A dire que les partis sont censés représenter des courants d'idées qui s'appuient sur un socle de valeurs commun, Marie-Anne Kraft et Judith Jérulsami m'ont semblé, dans leur chronique récente sur Médiapart, mettre tous les partis et courants d'idées en position d'égalité sur ce plan là. Il me semble, au contraire, que la réalité n'est pas celle ci. Car, si elle l'était, François Bayrou n'aurait pas eu à annoncer publiquement, une première fois qu'il ne voterait pas Sarkozy, puis une seconde, qu'il voterait Hollande.
Ce vote est l'aboutissement de son évolution politique personnelle, qui est l'image inversée de celle de la droite. Il fut un temps où celle ci n'était pas l'antinomie des valeurs républicaines et de la justice sociale. Ce temps est très largement derrière nous.
Les derniers ouvrages de François Bayrou en témoignent tout comme ceux de nombreux autres auteurs, politiques, économistes, intellectuels.
Les leaders de la droite ont enfermé celle ci dans les dérives de l'ultra libéralisme de la finance et de la banque, des entreprises transnationales sans attache. Un monde politique et une économie sans valeur autre que celle de l'argent. Un monde où l'intérêt général n'existe plus. Un monde qui ne recherche rien d'autre que d'accaparer les richesses du travail, celle des Etats, et qui exploite l'homme tout aussi bien que les ressources de la planète, sans souci, ni du présent, ni de l'avenir
Les leaders de la gauche, issus des mêmes écoles que ceux de la droite, ont longtemps pris comme vérité intangible les principes d'une économie ultralibérale où il est dit, comme vient de le rappeler Mitt Romney, que "le rôle des gouvernements consiste à rester à l'écart et laisser œuvrer la destruction créative inhérente à une économie libre". (Le Monde du 26 aout).
La crise semble leur avoir décillé les yeux. Sans toutefois que les mesures gouvernementales des 100 jours ne soient à la hauteur attendue des français. C'est ce qui a fait la une des médias ces jours derniers. On reproche à Hollande de ne pas trancher. Le fera-t-il?
Le constat de Marie-Anne Kraft et Judith Jérulsami sur les hommes politiques et leurs préjugés, sur les partis et leur fonctionnement est exact. Mais à trop vouloir être œcuménique, à croire qu'il existe aujourd'hui un socle commun aux partis, qu'il suffirait, en somme, de bonne volonté, elles laissent presqu'entendre que la gauche devrait pouvoir coopérer avec la droite. Mieux encore, elle semble chercher, en un effort sémantique évident, à montrer que les mots de la droite et ceux de la gauche ne seraient pas si éloignés que ça. Au risque d'apparaitre, à mon sens, ambigües. Ce n'est pas un reproche. Car je vois bien ce qui les anime. L'espoir d'une politique apaisée, qu'une union nationale, répondant aux défis de notre siècle mal parti, soit possible. Sauf que la bipolarisation est malheureusement bien ancrée, que pour gagner une élection nationale ou régionale il faut un grand parti, un appareil efficace, des moyens. Que tout effort d'y échapper a, à ce jour, échoué. Qu'un seul parti secondaire a, à ce jour, réussi à sortir de cette nasse: EELV. Adoptant, sans le dire, la tactique que prônait Daniel Cohn-Bendit.
Se désoler d'être dans une démocratie d'opinion ne sert donc à rien. Car le Président du Modem en a un temps profité. Sans avoir les moyens, ni, je pense, la statégie, pour que cela perdure.
Alors, si nous voulons espérer que notre pays pratique, pour le mieux, la culture coopérative de mise dans d'autres pays européens, que faut il faire? Que proposer? De concret?
Je ne vois qu'une chose. Que le Modem choisisse définitivement, et très vite, un chemin clair aux yeux des français. Le chemin d'un progressisme humaniste.
Celui ci est déjà écrit. On le trouve dans les écrits et les discours de François Bayrou. Un florilège puisé dans ceux ci est à constituer. Il montrera à quel point son choix du second tour était prévisible. Un choix que d'autres au Modem continuent de porter. Ce choix fait, il n'est plus temps de rêver à des retours au passé. Certains au Modem veulent croire à un retour en arrière. Ceux là n'ont rien lu, rien entendu et ne veulent rien comprendre de ce que nous a dit le président du Modem.
A des alliances contradictoires, désormais impossibles, doivent répondre des choix qui engagent. L'université de rentrée du Modem devrait, je l'espère ouvrir ce chemin.
Restera alors a être, jour après jour, force critique et force de proposition. Ce sera la meilleure façon d'ouvrir la route à des alliances à venir, de rendre possible l'œuvre commune. Mais avec qui?
Je ne la vois pas, pour l'instant, à droite, toute revenue à sa dévotion pour Sarkozy. Utilisant ses mots par la bouche de Copé. Redisant, belle embrouille! par la bouche de Hortefeux, que Sarkozy avait "uni la droite et le centre".
La droite de ces dix dernières années, comme celle qu'on nous prépare pour demain, a trop oublié les valeurs qui la fondaient autrefois. François Bayrou a cru au tournant d'un siècle où les dérives néolibérales étaient devenues la pensée unique de l'argent roi, pouvoir la ramener, par le centre, l'UDF d'abord, le Modem ensuite, à la raison des valeurs républicaines et humanistes, qui ont toujours fondé sa pensée. L'ère Sarkozy lui a définitivement montré que c'était impossible. Il en sera ainsi demain, car le poids de l'extrême est désormais bien en place à l'UMP. Sauf émergence miraculeuse d'un leader à la doctrine éclairée. Il y a peu de chance, car celles et ceux qui portent encore les valeurs de la république sociale dans cette droite n'ont pu jouer aucun rôle sous Sarkozy. Il en sera de même demain.
Peut on la voir à gauche? Un jour peut être. Mais aujourd'hui cette gauche n'est pas ouverte. Elle est dans le même déni de l'autre, des autres, que la droite. Sauf que son socle de valeurs n'est pas mort et qu'il est un espoir de changement.
Il reste donc au Modem à être assez lisible sur ses analyses critiques et ses propositions.
Si le Mouvement Démocrate sort de l'illusion d'un centre toujours à unifier comme objet principal de son horizon, il aura un jour son moment.
Si de l'université d'été sort un Modem enfin plus fort. (Une force à payer peut être par quelques départs. Ceux de qui ne se sont pas remis du choix de François Bayrou de voter Hollande), un rebond est possible. Une majorité de militants attend d'y travailler.
http://blogs.mediapart.fr/blog/marie-anne-kraft (lien vers chronique marie-Anne Kraft)