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Billet de blog 12 avril 2020

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La fermeture discontinue du temps dit « réel », par Alain Béhar.

« Les gens se cherchaient, se posaient des questions entre eux, on a même vu revenir la possibilité des intuitions. »

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L’assemblée Quantique, après le déconfinement par régions, projets personnels et zones d’activité, est revenue longuement dans les années 2110 sur la continuité de l’information. Sur l’omnipotence du premier niveau de réalité, complètement déchiffré et résolu, ressassé, pas marrant… On s’est demandé pourquoi tout était forcément si tristement prévisible. Pour finir, on a voté à une très large majorité l’obligation de flouter les zéros et les uns, obtenu la fermeture discontinue du temps dit « réel », de tous les cabinets homologués de vérification de la vérité et des chaînes d’info en permanence. C’était sans doute le bon moment, l’union sacrée, le pique de la vague ou juste un point de bascule après la cérémonie des Césars, n’importe. Du jour au lendemain, on ne comprenait plus tout sur tout, tous et tout le temps, ça faisait un peu d’air. Les gens se cherchaient, se posaient des questions entre eux, on a même vu revenir la possibilité des intuitions. Chacun en savait un peu et voyait bien que l’autre aussi, on partageait nos données, on n’était plus tous d’abord d’accord, on cherchait parfois à s’accorder mais pas forcément, il nous arrivait même d’aimer des gens avec qui on était parfaitement en désaccord sur presque tout, c’était sympa et convivial, super simple à l’usage. Du coup vraiment interactif sans interface. La réalité, légalement floutée, était largement plus inspirante. C’était réjouissant de se tromper à plusieurs et d’en rire, de s’en parler avant, après ou même pendant… Bref, on s’est vite adapté, le corps et l’esprit, c’était facile et très bien fait.

Et puis plein de gens ont disparu, enfin on ne les voyait plus dans nos listes d’amis ou dans les groupes et salons de télétravail ou télé-loisirs. Une hécatombe. On a d’abord trouvé ça très sain et on ne s’est pas méfié. On a même valorisé l’idée d’oublier ou qu’on nous oublie et le droit de chacun à la disparition. On se disait qu’ils avaient sans doute mieux à faire, qu’ils étaient débordés, qu’ils n’avaient plus de connexion ou même juste changé de pseudonyme, et puis on s’est un peu inquiété quand même de ne plus avoir du tout de nouvelles de Palimpseste74 avec qui on était très liés jusque là. On a trouvé ça « mystérieux »… À moins qu’on ait simplement retrouvé le gout du mystère, c’est ce qu’on se disait, à l’ordre du jour de la réunion des cadres du mardi, mardi matin. Martin a monté sur le champ un Think Tank paritaire (ou laboratoire d’idées) sur le sujet pour mettre en place avec les ayant-droits des « perspectives empiriques en vue d’une stratégie commune d’élucidation du mystère des disparitions ». Qui a porté ses fruits. Tout le monde s’est emparé du sujet. Il y a eu des enquêtes - même en Islande - pour disparitions suspectes ou irrésolues, classées sans suite, des romans noirs d’auto-fiction et des sagas à foison dont le dernier - magnifique - triptyque d’Olivier Charneux, adaptés en séries cryptées sur le sujet. Cliquez ici. Tout le monde flippait ou adorait flipper, de toute façon. Même l’INSERM a ouvert deux laboratoires secret-défense, au Panama et aux Iles Caïman. On a cherché longtemps. On trouvait plein de trucs vraiment super, mais jamais ce qu’on cherchait, ou ce qu’on était censé chercher.

Alain Béhar, 9 avril 2020

Initialement publié sur sa page Facebook

(Alain Béhar est écrivain et metteur en scène)

Au jour d’après ? Quel « jour d’après » ? A partir d’un premier texte anonyme et collectif, MEDIAPART accueille depuis le 6 avril 2020 le blog Au jour d’après, atelier d’écritures en voix brassées du Tout-monde pour gouverner le futur..

Ce blog sera quotidiennement mis à jour, jusqu’à plus soif.

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