Le coronavirus dans l'Etat espagnol : une question d'une terrible portée sanitaire qui n'échappe pas à la politique politicienne.

La non-opérativité de Pedro Sánchez provoque une révolte de certaines Communautés Autonomes
Une violente controverse a opposé le président de la Généralité catalane, Quim Torra, à l'exécutif espagnol emmené par Pedro Sánchez : celui-ci et les ministres socialistes ont argumenté dans tous les sens pour refuser la proposition du premier que soit mis en place un isolement de la Catalogne comme pièce maîtresse de l'endiguement de l'épidémie. Quim Torra a été accusé de faire de la basse politique indépendantiste DONC égoïste ignorant délibérément l'intérêt sanitaire du reste des communautés autonomes. Un peu comme si aujourd'hui en France votre confinement chez vous relevait d'un acte égoïste par rapport à votre voisin ! C'est dire l'indigence argumentative couplé au grotesque du début de campagne de dénigrement dont a fait l'objet le président catalan.
Or aujourd'hui quatre communautés autonomes viennent de rejoindre la position de Quim Torra sur la nécessité du confinement autonomique total pour se démarquer des aberrations sanchesques-espagnolistes (lire ici) qui, il faut le dire aussi, reposent sur ce que ces gens de l'Etat espagnol savent le mieux faire : n'écouter personne qu'eux-mêmes et se poser en centre organisateur de tout, y compris en supprimant les compétences reconnues aux Communautés Autonomes. Les Catalans n'ont pas hésité à dénoncer un nouveau 155 qui a permis que du matériel sanitaire de la Catalogne soit réquisitionné par la Garde Civile sans autre forme de procès (sic), sans explication, sans évaluation des besoins sanitaires locaux, dans le mépris le plus total de la Généralité... L'approvisionnement de la Communauté de Madrid étant prioritaire. Je vais y revenir.
Ce qui est particulièrement significatif est que parmi les quatre présidents de Communautés Autonomes, si deux sont du PP, les deux autres sont du PSOE et pas des moins importants. L'un est à la tête de Castille La Manche et l'autre de la Communauté de Valence. Le coup est dur pour le gouvernement espagnol, particulièrement pour les socialistes. Imaginez un peu leur tête quand leur camarade castillan García-Page s'est permis de dire sur la chaîne télévisée de la Sexta sans ambages "Bien des choses qu'avait dites Quim Torra m'ont semblé très sensées" ! Venant de l'un des plus virulents pourfendeurs de l'indépendantisme catalan, l'hommage prend toute sa valeur.
Quant à l'autre président socialiste, le valencien Ximo Puig, il n'a pas trouvé mieux, au sortir de la réunion télématique entre Pedro Sánchez et les autres présidents des Communautés Autonomes, que d'affréter deux avions pour la Chine afin d'y ramener le matériel sanitaire nécessaire au Pays Valencien. Le tout accompagné d'un cinglant "l'aide sanitaire du Ministère espagnol de la santé n'est pas suffisant" !

