Nous avons choisi de traduire, partiellement, ci-dessous, en l'adaptant, la remodelant et l'amendant en ce mois de février 2025, une longue enquête - magistrale - datée de 2018, sur Ronaldo Caidao, effectuée par les deux journalistes Alceu Luís Castilho et Bruno Stankevicius Bassi. Qui sont aux "manettes" du site de journalisme indépendant De Olho nos ruralistas.
LIRE, AVANT :
Un candidat d'extrême droite, de l'agronégoce, s'annonce pour la présidentielle 2026 (23/2/2025)
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Depuis les années 1980, Ronaldo Caiado, le fondateur de l'association nationale "União Democrática Ruralista" (UDR) est l'un des principaux porte-parole des propriétaires terriens dans la guerre permanente qu'ils mènent contre toute réforme agraire progressiste. Il n'est donc pas étonnant que Caiado figure parmi les hommes politiques qui reçoivent le plus d'argent de la part des entrepreneurs de l'agro-industrie.
L'influence de Ronaldo Caiado dans le milieu des propriétaires terriens s'est consolidée au cours de ses cinq mandats de député fédéral, à Brasilia, et, depuis 2014, au Sénat, "représentant" des intérêts du secteur. Mais elle provient aussi de son travail à la tête de l'UDR. Créée en 1985 comme réponse de l'élite rurale à l'émergence du Mouvement des travailleurs sans terre (MST), l'organisation politique a un passé sombre. Parmi les victimes de l'UDR, à qui l'on doit en grande partie la popularisation du terme « ruraliste » (auparavant utilisé de manière beaucoup plus sporadique, selon une enquête du site Olho nos ruralistas), la plus célèbre est le leader extractiviste Chico Mendes. Le coup de fusil qui a tué l'un des plus grands symboles de la lutte pour la réforme agraire - connu dans le monde entier pour son engagement écologiste - a été commandé par Darly Alves, représentant de l'UDR dans l'Etat de l'Acre, où vivait Chico Mendes. À l'apogée de l'UDR, entre 1985 et 1989, la violence dans les campagnes a atteint son point le plus extrême, avec 640 meurtres. Mais cela ne s'est pas arrêté là. En 1996, avec l'intensification des occupations par le MST, le nombre de morts a de nouveau augmenté. Antenor Duarte do Valle, l'un des principaux acteurs du massacre de Corumbiara, est le fondateur de l'UDR dans l'Etat du Rondônia. Deux ans plus tard, en 1998, deux des dirigeants de l'organisation dans le nord-ouest de l'Etat du Paraná, Marcos Prochet et Tarcísio Barbosa, ont été inculpés pour leur implication dans l'assassinat du leader des sans-terre Sebastião Camargo Filho. En juin 2021, 23 ans après l'assassinat de Sebastião Camargo, l'ancien président de l'Union démocratique rurale (UDR) du Paraná, Marcos Prochet, a été jugé et reconnu à nouveau coupable du crime jeudi 24 juin 2021 à Curitiba. Le jury a reconnu Prochet comme l'auteur du coup de feu qui a tué le travailleur rural en 1998 et l'a condamné à 14 ans et trois mois de prison. Cette condamnation est la troisième prononcée par un jury populaire à l'encontre de Prochet. D'autres jurys dans le même procès ont eu lieu en 2013 et 2016. Cependant, les deux condamnations ont été annulées par la Cour de justice du Paraná.
