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Billet de blog 12 novembre 2024

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BRÉSIL : Ronnie Lessa, psychopathe, au-delà des pires cruautés

Trois balles, dont deux létales, en pleine rue. Le "coût", en 2007, pour l'institutrice en maternelle Patrícia Simões Mendes Guimarães, 32 ans, pour avoir osé dire, auparavant, à son amie et confidente de toujours, voisine de rue depuis l'adolescence, que son époux avait une fille hors mariage. Le mari, policier militaire, s'appelait ... Ronnie Lessa, futur tueur de Marielle Franco en 2019.

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Illustration 1
Elaine Lessa, au centre, avec des lunettes. (photo non datée) © DR

Le 24 avril 2007, comme chaque jour de la semaine, Patrícia Simões Mendes Guimarães, 32 ans, sort de chez elle, et se dirige ver l'arrêt de bus. Avant d'atteindre l'arrêt, une voiture freine à côté d'elle. Par la fenêtre, l'un des occupants tire trois coups de feu. Deux des balles l'atteignent à la poitrine et la troisième à l'avant-bras gauche. Elle décède aux urgences.
 
Enseignante dans une école maternelle, elle n'avait jamais dit à ses proches qu'elle avait été menacée, de quelque manière que ce soit.
 
Ouverte par le 26e commissariat de police, du quartier de Méier, à Rio de Janeiro, l'enquête de la police civile et du parquet cariocas, longue de 222 pages, dont la majeure partie était remplie de tampons et de signatures de policiers et de procureurs, a été clôturée le 30 novembre 2011 en raison de l'absence de « toute possibilité d'élucider le fait criminel », comme l'a affirmé à l'époque le ministère public de Rio de Janeiro (MP-RJ).

Dix-sept ans plus tard, une phrase prononcée dans le cadre de l'enquête sur les commanditaires des meurtres de Marielle Franco et d'Anderson Gomes, a finalement permis d'éclaircir cet homicide :  « C'est Lessa qui l'a fait ». Celui qui l'a prononcée est l'ex-policier militaire qui conduisait la voiture du tueur de Marielle Franco, le 14 mars 2018. Une institutrice de maternelle a donc payé de sa vie l'indiscrétion d'avoir dit, en 2007, à son amie, Elaine Pereira de Figueiredo, que son mari, un certain ... Ronnie Lessa, avait une fille hors mariage.
 

Illustration 2
Patrícia Simões Mendes Guimarães © DR


  
Officiellement, l'affaire reste close. Cependant, à la lumière des révélations d'Élcio de Queiroz, certaines vérifications ont déjà commencé. Une affaire de meurtre peut être rouverte si de nouveaux éléments de preuve sont découverts, tant que le dossier du crime contre Patrícia Simões Mendes Guimarães n'est ni clos, ni classé. La levée des scellés d'une affaire pénale peut être demandée par toute partie intéressée, comme la partie ou l'avocat, directement au greffe où l'affaire s'est déroulée, le 1er tribunal pénal de Rio de Janeiro.

Retour en arrière. Patrícia, Elaine et Élcio ont grandi dans la même rue, Eulina Ribeiro, à Engenho de Dentro, un quartier de la zone nord de Rio de Janeiro. Au cours de l'enquête sur l'affaire Marielle Franco, Élcio de Queiroz a déclaré qu'il connaissait Elaine depuis l'âge de 12 ans et qu'il s'était rapproché de Lessa il y a ... trente ans, lorsqu'il a commencé à fréquenter sa voisine. Au début, Lessa et le père d'Élcio, un chauffeur de camion, se sont disputés. Puis ils sont devenus amis. Bien qu'ils aient tous deux rejoint les rangs de la police militaire, Ronnie Lessa et Élcio de Queiroz n'ont jamais travaillé dans la même unité.

Dans la rue Eulina Ribeiro, la famille de Patrícia vivait dans une maison de ville avec deux appartements. La famille d'Elaine, elle, vivait dans une copropriété de cinq appartements. Son frère, Bruno Figueiredo*, était surtout connu dans le quartier pour son activité de cycliste, même après avoir perdu une jambe à un jeune âge à cause d'une maladie. Ils ont formé un groupe d'amis jusqu'à l'âge adulte, où chacun a alors suivi sa propre voie.

