Cette persévérance violente des successifs gouvernements jusqu’en 2018 montre le gâchis humain et destructeur de la nature que des projets ‘inutiles’ coûtent à la société et aux citoyens.
Cependant la ZAD, cette zone à défendre de Notre Dame des Landes, se maintien et rassemble des femmes et des hommes -et des enfants- qui par leurs engagements, leurs convictions, prolongent l’espoir d’une autre adresse à la nature, aux rapports humains, à la façon de produire et de consommer. En quelque sorte, prolongent les aspirations et les missions qui étaient celles des promoteurs de ce combat.
Et c’est cet engagement humain que le film-documentaire ‘‘Direct Action’’, qui vient de sortir en salle, retrace avec qualité, respect et ouvre sur un avenir possible et souhaitable.
Les deux réalisateurs, Guillaume Cailleau et Ben Russell, ce sont deux artistes cinéastes, français et américains, qui ont parcouru la ZAD pendant deux ans 2022/23, et posé leur caméra de 16mm pendant un an, pour filmer en plan séquence la diversité des activités, rendant les gestes, les regards, les corps, dans la beauté et la vérité que la lenteur et les silences suscitent.
Nous sommes saisis par la qualité de ce qu'une communauté de partage et d'entraide peut apporter à chacun·e et nourrir un collectif.
Nous y voyons le travail de la terre avec un cheval de trait, du bois dans la scierie et l'affinage et réparation de la tronçonneuse, de l'élevage, au printemps, où ces vaches avec leurs veaux, presque nouveaux-nés qui tiennent encore mal sur leurs pattes, ou la séquence magnifique du pétrissage de la pâte à pain. Mais aussi la joie des enfants au goûter lors d'un anniversaire, et même une séance de piercing. Et allons y pour la productive confection de galettes, au sarrasin.
Métiers de la terre, maraîchage, artisanat du bois, fabrication d'outils, imprimerie des affiches pour les rassemblements... mais aussi faire la fête, notamment l'animée soirée pour fêter le 10ème anniversaire de l'échec de la violente intervention de la gendarmerie avec l'opération César.
Le film nous montre, presque à la fin, une séquence de la marche à Sainte-Soline (mars 2023), où on voit l'arrivée des manifestants et la réception inouïe de violence de la part des gendarmes. La caméra fixe est ainsi précieuse par l'angle qu'elle observe, les images qu'elle enregistre et tout ceci nous est restitué sans paroles mais avec le son du mouvement et de la confrontation... quelle pièce à conviction!
Ce qui ressemble à une "conférence de presse", est une des dernières séquences du film où trois résidantes-militantes racontent ND des Landes et répondent à trois journalistes sur l'histoire et sur le présent. Un des moments les plus politiques du film. La rencontre a eu lieu le lendemain de l'arrestation de sept habitants de la Zad, le 20 juin 2023, qui ont été conduits à la DGSE à Levallois-Perret.
Des gardes à vue ont eu lieu dans plusieurs autres lieux du pays pour marquer la décision prise en Conseil de ministres, le 21 juin 2023, de dissolution du mouvement des Soulèvements de la Terre. Un an après il y a eu un jugement au Tribunal de Nanterre ici : les « écoterroristes » à l'amende. Le 9 novembre 2023, le Conseil d’État a annulé la décision de dissolution.
Tellement de choses à dire, tant ce film m’a marqué par sa densité et la justesse du ton et du temps, nous faisant rentrer à petits pas dans la vie d’un collectif humain, qui partage avec nous sans discours, sans l’idéologie ‘‘de la pensée unique’’, mais d’ouverture à ce qu’être solidaire et fraternel peut faire, pour aujourd'hui et pour demain. Et, comme écrit Jade Lindgaard dans son article, "film intensément politique derrière sa sensibilité à fleur de peau".
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Une remarque : il m’a semblé qu’il manquait parfois des mots. Pas des paroles, mais des brefs mots écrits pendant certaines séquences qui auraient aidé, quand on est pas très au fait de ce qui se joue à ND des Landes, à une meilleure compréhension voire une adhésion. Lors de la séance à laquelle j’ai assisté un certain nombre de personnes sont sorties à différents moments du film, c’est à elles que je pense. Et je me dis que quelques mots ponctuant les moments et les mouvements pourraient aider à suivre avec intérêt et curiosité les 3 heures et demi. Je crois comprendre que le pari des réalisateurs c’est de nous inviter à une immersion dans le lieu, sans à priori. Pour moi et d’autres personnes autour de moi ça été le cas...
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à lire : l’article de Jade Lindgaard* du 21 nov 2024 * Sur la ZAD, un quotidien de désobéissance
"Dans « Direct Action », documentaire immersif et contemplatif, Guillaume Cailleau et Ben Russell filment la vie sur la zone à défendre de Notre-Dame-des-Landes. Après l’abandon de l’aéroport, vient le temps long du travail de subsistance et de l’entretien du collectif".