Lors de l'Assemblée constituante - convoquée en 1985 par le président de la République José Sarney, qui a travaillé pendant 20 mois, en réunissant 559 parlementaires (72 sénateurs et 487 députés fédéraux), avec une forte participation de la société et a permis ensuite de rédiger la Constitution - la mobilisation des propriétaires terriens a enterré la proposition de Plan national de réforme agraire. En juillet 1987, une marche de 30.000 personnes convoquée par l'UDR assiège Brasilia, créant un climat de tension et de menaces lors des séances. Les propriétaires terriens sont entrés dans les réunions avec des armes et, plus d'une fois, le débat s'est terminé par des coups de poing. La victoire des grands propriétaires terriens propulse Ronaldo Caiado sur le devant de la scène et convainc le député fédéral de l'époque de se présenter à l'élection présidentielle de 1989. (voir article précédent du 22/2/2025)
Car, bien que diplômé en médecine, Ronaldo Caiado a bâti sa fortune sur l'élevage de bétail, dans la tradition coronelista. Pendant la Première République, le grand-père de Ronaldo Caiado, le sénateur Totó Caiado, était célèbre pour avoir nommé des alliés à des postes clés dans l'État de Goiás, qui s'appelait alors "Goiás Velho".
Dans son livre "1889", lancé en 2013, le journaliste Laurentino Gomes cite une lettre envoyée par l'ancien sénateur de l'Empire Felicíssimo do Espírito Santo Cardoso (1835/1905) à son fils Joaquim Inácio Cardoso (1860/1924), l'un des leaders de la Proclamation de la République du Brésil aux côtés de Ruy Barbosa : « Vous avez fait la République qui n'a servi à rien. Aujourd'hui comme hier, ce sont toujours les Caiados qui dirigent ». Joaquim Inácio Cardoso est le grand-père de l'ancien double président de la République (1994/2002) Fernando Henrique Cardoso, dit "FHC", dont les possessions foncières et agraires ont aussi fait l'objet d'une série spéciale dans le site internet d'enquêtes journalistiques De Olho nos Ruralistas.
La liste des donateurs pour les campagnes électorales nationales de Ronaldo Caiado comprend des noms familiers aux Brésiliens. Alexandre Funari Negrão (1953/2023), dit "Xandy" est un ancien pilote automobile et un éleveur de bétail à Nova Crixás, la même municipalité où Ronaldo Caiado possède 1.874 hectares. "Xandy" possèdait la propriété "Conforto", de 12.000 hectares, l'une des plus grandes références en matière de parcs d'engraissement de bovins au Brésil et le principal fournisseur de l'empire agroalimentaire JBS, avec 90.000 bœufs abattus par an. Il a fait don de 100.000 R$ (20.000 US$) à la campagne de Ronaldo Caiado. Fondateur de Medley Indústrias Farmacêuticas, une société pharmaceutique rachetée par l'empire français Sanofi pour 664 millions US$, l'homme d'affaires de São Paulo a été inculpé en 2000 par la commission d'enquête parlementaire (CPI) du narcotrafic, pour trafic de stupéfiants après avoir été pris en flagrant délit de fourniture de produits chimiques pour le raffinage de la cocaïne par l'intermédiaire de l'Instituto de Química Campinas, qu'il avait créé dans l'Etat de Sao Paulo.
"Xandy" a également été inculpé pour fraude fiscale et outrage. Son fils, le pilote de stock car "Xandinho" Negrão, s'est fait connaître en 2017 en épousant l'actrice internationale Marina Ruy Barbosa, arrière-arrière-petite-fille de l'« Aigle de La Haye », Ruy Barbosa, le saint patron de la République du Brésil. L'événement somptueux, surnommé le « mariage de l'année », a été financé par la fortune de "Xandy", l'éleveur de bétail.
En 2014, Antônio Ramos Caiado Filho - l'oncle de Ronaldo Caiado - a été placé sur la « liste sale » des travailleurs esclaves après que quatre employés de sa plantation de charbon de bois à Nova Crixás (GO) ont été surpris en train de travailler jusqu'à 19 heures par jour sans aucun équipement de protection individuelle.
L'un des oncles de Ronaldo Caiado, Emival Ramos Caiado, était député fédéral de l'UDN et de l'Arena, le parti de la dictature pour lequel il a été élu au Sénat.
Un autre oncle de Ronaldo Caiado, Ecival Ramos Caiado, était également député fédéral du parti politique de droite Arena. C'est l'autre oncle, cité plus haut, Emival Ramos Caiado qui a fait voter la loi visant à déplacer la capitale du Brésil de Rio de Janeiro à Brasilia, plus près des propriétés de la famille.
