessus du lot des insoumis-es. En profitant paradoxalement, pour un partisan de la 6e, de l'hyperpersonnalisation que les élections type 5e République permettent. Bref, ce qui est plus qu'un faux-pas sur Vichy, n'est que la pointe émergée d'un iceberg inquiétant car lourd de mauvais retours de bâton chez ceux et celles qui s'habituent à accepter que les paroles du Chef soient d'Evangile... républicain !
2/ à partir de cet article "Jupiter déraille": Mélenchon soutient le général de Villiers contre Macron"
On savait que Mélenchon aimait les flics même quand ils descendaient dans la rue pour réclamer plus de moyens répressifs et plus de condamnations. Et tant pis s'ils avaient déjà pas mal matraqué, gazé, éborgné des manifestant-es anti Loi "travail". Il fallait les comprendre, ils étaient en burn out... C'est pareil pour l'armée. Mais là on soutient le grand chef militaire en personne, par ailleurs frère de Fou du Puy dont il partage les idées "progressistes". C'est connu, défendre le budget des armées c'est une forte contribution pour faire émerger une 6e Rép d'émancipation, c'est un facteur clé pour développer l'insoumission, blabla...Corbière opère sur le même terrain...miné que son grand chef : https://twitter.com/alexiscorbiere/status/886144073832308736 Pour aller jusqu'au fond des choses : comment ça se passe l'insoumission citoyenne dans la police et l'armée ? Le général de Villiers futur chef des armées de la République mélenchonienne ?
Pour mémoire ce point de vue signé Flic Flac qui avait été publié en octobre 2016 sur le blog du NPA 34 :
Point de vue : de l'urgence de s'émanciper de toute allégeance à l'Etat républicain et donc du projet politique de Jean-Luc Mélenchon...
On ne niera pas que le "bon" gardien de la paix (sic), soucieux de son prochain, du bon fonctionnement de "la" République, aimante à égalité, liberté, fraternité de tous ses citoyens (femmes comprises), participe de ce grand défoulement de rue qui nous est infligé actuellement...après que, tout récemment, un autre défoulement, matraque au poing et gazeuse en main, nous en eut mis plein les yeux (jusqu'à l'énucléation de certain-es) et meurtri quelques autres parties de nos corps. Ce ne seraient pas les mêmes flics...? Mais, à écouter Jean-Luc Mélenchon (cf cette vidéo), il n'y aurait tout simplement pas de méchants flics. Au nom d'un éloge de la complexité, détaché des simplismes binaires (méchants flics/gentil-les manifestant-es), véritable tarte à la crème des négateurs d'une lutte des classes pourtant toujours plus férocement assumée par ceux/celles d'en face, d'en haut et portée à incandescence par une police en voie de militarisation, il nous faudrait étonnamment céder au monisme béat des bons flics et du bon Etat républicain que, revoilà le dualisme et ses simplistes binarités, seul un mauvais gouvernement ferait dérailler... ! Les lunettes mélenchoniennes voient la République et son précieux outil étatique, policier en l'occurrence (ou militaire), toujours bons dans leur essence...Comme si historiquement (et la complexité, bordel !), ladite République ne s'était pas consolidée comme bourgeoise jusqu'à massacrer ici (la Commune vous salue bien) et là-bas (les colonies) le bon peuple. Comme si, en quelque sorte, elle ne s'était pas délivrée de l'élan révolutionnaire initial (1789), retournée contre lui et ceux et celles qui voulaient le poursuivre, en institutionnalisant une nouvelle alliance de classe stricto sensu antipopulaire ! Comme si, à contre-coeur et seulement au vu du rapport des forces issu de la Libération, elle n'avait pas fait autre chose que composer pour sauver l'essentiel, son pouvoir, en concédant un Etat providence dont nous voyons aujourd'hui qu'il n'était que de circonstance.
