Pour connaître la réalité d'un pays, il faut visiter le jardin zoologique de sa capitale. Tout s'y dévoile, en toute inconscience. À Pyongyang, en avril 2000, j'ai ainsi pu constater que la folie furieuse nord-coréenne, qui façonne, mate et dompte un malheureux peuple – de grand-père en petit-fils depuis 1946 –, était même allée jusqu'à dresser le chimpanzé. De sa ménagerie, il saluait tout visiteur avec une courbette idoine.
La démesure argentine ne se comprenait qu'au zoo de Buenos Aires, à la fin de l'autre siècle, du temps de l'ourse polaire Joséfa, abritée dans un palais outrancier. De même qu'à Paris, la ménagerie du jardin des Plantes a longtemps permis de saisir l'hubris du pouvoir royal en France, tandis que le zoo de Vincennes, inauguré lors de l'exposition coloniale de 1931, refléta jusqu'à sa récente rénovation l'impensé impérial français.
Le zoo de Varsovie cumule la monstruosité stalinienne – la fosse aux ours offre une architecture concentrationnaire glaçante – et l'horreur économique propre au capitalisme – on peut devenir actionnaire d'un animal en le parrainant, c'est-à-dire en payant pour l'adopter.
Le zoo biblique de Jérusalem (Jérusalem qui n'est pas la capitale de l'État d'Israël) présente, pour sa part et comme son nom l'indique, un vivant bestiaire de La Bible – par ailleurs considérée tel un cadastre. Quant à Dublin, le zoo y fut longtemps fermé le dimanche matin, à l'heure de la messe. Etc., etc.

Lors de mon séjour à Tbilissi (déjà évoqué dans un premier billet de blog, « Retrouvailles géorgiennes », à lire ici), je grillais de discerner ce que le zoo dit de la Géorgie. J'ai été stupéfait – vous le serez peut-être en regardant la vidéo ci-dessous.
Le zoo a été inondé en juin 2015. Des dizaines et des dizaines d'animaux furent noyés, ou tués par la police après avoir pu s'échapper – un tigre fut abattu à la suite d'une attaque mortelle sur un ouvrier. Les autorités, après le chaos, ont promis que le jardin d'acclimatation saccagé serait reconstruit et réaménagé : vous jugerez sur pièces ce que valent de tels engagements.
Les conditions de vie, épouvantables, faites à la faune traitée comme moins que rien, prennent tout leur sens quand on sait que l'oligarque ayant fait main basse sur la Géorgie, Bidzina Ivanichvili, possède un jardin animalier privé attenant à la maison qu'il s'est fait construire, pour près d'une cinquantaine de millions d'euros, sur les hauteurs de Tbilissi. Rien n'y est trop luxueux et les bestioles ne manquent de rien.
M. Ivanichvili aurait poussé la monomanie jusqu'à enfermer dans sa ménagerie bien à soi des spécimens albinos, en hommage à son fils lui-même albinos, se murmure-t-il en ville – sans que j'aie pu vérifier de visu une telle assertion, néanmoins confirmée par quelque interlocuteurs des plus sérieux.
Voici donc, à titre de comparaison édifiante, à quoi ressemble une visite au zoo, celui-ci public, décati, lamentable, cruel et insoutenable de Tbilissi.