Ronaldo Caiado a déclaré 8,1 millions R$ (1,7 million US$) d'actifs en 2018. Le site De Olho nos Ruralistas a fait état de son patrimoine rural en analysant ses précédentes candidatures. L'essentiel du patrimoine du sénateur provient des milliers de têtes de bétail - plutôt que du prix de ses fermes et propriétés foncières, extrêmement décalé par rapport aux valeurs actuelles.
En 2010, lorsque Ronaldo Caiado a été réélu pour un quatrième mandat consécutif de député fédéral à la Chambre des représentants à Brasilia (il a également effectué un mandat entre 1991 et 1994), il a déclaré 8.241 hectares. Les sept fermes déclarées il y a huit ans réapparaissent génériquement comme « biens immobiliers» en 2018, à la même valeur, au centime près.
Les sept fermes les plus anciennes de Ronaldo Caiado sont réparties dans six municipalités. Avec des valeurs très différentes. La Fazenda São Bento Limoeiro, à Americano do Brasil (GO), est vendue 108.259,75 R$ (21.900 US$). La Fazenda Conquista, à Itaberaí (GO), pour 296.379,12 R$ (47.000 US$). La Fazenda Escalada, à Mara Rosa (GO), un héritage de sa mère Maria Xavier Caiado, pour seulement 1.173,60 R$ (220 US$) ! La Fazenda "Lago Bonito", entre les municipalités de Crixás et de Mozarlândia (GO), un autre héritage de sa mère, pour 10.562,40 R$. La fazenda "Aldeia Maria", à Mara Rosa (GO), héritée de son père, Edenval Ramos Caiado, pour 600.000 R$ (121.000 US$). Les deux fazendas "Santa Maria" et "Segredo", à Nova Crixás (GO), pour 699.524,59 R$ (140.000 US$) et 44.518,01 R$ (82.000 US$).
En 2014, sept autres exploitations ont été déclarées dans le patrimoine de Ronaldo Caiado. "São Bento do Limoeiro", à Americano do Brasil, pour 108.259,75 R$. Les exploitations "Boa Vista" et "Furna da Onça", à Anápolis (GO), pour 34.000 R$ et 213.920 R$. La fazenda "Crispim", à Hidrolina, pour 196.682,83 R$ (39.200 US$). Les fazendas "Gonçalo", "Cabeceira do Capivara (jonction avec le bassin hydrographique de Córrego do Meio)" et "Furna da Onça", à Nerópolis (GO), pour 285.280 R$ (58.000 US$), 13.750 R$ et 56.080 R$ (11.000 US$). Ronaldo Caiado n'a alors pas précisé la superficie de ces propriétés.
L'ensemble des 14 exploitations agricoles est déclarée pour un montant de 2.668.390,05 R$ (540.000 US$). Une valeur qui ne correspond pas à la valeur du marché, indéniablement. Pour au moins six d'entre elles - qui ont eu la même valeur depuis les années quatre-vingt dix. Les sept exploitations incluses dans la déclaration de 2010 totalisent à elles seules 8.241 hectares. Il n'est pas difficile de déduire que le total réel se situe entre 10.000 hectares et 15.000 hectares, selon une estimation approximative, dans une large fourchette qui s'étend du centre au nord de l'État de Goiás.
De 2010 à 2018, le patrimoine de Ronaldo Caiado, qui valait auparavant 5,95 millions de R$ (1,2 million US$), a augmenté de 36 %. Par rapport à 2006, où il possédait 3,67 millions R$ (presque entièrement sous forme de fermes et de bétail), il a plus que doublé. En 2014, lorsqu'il a été élu au Sénat, il n'a pas mentionné le nombre d'hectares, mais a déclaré être propriétaire d'un troupeau de 3.539 têtes de bétail. Le prix déclaré pour le bétail s'élevait à 3,64 millions R$, soit la moitié de ses actifs cette année-là, qui s'élevaient à 7,23 millions R$.