Le bon flic donc... En concédant qu'il existerait à l'état pur de son dévouement total à la cause républicaine fantasmée du bien commun, on rappellera à Jean-Luc Mélenchon qu'il est introuvable en ce moment d'occupation fliquée des rues ! Plus clairement dit : ou il se tait dans son coin (de commissariat) (1) ou il défile, plutôt en retrait, en laissant les grandes gueules, mais, attention, cagoulées (l'audace des mentons hauts a ses limites), occuper les premiers rangs des manifestations ! Dans les deux cas, par soumission silencieuse au cours des choses, ou par approbation tacite, semi-tacite mais, qui, sait, au fond, probablement pleinement en accord, sans l'audace des "meneurs", avec les revendications portées par ceux-ci, il cautionne clairement une ... unité de corps, celui de "la" police, pour réclamer l'aggravation de ce qui est la réalité des mutations en cours : le renforcement de l'Etat policier que Jean-Luc Mélenchon élude et nie grossièrement. Il suffit pourtant, pour en prendre la mesure, de lire dans le cahier de revendications en bleu-policier, la place centrale qu'occupent l'exigence d'une plus grande liberté (au degré zéro de l'égalité et de la fraternité) de faire feu, de plus d'armes "efficaces" qui donc blesseront et tueront plus qu'il n'est déjà fait, d'alourdissement des condamnations prononcées par les tribunaux dont pourtant il est avéré qu'ils ont, lors des récentes manifestations populaires, cédé aux pires extravagances répressives... Il y a appel à mettre en branle donc une redoutable double mécanique articulée d'un maximum d'impunité policière et d'un minimum de protection juridique des gens du commun sans même l'expression minimale d'une préoccupation en faveur d'une politique dite sociale, d'égalité et de justice, permettant aux plus démuni-es de croire à nouveau en cette autre tarte à la crème républicaniste de "l'ascenseur social". Toutes choses qui pourtant allègeraient les "bleus" du ... fardeau d'avoir à réprimer jusqu'à plus soif.
Ce mouvement des policièr-es, en consonance directe avec la logique de classes de la mondialisation capitaliste, est intrinsèquement asocial (autant qu'antisocial) et participe clairement de la reconfiguration de l'ensemble de l'appareil d'Etat ciblant toujours plus méchamment les déviances à neutraliser, les populations à mater : avec la particularité que le constant harcèlement policier qui était déjà dédié aux quartiers populaires, ouvertement considérés comme irrécupérables par les dynamiques de ladite mondialisation libérale, est désormais élargi à l'ensemble des salariés et autres couches sociales extérieures à ces quartiers mais aussi rétives, cela s'est révélé ces derniers mois, à se soumettre à l'ordre capitaliste. On l'a vu avec le déploiement d'une violence inédite qui s'est abattue sur les opposant-es à la loi "travail" et avec les procédures judiciaires enclenchées à l'encontre de salarié-es (entre autres manifestant-es), spécialement des syndicalistes ! Tout discours sur le "service public" de la police est par là mystificateur de l'actuelle réalité policière mais aussi des possibilités qu'il y aurait actuellement à récupérer un "service policier à rendre au public" : "la police" n'en a tout simplement pas cure !
