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Billet de blog 19 février 2015

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Nucléaire. Le PCF entre néolithique et VIe république.

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Il y a des moments où le PCF aime à nous réjouir de propos hors du temps. Les prétextes en sont parfois futiles, parfois sérieux. Mais, même lorsqu’il s’essaie à parler sérieusement, il arrive au PCF de faire montre de futilité. La question nucléaire, question sérieuse, en est l’illustration dans un post récent sur Mediapart ; (http://blogs.mediapart.fr/edition/les-invites-de-mediapart/article/180215/nucleaire-nous-tendre-la-main)

C’est Sébastien Elka, membre du comité de rédaction de la revue Progressistes et des commissions écologie et énergie du PCF qui le signe. Il répond à un très long post d’un ancien militant de « Sortir du nucléaire », à la prose interminable, souvent caractéristique  des militants minoritaires, sur son blog Mediapart, post qui interpelait le PCF sur le nucléaire.

Le militant anti-nucléaire en question ne supporte pas, en fait, les alliances qui se font jour, entre Nouvelle Donne, EELV, le PCF et parfois le Parti de Gauche. Avant de choisir le PCF comme cible, il s’en prend à ces alliances qui à ses yeux constituent «une configuration des plus surprenantes des écologistes et des communistes qui vont ensemble aux élections alors que fondamentalement ils divergent sur beaucoup de sujets et autres questions de société ». Argument qu’il pense être définitif pour convaincre les gens de l’inutilité pour la France d’un regroupement des forces vraiment progressistes.

Le problème est que Sébastien Elka a dans sa réponse peu ou prou le défaut de l’aveuglé.

Aux arguments parfois extrêmes, aux mots souvent stéréotypés d’un autre temps (apparatchik),  mais aussi souvent justes, de Guillaume Blavette, l’auteur de l’adresse au PCF, on ne peut lire Elka sans regretter qu’il ait mal ciblé son argumentation pro-nucléaire.

Ainsi, se référer à « l’activité humaine », pour justifier le nucléaire tient-il la route ? A ce titre on peut tout justifier. Au prétexte que cela tombe dans « l’activité humaine » on justifiera les pesticides, (activité : chimie), les gaz à effet de serre, (activité : gaz de schiste, pétrole…), etc.

Et l’argument « scientifique », sur lequel il s’appuie, tient-il aussi la route ? Sauf dans son acception religieuse ?  Par exemple ceci : « Pour la majorité des communistes, le nucléaire n’est pas l’épouvantail qu’il peut être pour d’autres… appuyé sur ce qu’il y a de plus pointu dans les sciences de la matière ». Ou encore cela : Le nucléaire est « à évaluer à l’aune de la raison pratique ». Si on en est là aujourd’hui au PCF, l’ombre de Lyssenko n’est pas loin.

Taxer les énergies renouvelables d’ « insuffisamment matures » et repousser l’idée d’un soutien à celles ci au prétexte que ce « soutien est très couteux », est ce bien sérieux également ? Quand on connait le coût du nucléaire, le surcoût du nucléaire (EPR), du coût non provisionné du démantèlement, des assurances non couvertes pour des accidents à venir (USA, Ukraine, Japon hier. A qui le tour demain ? Jamais la France ?).

Comment peut on écrire que les choix allemands entrainent « Des pollutions terribles » en évoquant le charbon, sans rien dire de la pollution nucléaire et de ses effets sur la santé, (près des sites en France, Tchernobyl, Fukushima).

Mais notre jésuite du PCF n’a peur d’aucun mot, d’aucun argument, d’aucune distorsion argumentaire pour défendre son nucléaire. Et on aboutit sans rire au détour d’une phrase sur l’expression : « droit humain inaliénable » pour appuyer l’argumentaire énergétique. Car sans nucléaire, bien sur, « l’accès à ce droit » ne peut exister. Les allemands en seraient-ils donc privés ?

Comble de l’argutie : « le GIEC lui-même se prononce pour une utilisation accrue du nucléaire au niveau mondial ». Adieu, nos objectifs européens vers les renouvelables, l’objectif de la gauche française de limiter, avant d’en sortir, la part du nucléaire ! Au PCF on en veut davantage. Et sa propre mauvaise foi, pour qu’elle soit oubliée, on l’attribue aux « anti-nucléaires », incapables «de faire confiance aux autorités »…

Cerise sur le gâteau, le passage de la défense du nucléaire à une grande homélie de défense du Parti Communiste, « point d’appui pour les luttes sociales… et du renforcement des droits des citoyens ». Sous entendu : tout le contraire de ces anti-nucléaires.

Plusieurs paragraphes oublient d’ailleurs le nucléaire pour nous parler de tout autre chose. De la « VIe République », par exemple. Utiliser l’atome comme tremplin vers un appel à changer de constitution ! Respect !

Et de continuer un mélange de carpe et de lapin. Une cuillère de défense de l’environnement, trois louches pour dénigrer les anti-nucléaires comme étant loin du peuple, et surtout, un plein tombereau de mots pour parler de tout autre chose que du nucléaire dans un article titré, faut-il le rappeler « Nucléaire : nous tendre la main ».

Sébastien Elka va même jusqu’à nous dire que « Tout ceci n’empêchera pas les communistes de défendre que la révolution néolithique,quand il y a 20 000 ans l’homme a commencé à domestiquer et maîtriser la nature, a été le démarrage d’une grande et belle aventure ». Ah ce lyrisme du pro-nucléaire !

Pourtant, le débat énergétique, le débat de la transition énergétique, qui est l’enjeu essentiel de la construction d’une nouvelle société, mérite autre chose que la défense crispée de positions dépassées. Nous avons 25 ans pour construire un monde vivable, sous peine que tout explose.

A la vue de délitement planétaire auquel on assiste, il nous faut rester calme pour être constructif.

C’est en définitf ce que doit penser Sébastien Elka, qui se reprend à la fin de son texte :

« Nous ne nous mettrons pas d’accord sur le nucléaire, nos présupposés sont trop différents, mais si cela nous empêche de nous réunir, alors les puissances d’argent continueront de décider à notre place, de nous assujettir, de détruire notre planète. Il peut être difficile de nous tendre la main, mais nous n’avons pas le choix, il faut le faire ».

Est-il envisageable de pouvoir classer EDF et Areva dans le lot des puissances d’argent ?

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