La violence faite aux femmes? Mais par qui? Voilà une question qu'on ne se pose pas quand on parle de cette violence, comme si cela allait de soi. Ce sont des violences masculines: parce que c'est dans leur nature, les hommes sont moins enclins au dialogue, ils réagissent parfois violemment et c'est peut-être aussi leur caractère, des «bêtes» par leur force et leur détermination. Comme si cette image d’Épinal, relativisait cette violence (la fatalité). Mais non, ce n'est pas leur nature, c'est leur culture. Basée sous le mode de la domination, en interdisant aux femmes l'accès au savoir, au pouvoir. Et c'est pour cela que nous devons continuer à lutter pour changer les choses. On change la culture, pas la nature. C'est en quelque sorte dans ces termes que Françoise Héritier a ouvert la rencontre-débat «Femmes victimes de violences dans la sphère publique» à la maison des Métallos (Paris) le 25 novembre, journée internationale pour l'élimination des violences faites aux femmes.
Autour de l’anthropologue, professeur au Collège de France, il y avait Véronique Nahoum-Grappe, Catherine Deschamps et Eliane de Latour, qui ont abordé la violence faite aux femmes sous plusieurs angles. L'arme du viol dans la guerre, la séduction des images pornographiques à travers la violence sexuelle, les enfants nés du viol, les mères tapées par leurs fils, les violences sexuelles intra-familiales. Tout ceci amène Véronique Nahoum-Grappe a souligner l'importance de repenser la forme dont les mouvements féministes analysent et engagent leur action auprès des femmes victimes de violence.
Lors du débat une mère a dit que finalement, les violences perdurent et soulignait le fait que "nous n'élevons pas nos garçons à devenir violeurs". Sans doute et c'est important ce que les mères (et les pères) peuvent apporter à leurs enfants sur la question. Cependant, a ajouté Françoise Héritier, les enfants ne sont pas élevés en dehors de la société, ils sont confrontés au monde extérieur, à la violence extérieur et à la façon dont la "domination du plus fort" est très simplement inculquée dans l'esprit des enfants, notamment par la télévision.
photo d’Éliane de Latour
Toujours dans le cadre de cette date, la photographe, cinéaste et anthropologue, Eliane de Latour, présente une belle et émouvante exposition de photos des Go d'Abidjan, les "fraîchenies", des jeunes filles fraîches à partir de 10 ans, qui se prostituent pour survivre. Des jeunes filles illettrées, exclues de partout, de leurs familles, dont personne ne reconnaît qu'elles sont victimes. Des filles maudites qui portent le déshonneur. La photo a été comme une reconnaissance de leur existence, de leur force de vivre dès lors qu'on les voyaient, qu'on leur donnait une place. "La photo, arrivée par hasard, a été le moyen pour moi de pénétrer dans ces lieux traversés par les drogues dures et la violence. Je ne revenais jamais sans les tirages sur papier qu’elles s’arrachaient. Convaincues d’être la lie de l’humanité, elles se sont soudain trouvées belles dans ce reflet. Elles ont envoyé ces portraits à leurs parents, les ont utilisés pour leurs funérailles, gardés pour que leurs bébés n’aient pas une mauvaise image d’elles plus tard… " explique la photographe. Une Casa des go, a été crée où une dizaine de filles a été abritée pendant quelques mois, avec des activités comme l’alphabétisation (difficile à mettre en place vu leur éloignement du système scolaire).
Cette exposition photo-vidéo qu'on peut voir jusqu'au 7 décembre est une contribution puissante de soutien à cette frange des jeunes filles mineures, jetées à la rue, dont le commerce de leur corps leur permet de ne pas mourir (quoique...) sans leur permettre de grandir et devenir indépendantes. http://elianedelatour.com/.
Toujours dans le cadre de ce jour (que la Maison des Metallos a voulu prolonger, ce n'est pas que l'affaire d'un jour...), une rencontre débat a eu également lieu autour de la question des femmes auteures de violence. Avec deux sociologues Coline Cardi et Geneviève Pruvost, auteures d’un ouvrage 'Penser la violence des femmes (éd. La Découverte), sous-estimée, voire niée, ou utilisée politiquement. Et les auteures expliquent l'utilisation faite par le pouvoir sur les agressions des "bandes de filles" qui ont été dénoncées il y a déjà quelques années : «Ces arguments sont renouvelés pendant la présidence de Sarkozy, dans un contexte très sécuritaire. Mettre les filles en avant, c’est une façon de dire que tout va mal, et qu’il est donc temps de mettre en place des mesures répressives. Cela sert également un discours antiféministe, qui consiste à dire : “Regardez ce à quoi conduit l’émancipation des femmes”. Cela a également une fonction de rappel à l’ordre des sexes. Il y a enfin un argument politique et stigmatisant qui consiste à dire que les filles sont si mal traitées dans les quartiers issus de l’immigration que leur seule façon de s’en sortir, c’est d’avoir recours à la violence».

Et à propos de cette violence, Jean-Michel Rabeux a écrit et mis en scène un spectacle La petite soldate américaine. On se souvient de la jeune GI qui a torturé et pris des photos de prisonniers nus pendant la guerre en Irak.
Du 9 au 21 décembre, la pièce de théâtre A mon âge je me cache encore pour fumer de Rayhana, qui avait été créé en 2009 à la maison des Metallos y retourne pour ces dernières représentations. Neuf femmes dans un hammam à Alger, pendant les années de guerre civil qui vont nous apprendre l'amitié, la solidarité, le fanatisme, la guerre dans leurs histoires personnelles et leur vie collective. A mon âge, je me cache encore...
Haine des femmes, d'après le livre Laissées pour mortes, aux édition Max Milo de Nadia Kaci, qui raconte la nuit du 13 juillet 2001, des femmes sont frappées, violées, torturées, tuées dans la cité pétrolière du Sahara algérien. Représentations du 6 au 8 janvier 2015.
Et puisque la loi Veil a quarante ans et qu'elle a été voté le 17 janvier 1975, une mise en scène d'un texte de Annie Ernaux, L'événement, récit d'un avortement en 1963 (le sien). Une mise en scène de Jean-Michel Rivinoff avec Catherine Vuillez. Deux séances, les 17 et 18 janvier 2015.
Il y a un an, j'ai vu un film qui me paraît également contribuer à cette prise de conscience et au débat sur les multiples formes de la violence faite aux femmes et, c'est le cas de ce film, celle indirecte dont les enfants sont également victimes. C'est Le Paradis des Bêtes, réalisé par d'Estelle Larivaz, avec Stefano Cassetti, Géraldine Pailhas et Murielle Robin. Le diffuser c'est aussi, me semble-t-il, contribuer à l'élimination de la violence à l'égard des femmes. Un film qui pourrait intéresser les lycéennes (et les lycéens bien sûr). Paradis des bêtes... pas des femmes!
Un dernier mot pour saluer l'action de la Maison des Metallos http://www.maisondesmetallos.org/ qui dans un quartier populaire de Paris (11ème) ne s'est pas limitée au jour "commémoratif" toujours éphémère. C'est peut-être ainsi que les dates prennent sens et laissent trace !