A l'effet conjugué, d'une part, de la pérennisation d'un état d'urgence généralisant les alarmes antiterroristes à tout trouble à l'ordre social et, d'autre part, du recours au 49.3 comme forme de gouvernement émancipé des faux semblants de la démocratie représentative, se surajoute une "policiarisation" de la politique, prélude à une "policiarisation" de la société, dont la mobilisation de rue actuelle témoigne qu'elle est appelée à s'accentuer. En somme, en logique profonde et autonome, échappant même à ce qu'expriment et revendiquent immédiatement les policièr-es, c'est en fait un véritable corps étatique, à qui il vient pourtant d'être reconnu un rôle politique central, qui significativement se tourne, par-dessus sa hiérarchie, directement vers le pouvoir, vers le gouvernement, pour exiger que celui-ci dégage les moyens nécessaires à l'exercice de ces nouvelles missions ! Ce rapport d'interpellation directe (par l'action directe de rue parodiant les postures des "autonomes" !) du gouvernement par "sa" police, dit bien la vérité de la situation, tellement criante qu'elle en aveugle Jean-Luc Mélenchon, celle d'une police qu'on politise et qui en redemande sur ce même terrain grisant car, quoique en disent certain-es, instaurant une promotion de ses membres en les plaçant au coeur des procédures politiques. Promotion qui, pour être gratifiante, doit sortir de l'actuel bricolage des missions policières-politiques élargies mais (austérité oblige !) dépourvues des moyens afférents, pour entrer de plain-pied dans l'ère militaro-industrielle du répressif high tech ... On comprendra que dans cette dynamique, si la partie, la police, joue le rôle de révélateur du tout, l'Etat, c'est celui-ci qui doit concentrer notre préoccupation : se positionner nécessairement contre l'actuel mouvement des policiers n'a de sens que si l'on comprend que c'est le tournant toujours plus policier de l'Etat qui est l'enjeu de la situation. Tout à l'envers de ce que fait le héraut de la VIe république qui, par cet envers loufoque, balise aussi, à sa façon, "de gauche", le même chemin que tracent les Hollande, Valls, eux-mêmes à la suite de Sarkozy et sa bande de... concurrents primaires : celui du ... désarmement politique de la riposte à ce qui se dessine toujours plus, grâce à eux, comme une marche vers la lepénisation de l'Etat ! Précision : par cette expression de "lepénisation", il n'est pas signifié ici qu'un processus de fascisation de l'Etat soit en cours. Ce point ne peut pas être précisé dans les limites de ce billet, il le sera ailleurs dès que possible.
Le discours mélenchonien compréhensif envers le mouvement des policiè-res (2) est non seulement aberrant, à côté de la plaque, mais, conformément à ce qui vient d'être évoqué, extrêmement dangereux. Aberrant car il ne prend pas en considération que ce mouvement, malgré toutes ses hétérogénéités internes, est unifié par le discours de la nécessité de plus d'Etat policier, donc nécessairement plus de pouvoirs répressifs antipopulaires, plus de restrictions des libertés. Dangereux car la référence à une République fantasmée de la liberté-égalité-fraternité des citoyen-nes, n'est pas seulement une vaste escroquerie, elle est plus sérieusement un accompagnement de "gauche" de l'extrême droitisation du corps policier par l'incroyable déni (refoulement) que l'idéologie hypersécuritaire du FN en soit le moteur comme elle est le moteur du déplacement à l'extrême droite de tout l'échiquier politique institutionnel (cf, entre autres méfaits, la tentative de légiférer sur la déchéance de nationalité). Déplacement dont, il faut se rendre à l'évidence, ne sort pas indemne Jean-Luc Mélenchon lui-même, sans que l'on puisse pour autant parler de son extrême droitisation : contentons-nous de constater qu'il se montre compréhensif de certaines des expressions de ce processus politique et social ! Et cela suffit à dire la gravité et l'inconséquence d'une telle attitude se réclamant de la gauche, qui plus est, de rupture !
Il faut, au demeurant, relever que, chez notre homme, la traditionnelle référence admirative à ce grand serviteur de l'Etat bourgeois, un temps (électoraliste) dénonciateur du "coup d'Etat permanent" qu'était la Ve République, que fut François Mitterrand (Mélenchon: » Ne pas avoir ma dose de Mitterrand, c’était terrible »), et à l'Etat républicain bleu-blanc-rouge, intrinsèquement (ahistoriquement) conçu bon, se voit aujourd'hui lestée d'une inquiétante série de "touches" politiques clairement marquées très à droite comme cette allusion, à résonance pour le coup indéniablement lepéniste, aux travailleurs détachés qui viendraient "voler le pain" des travailleurs en place (lire ici) ou, dans le contexte scandaleux du sort fait aux migrant-es, cette concession, adressée aux extrême-droitisé-es, que quelques milliers de personnes sur les quelque 66 millions que nous sommes "en France", ne devraient pas bénéficier de la totale liberté (égalité-fraternité) de circulation et/ou d'installation (Ensemble contre Mélenchon).