Lors des élections de 2018, la valeur du troupeau du fondateur de l'UDR a augmenté de 690.000 R$, atteignant 4,3 millions R$. Vingt ans plus tôt, en 1998, lorsqu'il a été élu à la Chambre des représentants pour la première fois, comme député fédéral, Ronaldo Caiado possédait 1.830 bovins répartis dans six fermes.
Ronaldo Caiado est également actif dans le secteur minier. Selon une enquête du 23/9/2018, de The Intercept Brasil, Rialma, un conglomérat dirigé par son cousin, Emival Ramos Caiado Filho, prévoit d'installer sept petites centrales hydroélectriques dans le ... parc national de la Chapada dos Veadeiros, l'une d'entre elles se trouvant dans le territoire quilombo de Kalunga.
Une fois élu au Sénat, Ronaldo Caiado s'est efforcé d'assouplir les procédures d'autorisation environnementale, ce qui est précisément l'étape qui reste à franchir pour que le projet énergétique dans la Chapadao dos Veadeiros, de son cousin, devienne réalité...
L'un des principaux soutiens de sa campagne pour le poste de gouverneur de Goias, avec une contribution de 80.000 R$, avait été Domingos Sálvio Gomes de Oliveira, partenaire du groupe Pirineus, le plus grand producteur de calcaire de l'Etat de Goiás. Mais, parmi les partisans de la candidature de Ronaldo Caiado, la majorité appartenait à la classe des propriétaires terriens. Alfredo Angelo Soncini Filho, partenaire du groupe Engebanc, a fait un don de 150.000 R$ (30.000 US$). Il est propriétaire de l'Usina Caçu, un producteur de sucre et d'éthanol qui possède 8.000 hectares de canne à sucre à Vicentinópolis (GO).
Une autre somme importante a été versée par le président de la Cosan*, Rubens Ometto. Propriétaire d'une fortune de 4,2 milliards de R$ (850 millions US$), l'homme d'affaires est une figure bien connue du monde politique. En 2014, la Cosan a injecté un total de 30 millions de R$ (6 millions US$) dans les campagnes de plusieurs candidats politiques à travers tout le pays, dont 450.000 R$ (90.000 US$) pour la campagne .... sénatoriale de Ronaldo Caiado. En 2018, sans possibilité de financement privé des campagnes, Ometto est devenu le plus grand donateur du pays, distribuant 6,3 millions R$ à ... cinquante candidats !
Par l'intermédiaire de Raízen, Cosan contrôle 860.000 hectares de surface agricole cultivée, ce qui correspondrait à 11 municipalités de la taille de la capitale Goiânia. Dans l'État de Goias, la Cosan possède des fermes et des moulins dans la municipalité de Jataí. Par ailleurs, 280.000 hectares sont liés à Radar S/A, une coentreprise avec Tiaa-Cref, un groupe qui gère des fonds de pension aux USA et en Europe. Radar est accusée d'acheter des terres à des accapareurs dans les provinces des deux Etats du Piauí et du Maranhão, au Nordeste.
Caiado n'est plus sénateur depuis le 1er janvier 2019. Depuis lors, il est dans son deuxième mandat successif de gouverneur de l'Etat de Goias.
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(*) En 2008, Cosan acquiert pour 714 millions US$ les stations de services Esso appartenant à Exxon Mobil au Brésil. En 2010, Cosan crée une coentreprise, nommée Raizen, avec Shell. Cette dernière apporte également 1,63 milliard US$ à la coentreprise. L'ensemble possède 4.500 stations services, une production annuelle de 2,2 milliards de litres d'éthanol et une production de canne à sucre de 100 millions de tonnes. En février 2014, Cosan propose d'acquérir l'entreprise brésilienne de transports ferroviaire de marchandises America Latina Logistica (ALL) pour l'équivalent de 4,7 milliards US$. Etc.