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Billet de blog 22 oct. 2017

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De l’interprétation du Coran

L’orthopraxie musulmane s’appuie sur les différents Fiqhs.Toutes les religions en sont venues, à un moment ou un autre, à rogner sur leurs assurances, à parfaire le maquillage de leurs mythes fondateurs, à réajuster leurs credo  et  à réinterpréter tel verset  ou tel autre car vivre c’est interagir !  Rien de ce qui touche l’homme n’est, dès lors, linéaire et immuable .

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 De l’interprétation du Coran  

Au Moyen-Âge, le mouvement « salafiste » s’était  insurgé contre l’Islam interprétatif en général - le « Khalaf »-  auquel il préfère un Islam puritain dont seuls les premiers adeptes de Mahomet - «Al Salaf » ou  prédécesseurs ou pionniers- sont, à ses  yeux, les dépositaires.

C’est ainsi qu’il en était venu à remettre, violemment,  en cause l’école aristotélicienne arabo-musulmane, et les Mutazilites, coupables, selon lui,  d’avoir couché sur le lit de Procuste de la raison  la théologie et les principes moraux. Pourtant, « ces chatouilleux » devraient savoir  que ces divergences de point de vue sont expressément rendues licites par  un hadith : « le désaccord d’opinions régnant dans ma communauté est une manifestation de la grâce divine ».Personne n’a donc le monopole de la vertu : la parole est au  ban et même à l’arrière ban, qu’on se le dise !

De plus,  le wahhabisme est une secte qui se drape dans les plis de la gandoura de la branche sunnite péninsulaire, hanbalite. Mais l’habit n’a jamais fait le moine, que l’on sache.

Selon la solution traditionnelle sunnite, il n’est plus permis de constituer un nouveau corps de doctrine,  pas même en faisant des emprunts ajustés et ciselés à ses quatre obédiences. Or, qu’a fait le wahhabisme, sinon constituer un nouveau corpus en piochant dans la nécropole du salafisme d’abord, dans le hanbalisme ensuite et surtout -  puisqu’il faut être en tête de gondole, si on veut, à terme,  détenir le monopole du marché de la foi »  – se démarquer  de la concurrence, avant de la battre. 

Nota: Le salafisme est mort au onzième  siècle , après avoir saccagé l'Islam des lumières.

 Notons toutefois que les tenants du « Salaf » comme  ceux du «  Khalaf » ont eu recours à l’interprétation des versets coraniques. Nous sommes donc loin du «  texte dicté par Dieu », monolithique, inaltérable à la pensée des hommes et indifférent à la marche du temps, tel que proclamé par le tenant du Salaf ainsi que – curieusement- par ses pourfendeurs aussi bien chrétiens, juifs, qu’athées.

Contre l’évidence historique, des faux amis, et  de  vrais ennemis du Coran, s’entendent pour venir nous dire   : « le Coran est un texte dicté à Mahomet   , c’est  la  quintessence  de  la  parole  divine, on  ne  doit  pas l’interpréter  ». ( Cf . Alain Finkielkraut   et  Eric Zemmour lien https://blogs.mediapart.fr/edition/lescarbille/article/130916/quelle-hecatombe-si-le-ridicule-tuait  )

L’orthopraxie juive confère une importance particulière à la pratique des commandements mosaïques de la Thora des Mitzvot et de la Halakha. Une longue pratique de l’injustice a amené les juifs à soustraire l’orthopraxie de l’effet délétère résultant des incursions des antisémites dans leur religion : l’étude permanente des Commentateurs Talmudiques veille à son intégrité. 

L’orthopraxie musulmane s’appuie sur les différents Fiqhs. Le rôle  imparti aux Oulamas est celui des Commentateurs Talmudiques (ils n’ont cependant pas, dans l’obédience malékite,  l’autorité spirituelle d’un rabbin : c’est ce qui explique pourquoi ils ont brillé par leur absence, ces 30 dernières années) : ils veillent à la fluidité des Fiqhs dans le contemporain. Mais le caractère purement consultatif, résultant de l’absence de clergé, rend l’action des Oulamas  difficile : chaque décision se met en place par consensus et doit  « donner du temps au temps ».

Dès lors, ceux qui proclament que l’Islam de France n’est pas miscible dans la démocratie, nous la « baillent » bien belle : ils devraient se mettre en conformité avec la réalité des choses ! Ces gens–là (n’est-ce pas, M. Sarkozy ?) ont l’outrecuidance de venir  interposer, en permanence, les « décisions autorisées  » d’El Azhar – d’obédience Chafe’ite, pourtant – entre la République et  l’Islam de France d’obédience malékite en majorité. Ce faisant, ils établissent  l’arc électrique nécessaire et suffisant pour brouiller la réception des uns et des autres et « shunter » la réalité : « tout va bien, dormez, bonnes gens ! ».

Comme tous  les textes religieux, le Coran n’a jamais cessé d’être interprété, d’abord parce que la langue arabe, comme toutes les langues, évolue ,ensuite parce que les musulmans du monde ont des langues et des cultures différentes et qu’ il a bien  fallu interpréter pour établir des dénominateurs communs : en  établissant les  Fiqhs  des différentes écoles de pensée de l’Islam, les Abou Hanifa,  Malek Ibn Anas, Ibn Hanbel et El Chafe’î   n’avaient-ils pas interprété  le Coran  au bénéfice des cultures propres à telle région ou à telle autre ?

Par ailleurs, le Coran,  intrinsèquement,  recèle des versets univoques (muhkam) et d’autres équivoques (mutashâbih). Le corpus univoque constitue les fondations du crédo : il est le pôle d’ancrage de la foi. Complété par les hadiths et la sunna,  il est la source de l’Orthopraxie. L’équivoque, par son imprécision même,  induit des divergences de point de vue : il recèle  le germe de la déviance et de la discorde ; il a fatalement fait l’objet d’interprétations, plus ou moins pertinentes, à la faveur de  telles impulsions ou telles autres.

Ces impulsions peuvent être le résultat des vicissitudes de la vie des nations, des famines, des guerres,  du progrès de la science, des migrations et, aujourd’hui, de la mondialisation. Ils sont autant de points d’inflexion sur la trajectoire des pouvoirs spirituels.  Toutes les religions en sont venues, à un moment ou un autre, à rogner sur leurs assurances, à parfaire le maquillage de leurs mythes fondateurs, à réajuster leurs credo  et  à réinterpréter tel verset  ou tel autre. Et pour cause, vivre c’est interagir !  Rien de ce qui touche l’homme n’est, dès lors, linéaire et immuable et ceux  qui ont entrepris de  « faire l’ange » ont toujours fini par « faire la bête ». 

Enfin - pour ce qui concerne le très rigide Salafisme wahhabisé  saoudien  -   n’a-t-on pas vu, ces dernières années, les oulémas de cette obédience venir, en catastrophe, réinterpréter le texte sacré pour rendre « halal », licite, la présence des forces US sur la terre sainte de l’Islam et faciliter ainsi la croisade, proclamée comme telle, par G.W.Bush et vécue, comme telle, par les musulmans ?

À l’évidence, tous les textes religieux sont interprétables par des assemblées de savants.  Renvoyons dos-à-dos nos néo-exégètes laïcistes et salafistes. Ils participent de la même dynamique distributive mortifère : ils s’entre-potentialisent mutuellement. Dans une réciprocité implacable, les uns amènent  l’eau nécessaire au moulin des autres. Bref, ils se font la courte échelle dans l’escalade vers l’horreur. 

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