On notera, pour finir, qu'il est plus que navrant de voir nombre d'"insoumis-es" se soumettre à leur chef, "prendre sa défense" au prétexte que ce ne seraient là que des phrases sorties de leur contexte et donc un faux procès opposé à la seule chance que l'on aurait de pouvoir "voter à gauche" et donc, électoralisme oblige, de changer la face du monde, pardon, d'abord et avant tout celle de "la France" (dont il saute aux yeux que son prestige irradie universellement malgré les Hollande, Valls, Sarkozy, Le Pen ! Et grâce à Jean-Luc M, en dépit de ces quelques phrases ou positionnements pointés par nos soins qui font pont avec les précédents !).
Cette soumission "citoyenne" aux dérives du "grand républicain" négateur de la nature de classe de l'Etat, dérives électoralistes vers un électorat populaire qui se fourvoierait vers l'extrême droite et qu'il faudrait se gagner à coups de grands clins d'oeil adressés à ses phobies anti-immigré-es et xénophobes, cette soumission donc participe, bouclons la boucle mélenchonienne, de la bienveillance dont avait, "malgré tout", bénéficié François Mitterrand en tant que seul à même de relancer une gauche naufragée : qu'il en ait profité pour gagner cette "gauche" à la défense de l'ordre bourgeois, tant à l'époque de la IVè République qu'à celle de la Ve à laquelle il a fait allégeance autour de l'axe proeuropéen capitaliste constitué par Rocard et Delors, devrait alerter les complaisants envers le mélenchonisme, ce mitterrandisme! Mitterrandisme dont nous devrions retenir en effet qu'avant d'être un système d'idées, par ailleurs plus que discutables, il est surtout un schéma de rapport au pouvoir autorisant à inverser ses polarités politiques au nom du supposé intérêt général jusqu'à lui faire assumer les postulats sociaux-libéraux de son ennemi juré, le rocardisme. Et c'est sur ce point d'ancrage fort du mitterrandisme que se place foncièrement Jean-Luc Mélenchon, comme le révèle avec éclat sa prise de position étatiste-républicaniste devant le mouvement des policiè-res.
Voilà par où l'on devrait assumer que le mitterrrandisme et le républicanisme, décroché du primat du social, le tout travaillé par un essentiel électoralisme, sont tout sauf d'anecdotiques inconséquences, des résidus d'un passé personnel qui serait foncièrement révolu, dans le positionnement de Jean-Luc Mélenchon (3) : ils sont d'essentiels noyaux politiques de cohérence qui, jusque là tactiquement mis en sourdine, tendent à s'exprimer de plus en plus ouvertement et préparent tous les retournements possibles au nom de l'intérêt général, supérieur, celui de "la" nation, celui de "la" République contre ce qui, dans l'expression des "égoïsmes" sectoriels de la société (ceux des salarié-es par exemple !), pourrait les menacer. A ce titre l'acritique défense aujourd'hui, par Jean-Luc Mélenchon, de la mobilisation des policièr-es "ensauvagé-es" dans la rue en dit long sur ce syndrome de la priorité accordée par lui à la logique de l'Etat ! Et sur le danger qu'il y aurait à minimiser ce coeur d'idéologie au nom de tout ce qui, dans le programme de l'insoumission mélenchonienne, garderait quelque chose à voir, au demeurant sans jamais contester décisivement les bases sociales et économiques du système, avec la "gauche" (à propos, la gauche, c'est quoi SVP ?). C'est une chose qu'il ne soit pas facile de trouver l'alternative à un mélenchonisme brouillant les pistes de l'émancipation, quoique la mobilisation contre la loi "travail" ait quelque peu déblayé le terrain politique, sans déboucher certes sur des réponses formalisées. Ce n'est pas une raison pour répéter la faute que fut, en son temps, l'alignement sur Mitterrand : ne l'oublions pas, le délabrement politique actuel "à gauche" lui doit beaucoup. On ne va pas remettre cela avec un de ses épigones, non ?
