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Billet de blog 26 décembre 2011

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Lozère : faut-il soutenir un sénateur socialiste, par ailleurs frêchiste notoire, recalé par le Conseil Constitutionnel ?

Le lozérien Alain Bertrand n'aura pas tenu trois mois au Sénat. Sur recours de Jacques Blanc, le sénateur UMP battu (d'une voix !) et connu surtout pour avoir gouverné la région Languedoc-Roussillon avec l'appui du Front National (1998-2004), le Conseil Constitutionnel a invalidé l'élection du socialiste, enfin, du frêchiste exclu du PS comme tous ceux qui avaient soutenu Georges Frêche contre la candidate officielle de son parti, mais récemment réintégré par un de ces retournements éthico-politiques dont les socialistes ont le secret (1).

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Le lozérien Alain Bertrand n'aura pas tenu trois mois au Sénat. Sur recours de Jacques Blanc, le sénateur UMP battu (d'une voix !) et connu surtout pour avoir gouverné la région Languedoc-Roussillon avec l'appui du Front National (1998-2004), le Conseil Constitutionnel a invalidé l'élection du socialiste, enfin, du frêchiste exclu du PS comme tous ceux qui avaient soutenu Georges Frêche contre la candidate officielle de son parti, mais récemment réintégré par un de ces retournements éthico-politiques dont les socialistes ont le secret (1).

Alors nous voilà confrontés, au détour d'une situation locale, à une donnée politique de fond qui, en ces temps de présidentielle, doit nous interroger sur la cohérence des positions des uns et des autres. Le microscope posé sur cette bien reculée Lozère devrait pouvoir nous aider à sortir de ces jeux d'hypnose politique qui fonctionnent, y compris à la gauche du PS, à la césure et au hiatus et décrochent la campagne des présidentielles de tout ce qui, localement, la sous-tend. Voyons de plus près ce qui concerne cette invalidation de la sénatoriale lozérienne.

Alain Bertrand a été/est un socialiste frêchiste des plus trempés : il a été un homme du clan du Conducatore approuvant et même devançant les coups tordus de son maître à penser. La politique, chez lui, a été avant tout un alignement permanent sur l'autoritarisme frêchien transformant les instances élues en chambres d'enregistrement des lubies les plus imbéciles du chef (cf le projet mégalomaniaque de la Septimanie : Une statue pour Septiman Ier et 1,8 M d’euros pour les plaisirs statuaires de Frêche), du soutien au patronat local, de la défense inconditionnelle d'Israël (Ici (à Montpellier) nous sommes une zone libérée d’Eretz Israël depuis trente ans) se traduisant par un appui financier à l'installation de la firme israélienne Agrexco à Sète (Conférence de presse de partis de gauche contre l'installation d'Agrexco à Sète) (2), etc.

Pour donner une idée de ce qu'a pu être le sénateur socialiste invalidé dans sa servilité envers Georges Frêche, nous pouvons nous reporter à l'échange qui a eu lieu lors d'une séance du Conseil régional le 25 juin 2009 où l'élu écologiste Sylvain Pastor est intervenu pour dénoncer la décision d'appuyer l'installation portuaire d'Agrexco (propos rapportés par Montpellier Journal) :

Dès le début du conseil régional du 25 juin, Sylvain Pastor (Verts) demande la parole pour un rappel au règlement. Georges Frêche la lui refuse. Sylvain Pastor : Vous n’avez pas le droit de refuser la parole sur un rappel au règlement, vous le savez, c’est le règlement intérieur.
Georges Frêche : Écoutez, c’est pas vous qui présidez, c’est moi.
- Ben oui, mais vous devez respecter les règles.
- Vous allez au tribunal administratif.
- Vous devez respecter les règles.
Peine perdue : Georges Frêche donne la parole à Pierre Becque sur le budget supplémentaire.