Illustration 3
Ronnie Lessa, le 14/3/2019 au petit matin. © DR

Depuis son plus jeune âge, Patrícia rêve de devenir institutrice. Dans la seconde moitié des années 1990, elle a déménagé avec sa famille à la Rua Doutor Bulhões, à six pâtés de maisons de son ancienne adresse. À l'époque, Patrícia étudiait la pédagogie à l'université privée Gama Filho (1939/2014) et sortait avec un garçon de Campo Grande, dans la zone ouest de Rio de Janeiro. Même à distance, elle est restée l'amie et la confidente d'Elaine.

Parmi ses proches, Patrícia était appelée "Pati" ou "Dandara". Toujours discrète, elle s'est surtout exposée en partageant des images et en échangeant des messages sur la messagerie Orkut. Elle a suivi la relation de son amie avec un sergent de la police militaire jusqu'à ce qu'ils se marient tous les deux et, dans les premières années, ont vécu dans la rue Eulina Ribeiro.

À cette époque, Ronnie Lessa a déjà acquis une réputation de brute dans la caserne. Deux ans après son entrée dans la police militaire, il était déjà membre du létal Bataillon des opérations spéciales de la police (Bope), où il est resté de 1993 à 1997, même sans avoir suivi la formation  cours spécialisée «tueur [caveira]». Il a été promu à deux reprises pour des actes de bravoure et, lorsque le gouvernement de l'État de Rio de Janeiro a voulu apporter une réponse ferme à l'explosion des cas d'enlèvement à Rio de Janeiro, il a été invité à rejoindre la police civile (PCRJ) en 2003 en tant que policier détaché.
Lessa, comme les autres policiers détachés, connaissait mieux les rues que n'importe quel policier civil. Il s'est rapidement fait remarquer et respecter pour son agilité et son courage dans la résolution des affaires. Cette réputation, selon les coulisses de la police, est parvenue aux oreilles d'un important "empereur" des jeux clandestins de hasard, Rogério Andrade, alors en conflit territorial sanglant avec Fernando Iggnácio de Miranda, l'un des héritiers putatifs du "roi des rois" des jeux de hasard Castor de Andrade, décédé en 1997. Recruté par ce Rogério Andrade, Lessa a rapidement gravi les échelons de l'organisation clandestine et illégale, en tant que garde du corps, pour devenir l'homme de confiance de ce Rogério Andrade. Qui sera arrêté et écroué dans une prison fédérale le 29 octobre 2024, pour l'homicide de Fernando Iggnácio de Miranda.
 
La première fille du couple Lessa, Mohana, est née en 1996. Le couple s'est installé à Taquara, dans le quartier de Jacarepaguá. En mars 2005, alors que Lessa servait déjà en civil dans les commissariats spécialisés, un autre enfant de lui est né, d'une relation extraconjugale. Bien que ne soient connues les circonstances dans lesquelles cela s'est produit, l'histoire parallèle est parvenue aux oreilles de la femme de  Ronnie, Elaine et, pour une raison quelconque, son mari Ronnie Lessa s'est convaincu que Patrícia avait parlé. Il a donc décidé de la "punir"...
En 2007, Patrícia vivait un moment particulier de sa vie. Après avoir effectué un stage dans des écoles maternelles via l'université Gama Filho, elle a obtenu un poste d'enseignante dans une école publique d'Água Santa, un quartier situé à quelques minutes de bus du quartier de Méier. Le 26 mars de cette année-là, Patrícia a eu une grosse frayeur : elle a été agressée dans la rue Clarimundo de Melo, à l'angle de la rue Assis Carneiro, près de son école du quartier de Piedade. Les bandits ont emporté deux sacs contenant des agendas, des cahiers et des téléphones portables. Ils ont ensuite appelé chez elle et lui ont demandé des cartes de téléphone portable et de l'argent, conditions pour lui rendre les appareils.
La famille a soupçonné qu'il s'agissait de bandits d'une bande de la région du Morro do Dezoito, de la favela de Quintino, également proche.
L'argent n'a pas été versé et les téléphones portables n'ont pas été récupérés, malgré l'appel de Patrícia, envoyé par des membres de l'école maternelle à des interlocuteurs du Morro do Dezoito.
La vie semblait reprendre son cours normal jusqu'à ce qu'une voiture Fiat, modèle Palio, le moins cher de la marque, probablement gris, croise le chemin de l'enseignante... Bien que l'enquête sur le crime manque d'informations, avec des témoins qui n'ont rien vu et des expertises inutiles, les actions du tueur sont très similaires à ce qui se passera dans le quartier d'Estácio, onze ans plus tard, le 14/3/2018, lorsque la Chevrolet modèle Cobalt, de Ronnie Lessa et Elcio de Queiroz, s'approchera de la voiture de Marielle Franco...
En l'absence d'une raison claire, la famille de Patrícia, abasourdie et ébranlée, soupçonne tout et tous. Une hypothèse désigne les mêmes bandits qui l'ont volée un mois plus tôt. Comme les patrons du Morro do Dezoito avaient été informés du vol, la famille a pensé que les voleurs avaient été frappés, dans la favela, et qu'ils s'étaient vengés sur l'enseignante. Une autre hypothèse était que l'ex-petit ami d'une amie, supposément lié aux milices, avait menacé l'enseignante Patricia parce qu'il pensait qu'elle avait empoisonné sa relation avec sa petite amie. Rien de tout cela n'a cependant été confirmé. Le suspect a même été entendu, mais a présenté un alibi convaincant.
En novembre 2011, sans trop insister, la police a décidé de ne pas donner suite à l'affaire.
À l'époque, le chef du 26e commissariat, Carlos Augusto Leba, a déclaré qu'« avec le passage du temps - une variable fatale dans les enquêtes de toutes sortes - sans qu'il soit possible de combiner la méthodologie d'enquête avec la quantité de données déjà rares à l'époque à des fins d'élucidation, nous avons un cas que l'on peut dire insoluble, drainant des ressources qui auraient très bien pu être exclusivement destinées aux enquêtes qui ont des répercussions contemporaines ». Le ministère public carioca (MP-RJ), qui a été consulté, s'est rallié aux allégations de la police.
 
