Et les Zadistes l'expriment bien : ‘‘ça fera 7 ans qu'un foutu projet d'aéroport à été abandonné dans le bocage de Notre Dame des Landes...! Alors par ici, le 17 janvier c'est toujours jour férié et on vous invite à le partager comme un petit moment de douceur au cœur de l'hiver ! Et comme cette année c'est un vendredi on prolonge même le samedi’’.
C’est aussi l’opportunité de ‘‘porter un toast aux luttes de terrain ayant obtenu des victoires, d'étapes, partielles ou plus définitives cette année. De la nouvelle station total définitivement enterrée à deux pas de la zad au projet d'usine à saumon coulé dans les côtes d'Armor, du BIP dérouté dans le Val d'Oise aux projets de carrière ayant succombé à Caresse ou Salce le château, de serres industrielles repliées dans la Manche aux excroissances logistiques annulées à Carcassonne. Il y a ce qui ne verra pas le jour et ce qui peut foisonner à la place. L'appréhender ensemble en trinquant c'est se donner de l'élan pour continuer à défier les aménageurs là où tout est encore en suspens’’.
Un lieu collectif de vie, d’engagement social et écologique
Les activités sont nombreuses et variées sur le site de la ZAD, avec une quarantaine de lieux de vie, sur les 1650 hectares de forêts, de marais et de terres, désormais agricoles, que devait occuper le futur aéroport.
Cette année, cet anniversaire est l'occasion pour les habitant.es qui vivent et travaillent toujours sur l'ancienne ZAD, d'évoquer cette nouvelle étape de régularisation. L’exemple de Cécile est emblématique et confirme l’importance de la régularisation des activités et des projets qui y sont menés en ce moment grâce à la signature de baux (avec le Département).
Cécile élève 150 brebis en bio au Limimbout, qu'elle commercialise en vente directe. Arrivée sur la ZAD en 2015, ‘‘occupante illégale, expulsée en 2018, elle a finalement signé en 2019 un bail agricole avec le département. Au fil du temps, elle a régularisé sa situation, gagné en légitimité, à la fois comme habitante, mais surtout en tant que paysanne. Nouvelle étape dans sa vie à Notre-Dame-Des-Landes, la signature, dans quelques mois, d'un bail emphytéotique sur le bâti de la ferme’’. [Le bail emphytéotique est un bail immobilier conclu pour une longue durée, entre dix-huit et quatre-vingt-dix-neuf ans, entraînant un transfert de droit réel au profit du preneur en contrepartie du paiement d'une redevance.]
Et Cécile précise le combat qu’elle a du mener, avec les autres militants-citoyens, décidés à transformer ces lieux préservant l’environnement, inventant un autre rapport au travail agricole et artisanal et créant des nouvelles formes de vivre ensemble. "On s'est retrouvés dans une sorte de marasme administratif au lendemain de l'abandon du projet d'aéroport. On est contents, mais à la fois, il a quand même fallu sept ans pour pouvoir se dire, ça y est, on va avoir des baux sur ces bâtiments" explique Cécile.
"Ça fait sept ans qu'on essaie de déployer des activités agricoles, mais avec des conditions encore plus difficiles qu'ailleurs, parce qu'on a très peu de visibilité sur notre capacité à se projeter, aucune capacité d'investissement en réalité. Quand on est sur un territoire comme ici, on ne peut pas aller voir un banquier pour lui dire, je voudrais investir sur une ferme dont je n'ai même pas un bail. En fait, on a eu des baux sur les terres assez rapidement, mais c'est sûr que là, avoir des baux sur les bâtiments, ça va résoudre certaines difficultés".
Un ‘‘bail’’ qui ouvre à l’avenir !
Également Mathilde, boulangère, qui vit avec 10 autres personnes dans un des quarante lieux de vie de la ZAD, la signature effective de ce bail emphytéotique va permettre d'envisager des travaux pour retaper la vieille bâtisse. Celle où elle vit, et d'autres encore.
"Ça permet d'avoir, les différents bâtis et habitats de la ZAD qui sont régularisés, et donc de ne plus avoir de risque d'expulsion, souligne Mathilde. Comme tout le monde le sait, quand on restaure un vieux bâtiment, ou qu'on en reconstruit un qui a été détruit pour le projet d'aéroport, ça demande un engagement, du travail, de l'argent, et pour ça, il faut pouvoir voir un peu au long cours. En fait, ça nous permet de nous projeter et d'entretenir ou de reconstruire correctement ces bâtis pour pouvoir y vivre et que les campagnes restent vivantes". [extraits du reportage de Sandrine Gadet et Fabienne Even, sur FR3 17/01/2025]
Et autour, même si on sait l’hostilité de certains Maires du fait qu’il y ait de la vie sur ces lieux, le reportage de FR3 donnait aussi la parole entre autres, à une habitante de la commune de ND des Landes, qui à la sortie de l’école souligne bien l’apport des activités des habitants de la ZAD: ‘‘On a une liste non négligeable de produits alimentaires et non alimentaires, d'ailleurs, qu'on peut acheter, fabriqués de manière locale. On peut aussi participer à des manifestations, des animations, des concerts, des visites naturalistes dans les forêts... on pourrait s'occuper tous les week-ends en restant à Notre-Dame-des-Landes. Et c'est ça qu'on apprécie, et nos enfants aussi, on a trois enfants en bas âge, et ils adorent, en fait, cette nature et toutes les animations qu'il y a autour de la ZAD, auxquelles on participe régulièrement".
Si les 160 habitants de la ZAD semblent s’inscrire de plus en plus dans l’environnement social, des réticences existent encore à leur égard, notamment quand les maires des communes sont sollicités pour l'attribution des permis de démolir, de construire ou de rebâtir.
"J’avoue que quand je vois les oppositions, moi, je ne comprends pas. Pourtant, ils vivent aussi sur le territoire comme nous, ils voient le dynamisme qu'apportent la ZAD et ses occupants, donc j'avoue que là, c'est un mystère. Pour moi, c'est un mystère" conclut cette habitante de la commune de ND des Landes.
Un sénateur-ministre pétitionnaire... au pouvoir
Cette expérience de vie solidaire, collective et ouverte aux autres concentre, comme toute expérience humaine, une grande variété d’opinions, de comportements, de savoirs faire professionnels avec la richesse et les limites dont nous sommes tous capables... Et une des forces de la ZAD c’est le partage et l’engagement dont chacun.une semble déterminés à poursuivre. Rendre le bocage aux terres conquises au ‘‘territoire des avions’’... quelle beau projet !
Toute ceci reste fragile dans le contexte politique actuel. On sait que l’actuel ministre de l’intérieur, lorsqu’il était sénateur avait, en 2016, lancé une pétition pour l'évacuation de la Zad. Et en 2018, Bruno Retailleau, sénateur LR, critiquait ouvertement Macron pour avoir abandonné la construction de l’aéroport de ND-des-Landes. Il avait déclaré alors «C'est une erreur de la part du gouvernement d'avoir imaginé qu'il pouvait discuter avec les zadistes» (Le Figaro 17 avril 2018). /ici/notre-dame-des-landes-les-gendarmes-en-embuscade
Ceci n'est pas un empêchement pour les militants, mais sans doute une alerte pour mieux renforcer l'engagement local et aussi le soutien des citoyens engagés dans la défense de l'environnement et de la justice contre l'arbitraire des "grands projets inutiles"... voir article de Reporterre: https://reporterre.net/La-carte-des-luttes-contre-les-grands-projets-inutiles