Puis revient le tour de Sylvain Pastor de prendre la parole sur le budget.
- Si j’ai demandé un rappel au règlement…
- Écoutez, vous avez deux minutes, M. Pastor, alors utilisez les intelligemment parce que, dans deux minutes, je vous coupe.
- Mais vous savez M. Frêche qu’une séance est régie par le règlement intérieur et il demande que toute délibération donne lieu à un débat suffisant…
- Écoutez, M. Pastor, ne dites pas « M. Frêche » mais dites « M. le président ». Il faut que vous appreniez à être poli alors quand vous serez poli, vous aurez la parole. Vous ne l’avez plus. La parole est à Madame Meunier-Polge.

[La parole revient à Sylvain Pastor] - [...] L’arrivée annoncée en 2011 dans le port de Sète de la société israélienne Agrexco, ne faisait pas du tout l’objet de la délibération du 23 février et comme un magicien, à votre habitude, vous essayez de faire croire dans un amalgame que l’ensemble des élus de cette assemblée auraient voté, auraient approuvé l’installation de cette société. Vous savez pertinemment que rien ne laissait apparaître que cette délibération concernait cette société Agrexco qui est le bras armé du gouvernement israélien, celui qui colonise une partie du territoire palestinien. Vous savez très bien que nous ne pouvions pas le savoir et vous faite comme si, aujourd’hui, nous le savions. C’est évidemment une manière de faire qui n’est pas acceptable. [...] Il nous paraît tout à fait légitime que ce choix que vous faites, en dehors de la délibération, de favoriser l’implantation de cette société, soulève des protestations. Le mépris que vous affichez à l’égard de gens qui manifestent sur cette question là et qui voulaient simplement assister ce matin à la séance du conseil régional et que vous interdisez d’accès en dehors du respect de toute règle de publicité des délibérations d’une collectivité publique et de son assemblée délibérante, fait que vous vous montrez encore une fois sur votre vrai visage, celui d’un anti-démocrate. Vous savez d’ailleurs techniquement – et c’est là-dessus que vous m’avez empêché d’intervenir en début de séance que vous devez garantir, notamment par le biais d’écrans si la salle ici est insuffisante, la publicité de nos délibérations. Et c’est de ce point de vue là que je souhaitais vous rappeler au règlement. La question de fond soulève des problèmes politiques, économiques et écologiques.
Georges Frêche l’interrompt : Je vous rappelle que vous avez 5 minutes…
SP : [...] Pour quelques emplois créés sur le port de Sète, combien d’exploitations [agricoles] condamnées en région ?
GF alors que Sylvain Pastor parle depuis 3’45″ : M. Pastor, votre temps de parole est écoulé, je vous retire la parole.

SP : Vous ne m’avez pas laissé parler cinq minutes, c’est inexact.

Sylvain Pastor continue sans micro : « Vous ne laissez même pas venir assister aux délibérations d’une assemblée démocratique. Vous êtes un anti-démocrate, vous êtes un danger pour la démocratie et c’est pour cela qu’il faut que nous vous délogions de ce perchoir que vous occupez abusivement depuis trop d’années. [...] Vous êtes un dictateur, vous devez laisser la parole M. Frêche ! »

Voilà pour les pratiques de feu Frêche. Alain Bertrand dans cette affaire ? Cela tient en quelques mots retranscrits par Montpellier Journal :

La parole est ensuite donnée à Marie Meunier-Polge (Les écologistes, majorité) puis à Anne-Yvonne Le Dain (PS) qui soutiennent toutes deux l’implantation d’Agrexco. Elles ne seront pas interrompues. Commentaire de Sylvain Pastor à la fin de l’intervention de cette dernière :
- C’est un lieu de propagande !
Alain Bertrand
(PS, maire de Mende) : Eh ! Pastor, calme toi ! Oh !
- C’est un lieu de propagande !
- Calme toi ! Tu nous emmerdes !

- Propagandistes ! C’est un scandale !
- Calme toi !

"Tu nous emmerdes", trois mots à rapporter à la situation de déni de démocratie (une parmi tant et tant !) créée par Georges Frêche au détriment d'un élu !