Emprisonné depuis le mardi 12 mars 2019, Ronnie Lessa voit les récits de ses innombrables atrocités émerger, un par un.
 
 
(*) Vingt-quatre heures après l'arrestation de Ronnie Lessa, en mars 2019, Elaine Lessa a mis en place une organisation pour faire disparaître les preuves des crimes de son mari Ronnie, qui se trouvaient dans un appartement, loué par lui-même, dans un autre quartier de Rio de Janeiro, Pechincha, à l'ouest de Rio de Janeiro. Plus précisèment dans la rue Professor Henrique da Costa. Elaine Lessa a appelé son frère Bruno Figueiredo, pour organiser la disparition des preuves - parmi elles, au moins six armes longues à usage restreint. Bruno Figueiredo s'est rendu à l'appartement avec le dénommé Márcio Montavano, et a remis le matériel à un certain Josinaldo Freitas, selon les enquêteurs.

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Note : ces révélations sur l'assassinat de l'institutrice de maternelle ont été publiées le 11/11/2024, dans le site platobr.com.br, par le journaliste Chico Otavio, remarquable co-auteur du seul livre d'enquête ("Mataram Marielle") sur l'affaire Marielle Franco, lancé en 2020.
 
Ronnie Lessa est né le 15 juillet 1970 à Rio de Janeiro. Il faut rappeler ici le cas d'une autre personne civile qu'il a exécuté, révélée par le journaliste Sergio Ramalho il y a quelques mois. C'était un politique - parmi les trois autres hommes politiques qu'il a exécuté avant de tuer Marielle Franco et Anderson Gomes - tué dix mois après avoir tué Patricia : avec le milicien Adriano da Nobrega et un policier militaire ils ont, le mardi 18 décembre 2007 à 10h30, criblé de 15 balles de calibre 7.62 Ary Ribeiro Brum dans sa voiture, en mouvement, Volkswagen modèle Santana officielle, ex-député de l'Etat de Rio de Janeiro, assesseur du gouverneur d'alors de Rio de Janeiro, Sergio Cabral. Sergio Ramalho le raconte dans son incontournable  livre-enquête "Decaído", à partir de la page 171.
Les deux autres politiques exécutés étaient Josinaldo Francisco da Cruz, dit Nadinho, ex-conseiller municipal de Rio de Janeiro, tué le 10 juin 2009 (p. 165). Le troisième se nommait Alberto Salles, était conseiller municipal en campagne pour sa possible réélection, et le tueur Ronnie Lessa, venu à pied d'une voiture Gol de la marque Volskwagen, le 21 octobre 2008, l'a exécuté de quatre balles dans la tête, à travers la vitre alors que la Volskwagen officielle était arrêtée à un feu rouge et le conseiller municipal assis comme passager avant de son chauffeur. Dans la séquence immédiate, Ronnie Lessa a couru vers une moto, autre véhicule en soutien de cet assassinat prémédité, dont le conducteur l'attendait un peu plus loin dans les embouteillages (cf. p. 186).
 

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