Le politicien à gauche : ...Nous, membres de la classe politique, voulons vous transmettre notre appui, notre admiration...Vous êtes des HEROS ! Nous nous battrons pour vous, pour que tout le monde mesure votre valeur, votre sens du sacrifice...
Le médecin : Merci... Nous retournons au travail... Pourriez-vous emporter ceci que vous aviez oublié la dernière fois que vous étiez venus ici ?
Tiré de eldiario.es
Il s'agit évidemment de l'objet métaphore des furieuses coupes sombres subies depuis des années par les services de santé publique au nom des "nécessaires équilibres budgétaires" tels que constitutionnalisés, grâce au PP et au PSOE, par la refonte de l'article 135 subordonnant les dépenses publiques à tout autre objectif. Précision : l'accord de gouvernement enntre le PP et Unidas Podemos ne prévoit pas de modification de cet article constitutionnel.
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L'arrogance espagnoliste, déjà minée par le scandale de l'argent sale de la Maison Royale qui a mis à mal l'unité de gouvernement entre le PSOE et Unidas Podemos, est d'autant plus percutée de plein fouet par ces positionnements des deux présidents socialistes de Communautés Autonomes, que la situation sanitaire dans la Communauté de Madrid est littéralement catastrophique. Il est vrai que s'y conjuguent deux passifs politiques et sociaux d'envergure : d'une part, la terrible logique de privatisation et de démantèlement de la santé publique mise en oeuvre par des années de présidence de la droite sans que le PSOE ait lui-même posé une alternative radicale à ces dévastations car il participait, comme le PP, de la nécessité de respecter les politiques austéritaires exigées par Bruxelles. D'autre part, se surajoute à ce qui est directement imputable à la droite, l'actuelle incapacité de Pedro Sánchez mais aussi de son allié Pablo Iglesias (ayant décidé à l'unisson de baisser de 1 milliard 200 la dotation budgétaire à venir de la santé) de prendre la mesure de cette catastrophe sanitaire puisque ni l'un ni l'autre n'ont encore à cette heure pris la seule décision qui s'imposait sur Madrid reconnu comme l'épicentre du Coronavirus en Espagne... ce confinement total que Quim Torra demandait dès le début pour la Catalogne.
Pour bien comprendre le ratage complet, foncièrement politique, de la réponse sanitaire apportée par ce gouvernement, relevons ces chiffres qui montrent que, malgré les entraves mises par ledit gouvernement, la Catalogne parvient, tant bien que mal, à faire bien mieux pour lutter contre le virus que ceux, Présidence de droite de la Communauté de Madrid et présidence de "gauche" de l'Etat siégeant aussi à Madrid, en charge de la riposte d'urgence dans ce foyer national de contamination qu'est la région madrilène : " Madrid compte, à ce jour, plus d'un millier de morts. Soit 60% des décès de tout l'Etat espagnol (1770) pour une population représentant seulement 15% de la population nationale. En Catalogne le virus a provoqué la mort de 191 personnes, soit 11% des décès de tout l'Etat pour une population s'élevant à 17% de l'ensemble dudit Etat".
(lire ici).
Le terrible paradoxe de ce qui est relevé ici est que, dans ce qu'il faut bien appeler deux positionnements radicalement opposés sur les réponses à apporter au phénomène pandémique, un gouvernement espagnol de gauche se refuse à adopter la priorité absolue, humaine et sociale, sur toute considération économique, qui est réclamée par un président catalan de centre droit, se sentant plus obligé, de par la forte dynamique antisystème de la population, à radicaliser ses positionnements, que cette gauche "systémique" vis-à-vis du peuple qu'elle dit représenter ! Il y a dans cette affaire du coronavirus une nouvelle défaite majeure des stéréotypes catalanophobes mis en circulation par les idéologues défendant l'indéfendable, l'idée que l'Etat espagnol incarnerait les vertus non seulement de la démocratie mais aussi, à travers l'actuel gouvernement de gauche "progressiste", de l'humanisme le plus social : une idée qui n'aura pas résisté à la virulence du coronavirus comme à celle du couronavirus (1) ...
Antoine
(1) Implacable "couronavirus" espagnol...

Conte célèbre
Felipe VI : Je viens vous annoncer que je renonce à l'héritage de mon père...vêtu de mon costume spécial que seuls peuvent voir les très-très-très bons Espagnols.
Tiré de eldiario.es
Le roi Felipe VI a essayé d'immuniser la Maison Royale contre les effets des démêlés judiciaires de son père en publiant un communiqué affirmant avoir renoncé depuis avril 2019 à tout héritage paternel. Opération médiatique très hasardeuse car, par là-même, tout en préjugeant au passage de la culpabilité de l'incriminé, il avouait avoir été très tôt au courant de ce que le commun des Espagnols découvre aujourd'hui des "sombres affaires d'argent" de l'ancien roi sur lesquelles se penche la justice suisse. Le silence du royal fils sur le sujet depuis bientôt un an interroge évidemment sur la revendication de transparence dont il avait fait, histoire de poser déjà un contrefeu aux scandales dévastateurs qui avaient amené Juan Carlos à abdiquer, un élément central de son engagement solennel envers son peuple lors de son couronnement en 2014. Par ailleurs les juristes n'ont pas manqué de souligner qu'un renoncement à hériter n'avait en fait aucune valeur juridique avant le décès de la personne dont on hérite ! Echec et mat au Roi. Et à la Monarchie ? "il est difficile d'envisager que la monarchie survive à ces scandales" (Javier Pérez Royo, professeur de Droit Constitutionnel)