Trois mots qui disent le personnage et qui nous amènent à nous interroger sur la réaction de l'élu lozérien du PCF Guy Galvier lequel, à l'annonce de l'invalidation de l'élection du sénateur socialiste, a déclaré : "Je reste encore plus, un soutien fort d’Alain Bertrand. Il a déjà su montrer qu’il était actif et bien implanté dans la majorité au Sénat." (Midi Libre).

Voilà donc ce que peut adopter comme position un responsable du PC et, par là, si l'on veut bien rester dans la cohérence politique et en l'absence de toute réserve de sa part, le Front de Gauche lozérien face à ce qui, certes, est une décision à l'avantage de l'UMP mais ne devrait pas amener à appuyer, par ailleurs de manière totalement acritique, un personnage qui n'a strictement rien à voir avec ce que le Front de Gauche, localement et nationalement à travers la candidature de Jean-Luc Mélenchon, défend : une démarche de gauche démarquée d'"un capitaine de pédalo comme Hollande". Reconnaissons que le sénateur lozérien invalidé est d'une autre carrure que le dérisoire candidat socialiste à la présidentielle croqué méchamment par cette saillie mélenchonienne . Mais avoir été le porte-flingue de Frêche légitime-t-il le front unique avec lui pratiqué par une voix lozérienne du Front de Gauche ? (3)

Les zélateurs du Front de Gauche auront vite fait de renvoyer à l'insignifiance anecdotique cette glissade politique lozérienne marquant par là leur hauteur de vue très "logique institutionnelle" du national primant sur le local. Le problème étant quand même que, mises bout à bout, les pratiques locales des composantes du Front de Gauche constituant des majorités de gestion ouvertement assumées ou de fait avec le PS, parfois le Modem, dessinent un tissu politique national, certes contrasté et parfois contradictoire, mais justement, par cette hétérogénéité relative, en contradiction avec les péremptoires démarcations qui fondent, chez Jean-Luc Mélenchon, un refus des dérives du social-libéralisme.

En Lozère nous vérifions que le parti clé du Front de Gauche se pose en "soutien fort" d'un personnage dont le passé récent, qu'au demeurant il ne désavoue pas, le désigne comme une caricature grossièrement autoritaire de social-libéralisme ayant pu même se gagner les sympathies de l'extrême droite ! (Frêche, le retour, ou la mémoire mystifiée !). Alors faut-il vraiment soutenir un frêchiste assumé contre un UMP ayant fricoté avec le FN ? L'autre politique d'alternative à la gauche du PS peut-elle jouer si lamentablement petit bras ? La Lozère, comme nous le soulignions à l'occasion pour Montpellier, n'est-elle pas, au bout du compte et de façon inquiétante, un microcosme et un microscope de la gauche antilibérale (Montpellier, microcosme et microscope de la gauche antilibérale) ?

(1) La gauche au Sénat : "je te tiens, tu me tiens par la barbichette... frêchiste"... , La gauche au Sénat, et les trois élus frêchistes Comment parvenir à la majorité absolue sans renoncer aux valeurs proclamées ? et Bisbilles au PS sur la réintégration des frêchistes

(2) La gauche néofrêchiste qui "tient" le Conseil régional Languedoc-Roussillon (avec l'appui du PCF !) a reçu un véritable camouflet avec la mise en liquidation judiciaire d'Agrexco: Bye, bye Agrexco...Vive le peuple palestinien ! et Agrexco. C'est la fête à BDS ! Mais la bataille gagnée ne fait pas oublier la guerre à poursuivre !

(3) Nous nous permettrons aussi de relever dans les propos de l'élu PC de la Lozère ces bien étranges paroles : "il [Alain Bertrand] est bien implanté dans la majorité au Sénat." Aveu que le PCF fait majorité avec le PS au Sénat ? Mais faut-il s'en étonner (Le Front de Gauche fait l'unité avec le PS)? Ce qui, on en conviendra, ajoute au questionnement que nous sommes amenés à faire dans ce billet !

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