Flic Flac*
*Onomatopée. S'emploie pour transcrire le bruit répété d'un liquide, d'un objet flexible qui en frappe un autre (fouet, gifle, etc.).
(1) A-t-il jamais protesté, si l'on excepte quelques cas comme celui de la CGT Police de Paris ou celle des Bouches du Rhône (cliquer ici), contre ce que ses collègues CRS et autres violents de la BAC ont fait aux manifestant-es opposé-es à la loi "travail" ?
(2) Des flics cagoulés défilant, de nuit, dans la rue, c'est, selon Jean-Luc Mélenchon, champion de l'euphémisation politique, "surprenant", voire "inouï", mais, comme chez n'importe quelle infirmière hospitalière ou n'importe quel prof, cela n'est que l'expression du ras-le-bol des fonctionnaires accablé-es, épuisé-es par la démission de l'Etat vis-à-vis de ses obligations de service public ! Ces policièr-es qui demandent plus de moyens pour réprimer mieux, mais JLM se garde bien d'évoquer le contenu précis de ces revendications, sont crédité-es par lui d'être républicain-es. C'est dire la république que défend notre homme. Tout au plus certains usages de la force seraient disproportionnés mais la responsabilité en incomberait aux seuls donneurs d'ordre du gouvernement. Peu lui chaut que ces manifestants policiers demandent à ce gouvernement d'accentuer la politique policière, devenue politique sociale antisociale, qu'il construit !
La réalité de cette fonction politique de la police, quintessence de la Ve République, que les manifestant-es entérinent et dont ils/elles demandent qu'elle soit développée, gêne le discours électoral(iste) du partisan de la VIe République prétendant inaugurer la grande rupture ? Qu'à cela ne tienne, il (ré)invente le mythe du flic républicain à qui l'on doit absolue compréhension pour son dévouement à la cause républicaine qui serait la cause du bien-être pour tous et toutes. Absolue... comme la soumission à "l'insoumission" mélenchoniennne telle qu'elle est en sa vérité totale dont un pan obscur vient de s'illuminer comme jamais...
(3) A lire sur le rapport de Mélenchon à Mitterrand : Mitterrand et le tournant libéral : y avait-il une alternative ? En introduction de cet article : "S’attachant à tirer un bilan « raisonné et positif » de la présidence de Mitterrand, Jean-Luc Mélenchon va jusqu’à défendre le "tournant de la rigueur" comme inévitable dans le contexte de l’époque. Une autre voie était pourtant possible." Et en conclusion : " Mitterrand qui, en 1978, voulait « l’Europe des travailleurs, contre l’Europe marchande, l’Europe des profits, l’Europe des grandes affaires », comprend qu’il va falloir choisir : « Je suis partagé entre deux ambitions : celle de la construction de l’Europe et celle de la justice sociale », confie-t-il en 1983 à Attali. Il y avait donc bien une alternative. Et il a tranché." Contre "la justice sociale".
On complètera ce billet par la lecture des notes du même Flic Flac : Cagoule avec tête de mort, poing américain et drapeau tricolore, la rue livrée aux sauvages de l'hypersécuritaire ! (Point de vue) à lire ici dans la page "Policiers hors la loi ? Le législateur dit OK, on vous couvre !"
Tiré de Flics dans la rue. La percutante réponse à l'insoumis Mélenchon...
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A lire aussi Point de vue. Mélenchon en son oxymore "clair obscur" de l'Etat...