
Agrandissement : Illustration 1

La mairie de Rouen était sans doute loin d’imaginer que son projet d’opération immobilière juteuse menaçant une église désacralisée inscrite au patrimoine serait enrayé par les activistes de Nuit Debout. Le symbole est fort et même édifiant : ce ne sont pas, en effet, les riverains de ladite église, ni les intégristes catholiques, ni le conservateur du patrimoine, ni même le préfet, à la signature duquel est suspendue la décision de désaffectation, qui ont contrecarré les visées plus ou moins avouées du maire labellisé socialiste Yvon Robert, mais une trentaine fluctuante de citoyen(nes) de tous âges, de tous milieux et de toutes obédiences, réunis au sein d’une commune ambitieuse qui ravale le « village » identifiant le quartier auprès des édiles au rang de Clochemerle. Car dans cette ecclesia laïque en construction depuis le 5 mai dernier, on voit beaucoup plus loin que dans l’officiel conseil de quartier[*], tributaire, pour son budget, d’une mairie qui ne consent à demander l’avis des citoyens que pour positionner les bennes à ordures ou déterminer les aires de stationnement payant (avis non contraignant, bien sûr). Alors que les quelques riverains désireux de porter un projet alternatif en sont encore à peser le pour et le contre d’une action collective qui ne froisse pas une caste féodale qui se soucie pourtant d’eux comme de son dernier retournement de veste, la commune Saint-Nicaise, affranchie de toute espèce de servitude, entreprend avec des moyens dérisoires mais une inventivité immédiatement opérationnelle de réaliser leurs vœux.
Comme il arrive souvent, des rumeurs de dégradation ont vite couru, propagées par les nervis du commérage et de la bêtise ordinaire, les plus audacieux d’entre eux n’hésitant pas à saturer de déchets les poubelles alentour ou à jeter par leur fenêtre des canettes de bière, comme je l’ai vu faire, pour qu’on accuse ensuite les nouveaux arrivants d’ajouter à la malpropreté proverbiale de la ville de Rouen. Qu’on se rassure, après vérification, l’ex-église, qui sert d’entrepôt municipal et possède des orgues fameuses, est dûment protégée et sans doute l’est-elle beaucoup mieux maintenant qu’elle est devenue maison du peuple que lorsqu’elle était laissée à l’abandon, ouverte à tous les vents mauvais de la négligence intéressée. Nuit Debout fait le ménage dans une porcherie innommable menaçant ruine, à l’image du socialisme local, et c’est tant mieux.
Comme l’ex-église, déjà fragilisée par les ravages du temps, a fortement pâti du manque d’entretien, elle est fermée au public pour des raisons de sécurité et c’est au nom de la sécurité qu’un arrêté d’expulsion vient d’être délivré contre les résistants de Nuit Debout. Ceux-ci s’attendaient à être pris en défaut sur ce point, mais l’argument risque de se retourner contre la municipalité quand on sait la facilité avec laquelle n’importe qui peut entrer dans ce bâtiment non sécurisé et non verrouillé, et où les collégiens de l’établissement public voisin ont l’habitude de zoner. Dans l’ordre des responsabilités, c’est d’abord celle du maire qui est engagée, lourdement, et ce depuis longtemps.
Mais qu’on juge plutôt de la dangerosité des vandales qui ont rebaptisé civiquement l’église des pauvres et envisagent de rétablir la soupe populaire de l’aumônerie attenante, elle aussi occupée :

Agrandissement : Illustration 2

[*] Il existe aussi une association de quartier, "Le Village Saint-Nicaise", qui touche de la mairie une petite subvention pour l’animer et se repose, pour le reste, sur les bonnes volontés. Les résistants de Nuit Debout devraient se coordonner avec celle-ci, même s’il s’agit de bien autre chose que de muscler le comité des fêtes.